

AGEFI Luxembourg
4
Février 2019
Economie
Par Julien LAMOTTE (cf. portrait), associé,
Guilhem CORNU, Senior Manager &
Vincent REYNVOET, SeniorManager,
Financial Services Tax, Deloitte Tax &
Consulting S.à r.l.
P
our bien commencer
l’année 2019, nous
proposons de nous
pencher sur les événements
fiscauxmajeurs ayant mar-
qué leGrand-Duché au cours
de l’année qui vient de s’ache-
ver et ceux à considérer pour
l’année à venir.
Les principaux éléments
d’actualité fiscale
sont bien enten-
du la transposi-
tion des disposi-
tions de la directi-
ve luttant contre les
pratiques fiscales
d o mm a g e a b l e s
(mieux connue sous
l’acronymeATAD) appli-
cable au 1
er
janvier 2019 ou
encore le nouveau régime de
propriété intellectuelle voté cou-
rant 2018 et le registre des bénéficiaires
effectifs récemment en vigueur.
Au rangdesplats encore sur le feuqu’il faudra sur-
veiller cette année comme le lait sur le feu, il
convient de rappeler l’existence d’un projet de loi
relatif à l’approbationde la conventionmultilatéra-
le pour lamise enœuvre du BEPS (MLI) et le nou-
veau traité de double imposition avec le voisin
français. En parallèle, l’administration fiscale des
contributions directes à émis de nouvelles recettes
détaillant la façon de cuisiner les monnaies vir-
tuelles d’un point de vue fiscal.
L’ATAD
Atoutseigneur,touthonneur,nouscommencerons
par une entrée digne d’un plat de résistance,
l’ATAD. On y découvre, des règles relatives aux
sociétés contrôlées, à l’imposition à la sortie mais
également à la limitation de la déduction des
intérêts, le tout saupoudré de dispositions limitant
les dispositifs dit hybrides et de la modification de
la règle générale contre les abus.
En matière de sociétés étrangères contrôlées, on a
introduit des mesures impliquant, à des fins de
taxation, la réintégration dans une société mère
luxembourgeoise des revenus qui n’auraient pas
été distribués dans des filiales ou à des établisse-
ments stables localisés dans des juridictions
considérées comme faiblement taxées. De tels scé-
narios sont possibles si lesdites entités sont taxées
à un taux inférieur à 9%et contrôlées ou détenues
à plus de 50%par la sociétémère luxembourgeoi-
se. L’application d’une telle règle issue d’une
directive européenne lorsque des conventions fis-
cales sont en vigueur peut dans certains
cas (i.e. présence d’un établissement
stable) poser question. A noter que
certaines problématiques seront
réglées par le MLI une fois celui-
ci en vigueur comme l’a souligné
le Conseil d’Etat dans ses com-
mentaires.
Tout comme les mouvements de
revenus, les transferts de sociétés
ou d’actifs de celles-ci seront
désormais passés à la moulinette
de l’ATAD. Une imposition pour-
rait s’appliquer, et cela sous certaines
conditions, sur la différence entre la
valeur de marché des actifs
concernés au jour du
transfert et leur
valeur telle que
reprise pour les
besoins fiscaux.
Pour les trans-
ferts de résiden-
ce ou d’actifs vers
un autre Etat
Membre ou des
Etats de l’Espace
E c o n o m i q u e
Européen avec les-
quels le Luxembourg a une
Convention d’assistance administrative
mutuelle en place, le paiement de l’impôt à la
sortiepourraêtreéchelonné suruneduréede5ans
ou jusqu’au nouveau transfert des actifs ou de la
résidence dans un Etat tiers si cela est réalisé anté-
rieurement.Anoter que l’Etat membre bénéficiant
du transfert se doit désormais d’accorder la repri-
sede lavaleurdemarchéétabliepar l’Etatmembre
d’origine comme valeur d’origine pour les besoins
fiscaux, sauf s’il est établi que cette valeur ne repré-
sente pas une valeur demarché. Dans ce cas spéci-
fique, les règles seront d’application à partir de
l’année fiscale 2020.
