Agefi Luxembourg - novembre 2025
Novembre 2025 45 AGEFI Luxembourg Informatique financière L eministre de l'Économie, des PME, de l'Énergie et du Tourisme, LexDelles, a effec- tué une visite de travail à Barcelone du 4 au 6 novembre 2025. Ce dépla- cement a permis de renforcer les échanges dans les domaines des technologies numériques, de l'in- novationurbaine et de l'efficacité énergétique, tout en valorisant la présence luxembourgeoise au salon international Smart City ExpoWorldCongress. La visite de travail a débuté par une immersion dans l'écosystème technolo- giquebarcelonais. Leministre s'est rendu au Pier 01, un incubateur de Tech Barcelona, où il a pu échanger avec l'ini- tiative innovante Payment Innovation Hub. Le programme s'est poursuivi par ladécouvertede «TheCollider», unpro- gramme de transfert de technologie de Mobile World Capital, conçu pour sou- tenir lesprojets scientifiques et innovants dans leur transition du laboratoire vers lemarché. Les visites du premier jour se sont clôturées par la visite du Pier 07, un incubateur, qui héberge les bureaux de la Barcelona AI Factory (BSC-AI). L'une des septAI Factories en Europe, comme la L-AIF (Luxembourg AI Factory), est dédiée à soutenir les PME et à faciliter leur accès à l'intelligence artificielle et la transformation numérique. Après une réception officielle pour l'ou- verturedu salonSmart City; le 4novem- bre, dans lamairiedeBarcelone avec S.E. l'ambassadrice Elisabeth Cardoso, le ministre a consacré la deuxième journée de son déplacement entièrement à la foire. Cette visite de la Smart City Expo WorldCongress amis envaleur laparti- cipationduLuxembourgpour la sixième fois consécutive à cet événement de réfé- rence mondial pour les villes intelli- gentes et durables. Le pavillon national est organisé par la Chambre de commerce et le ministère des Affaires étrangères et européennes, de la Défense, de la Coopération et du Commerce extérieur, et accueillait 15 exposants luxembourgeois, parmi les- quels ArcelorMittal Sheet Piling, IEE, DEEP, RSS Hydro, LuxGeospatial, G- Core Labs ou encore le LIST et les villes de Luxembourg et de Differdange. Outre la visite du pavillon luxembour- geois et des échanges avec de ses expo- sants, Lex Delles s'est également rendu sur les pavillons de laWallonie (BEL), de laRhénanie-du-Nord-Westphalie (DEU) et sur le pavillon national de la France. La visite du salon a également inclus une visite organiséepar le FiraBarcelona axée sur les technologies de référence. Le ministre a dans ce cadre visité les stands de Globant AI, Google et Dassault Systems. Tout au long de la journée, il a échangé avec des entreprises du monde entier qui proposent des solutions innovantes susceptibles d'intéresser le marché luxembourgeois. Des entretiens ont notamment eu lieu avec des représen- tants de NVIDIA et de Microsoft. À l'occasion du salon, une réception de réseautage a été organisée sur le stand luxembourgeois, avec le soutiende l'am- bassadeduLuxembourgàMadridet du consulat honoraire àBarcelone. Leminis- treyanotamment rencontré le fondateur de MABUConcepts, une entreprise ori- ginaire de Stadtbredimus, finaliste des World Smart City Awards dans la caté- gorie «Enabling Technologies» pour ses innovationsdans le conseil informatique, le développement de logiciels, les ser- vices cloud et la cybersécurité. La dernière étape du déplacement a été consacrée à la thématique de l'efficacité énergétique avec une visite des instal- lations deDistriclima, société spécialisée dans les systèmes de chauffage et de refroidissement urbains innovants et sobres en énergie. Lex Delles conclut la visite à Barcelone : «Dans le cadrede l'appel àprojets Smart Cities que nous avons lancé cette année au Luxembourg afin d'inciter et de per- mettre aux communes de déployer des solutions intelligentes facilitant