La limitation de la déductibilité des intérêts a en
soi pour principale finalité de limiter l’impact de
l’endettement (y compris intra-groupe) sur la
base taxable. Pour de plus amples détails, nous
nous référons à l’article publié à la dernière édi-
tion par nos collègues Christophe De Sutter et
Orianne Wajnberg.
Outre cette mesure, l’antique règle de 1934 consa-
crant une clause d’anti-abus générale a été moder-
nisée par l’introduction d’une définition révisée de
ce que peut représenter l’abus fiscal. Si les travaux
parlementaires soulignent bien que le choix de la
voie fiscale la moins imposée s’offre toujours au
contribuable, le seuil d’applicationde la clauseanti-
abus se trouve abaissé et pourrait conduire en pra-
tique à une application plus large de celle-ci par
l’Administration fiscale.
Enfin, les dispositions anti-hybrides inclues dans
cette loi ont pour vocation de combler les failles et
incompatibilités de législation entre deux juridic-
tions pouvant aboutir à une différence d’interpré-
tation fiscale tant pour le statut d’une société ou la
qualification d’un instrument financier. De telles
situations peuvent se traduire notamment par une
double déduction ou alors une déduction de
dépenses dans un Etat sans inclusion dans l’autre
état.Anoter qu’à ce stade, ces dispositions ne s’ap-
pliquent qu’aux entités et opérations entre Etats
membrede l’Unioneuropéenne.Des extensionsde
ces règles sont prévues pour 2020 et 2022, mais ceci
est une autre histoire.
Propriété intellectuelle
Après ce plat bien copieux, il convient de rappe-
ler qu’un nouveau régime de propriété intellec-
tuelle a été introduit l’an passé pour faire suite à
celui précédemment aboli. Sous l’impulsion des
travaux initiés par l’OCDE contre l’érosion fisca-
le, la fiscalité entourant la sphère de la propriété
intellectuelle est entrée dans une nouvelle ère. Les
nouvelles règles adhèrent désormais au credo dit
du lien modifié (nexus ratio) en vertu duquel les
dépenses réalisées dans une juridiction sont la
référence pour déterminer le bénéfice à un régi-
me préférentiel. Si la liste des actifs éligibles au
régime luxembourgeois a un peu réduit à la cuis-
son, celle-ci vise désormais les brevets dans un
sens plus large ainsi que les logiciels informa-
tiques. A noter que des dispositions transitoires
permettent toujours aux bénéficiaires de l’ancien
régime de goûter à celui-ci jusqu’à l’été 2021, un
peu comme une madeleine de Proust.
Diversesmesures
L’Administration des Contributions Directes
(ACD) a émis en 2019 une circulaire relative aux
monnaies virtuelles. Celle-ci dresse le périmètre fis-
cal des opérations d’aliénation ou création de ces
instruments et le traitement fiscal à leur appliquer.
En outre, même s’il ne s’agit pas d’unemesure fis-
cale, il convient de noter le registre des bénéfi-
ciaires effectifs dont la loi a été publiée durant jan-
vier pour une entrée en vigueur dès mars. La loi
transposant le nouvel article 30 de la directive anti-
blanchiment (AML) institue un registre sur les
bénéficiaires effectifs des personnes morales sous
le patronage du ministre de la justice. Les entités
concernées sont celles qui ont une obligation de
s’enregistrer au registre de commerce et des
sociétés avec une exception pour les sociétés fai-
sant l’objet d’une cotation en bourse. Liée à cette
réglementation vient maintenant la transposition
de la cinquième version de la directive relative à la
coopération fiscale, ces règles permettent désor-
mais l’accès et la transmission des informations
dudit registre aux autorités fiscales.
Afin de conclure sur une note sucrée pour enchaî-
ner sur les nouveautés à venir au cours de l’année
2019, il convient de relever un autre pendant du
registre des bénéficiaires évoqué ci-avant et encore
à venir : l’article 31AML consacré aux entités fidu-
ciaires avec un registre des fiducies regroupant des
informations inhérentes à leurs bénéficiaires effec-
tifs qui sera établi auprès de l’administration de
l’enregistrement et des domaines. Contrairement
au registre des bénéficiaires général, l’accès à ce
registre spécifique sera uniquement réservé ici aux
autorités officielles.
Asuivre cette année, la convention fiscale
franco-luxembourgeoise et leMLI
En digestif, la nouvelle mouture de la convention
fiscale franco-luxembourgeoise devrait réserver
son lot de changements dans le quotidiendes rési-
dents fiscaux de ces Etats. Celle-ci modernise des
règles datant encore de 1958 pour certaines et
s’adapte mieux aux besoins de notre époque en
ouvrant ses portes aux organismes de placement
collectif. Le nouveau texte apportera aussi un taux
de retenue à la source globalement plus intéres-
sant sur les dividendes et intérêts mais avec
quelques impacts pour certaines structures de
détention d’immobilier. Ce texte comprend aussi
une clause de prépondérance immobilière pour
les gains en capital et a choisi la voie extensive en
ce qui concerne les établissements stables et les
agents dépendants et indépendants (ce qui
requiert l’attention des acteurs luxembourgeois,
banques, sociétés de gestion et assurance par
exemple agissant sur le marché français).
Le changement des règles contre la double impo-
sitionavec lepassageduprincipede l’exonération
à celui du crédit d’impôt polluera le quotidien de
certains frontaliers et des succursales ou établisse-
ment stables d’une entité établie au-delà de la
frontière en terme de taux effectif global. Ce traité
étant concocté simultanément des deux côtés de
la frontière, sa ratification devrait a priori interve-
nir au cours de l’année pour une mise en œuvre
après le prochain réveillon.
On notera également la présence d’une clause de
règle générale anti-abus fondée sur l’objet principal
des montages et des transactions ainsi qu’un léger
anachronisme pour du droit conventionnel à
savoir l’insertiond’une clausepermettant àdesdis-
positions anti-abus de droit national français à pré-
valoir sur ce traité.Cettepremière clause répondau
standard minimum du MLI avant même son
entrée en vigueur entre les deux Etats puisque cet
audacieux projet est en discussion devant la
Chambre des députés pour une application pro-
bable en 2020. LeMLImodifiera à terme demaniè-
re spécifique différentes matières comprises dans
les traités de doubles imposition conclus par le
Luxembourg et ce dans la mesure ou la juridiction
partenaire aurait aussi déjà validé le MLI sans
nécessité de repasser par des discussions bilaté-
rales.Anoterque leGrand-DuchéduLuxembourg
a émisune réserve sur lamodificationdes règles en
matière d’agent dépendant/indépendant dans le
cadre du MLI mais l’a accepté dans le cadre des
négociations bilatérales avec la France.
Voilà, vous connaissez lemenu, à tablemaintenant
et bonappétit!Onallait oublierune remise sur l’ad-
dition fiscale avec labaisse annoncéed’unpoint du
pourcentage de l’impôt sur les sociétés et la dimi-
nution déjà votée de certains taux d’impôt com-
mercial communal (par ex. Esch-sur-Alzette) !
Aumenu fiscal des sociétés cette année...
L
e 22 janvier, la Fondation
de Luxembourg a célébré
son 10
ème
anniversaire à
l'ancien château ARBED, désor-
mais «19 Liberté» de la BCEE à
Luxembourg, en présence de plus
de 200 invités, parmi lesquels le
vice-Premier ministre Félix Braz,
le ministre des Finances Pierre
Gramegna, le Premier ministre
honoraire Jacques Santer et plu-
sieurs ambassadeurs étrangers.
Les invités ont été accueillis par un dis-
cours du président de la Fondation du
Luxembourg,Henri Grethen, qui a éga-
lement présenté une vidéo retraçant les
10ansdelaFondation.TonikaHirdman,
directrice générale de la Fondation, a
ensuite présenté les réalisations et pers-
pectives de l'engagement philanthro-
pique auGrand-Duché.
Fin 2008, sous l'impulsion de l'ancien
PremierministreJean-ClaudeJuncker,la
FondationdeLuxembourgvoyaitlejour
avec comme mission de promouvoir et
faciliter l'engagement philanthropique
au Luxembourg. Sonmodèle de fonda-
tionabritantedevaitpermettredestimu-
lerl'engagementphilanthropiquedepuis
leGrand-Duchétoutendéveloppantl'at-
tractivité du pays pour les donateurs
européens désireux de s'engager dans
un cadre stable et transparent.
10 ans après, l'heure est à un premier
bilan. Initialement dotée par l'OEuvre
Nationale de Secours Grande-
DuchesseCharlotte et legouvernement
de 5 millions d'euros, la Fondation de
Luxembourg est parvenue à cumuler
près de 200 millions d'euros d'engage-
ment destinés à des projets d'intérêt
général.
Avec 80 fondations créées sous son
égide, dont la moitié par des résidents
luxembourgeois, elle a démontré sa rai-
son d'être et la pertinence de sonmodè-
le en offrant un cadre stable et profes-
sionnel pour l'engagement philanthro-
pique des particuliers, mais aussi des
entreprises.Autotal,cesontainsiplusde
35 millions d'euros qui ont déjà été dis-
tribués à des projets d'intérêt général.
Henri Grethen, s'est réjoui d'un tel
succès : «Peuauraientpariéqu'en10ans,
la Fondation de Luxembourg parvien-
drait à fédérer et à convaincre autant de
donateurs et d'acteurs du secteur phi-
lanthropique. Son succès démontre
d'une part la générosité de celles et ceux
qui ont fait le choix de créer une fonda-
tion et d'autre part que le Luxembourg
dispose aujourd'hui d'une structure clef
dans ce domaine lui permettant de
rayonner au niveau européen».
Active sur cinq grands thèmes : Lutte
contre la pauvreté et Cohésion sociale,
Éducation Universelle, Santé et
Recherche,CultureetDiversitéainsique
BiodiversitéetChangementClimatique,
la Fondation de Luxembourg a notam-
mentpermislesoutienàdesprojetsd'en-
vergure tels que celui visant àmettre fin
à la pratique des mutilations génitales
féminines enÉthiopie avec la Fondation
Espoir, le soutien à de nombreux projets
d'inclusion sociale tels que les épiceries
sociales ou les foyers de jour à
Luxembourg,mais aussi le financement
de programmes de recherche sur les
maladies d'Alzheimer et de Parkinson
du Luxembourg Center for Systems
Biomedicine,ouencoreuninnovantpro-
jetdemédiationanimaleenmilieucarcé-
ralenAlsace,France.Touscesprojetsont
été sélectionnés par les fondateurs des
différentesfondationsabritéessousl'égi-
de de la Fondationde Luxembourg.
Comme en témoigne Tonika Hirdman,
«la diversité des projets soutenus reflète
les préoccupations des fondateurs qui
ont fait le choix de s'engager sous notre
égide. Cela a étéune grande satisfaction
de pouvoir les accompagner dans la
mise en place de leurs actions en faveur
de l'intérêt général. Tous participent
dans leurs domaines de prédilection, à
des sociétés plus harmonieuses et plus
humaines et les prochaines années
serontl'opportunitédecapitalisersurces
dotations pour approfondir l'impact de
nos activités.»
Ces dernières années, le travail de la
Fondation de Luxembourg s'est égale-
ment déployé auniveaueuropéenavec
sa
participation
au
Réseau
Transnational Giving Europe pour la
facilitationdesdons transfrontaliers et la
reconnaissance de la Fondation de
Luxembourg par les autorités
françaises. On notera finalement les
liens tissés avec leCentre Européendes
Fondationspourunplaidoyerpourune
philanthropie efficace au niveau du
continent et tout récemment le réseau
DAFNE, au sein duquel la Fondation
de Luxembourg aura l'opportunité de
porter la voix des acteurs luxembour-
geois du secteur des fondations.
L'un des enjeux majeurs des dix pro-
chaines années, sera de maintenir la
croissance élevée du nombre de fonda-
tions tout en démontrant l'impact des
actions soutenues et en s'adaptant
constamment aux profonds change-
ments qui ne manqueront pas de mar-
quer le secteur de la philanthropie dans
les années à venir.
La Fondation de Luxembourg célèbre son 10
ème
anniversaire
Une philanthropie made in Luxembourg
Henri G
RETHEN
, président de la Fondation de Luxembourg
©Fondation de Luxembourg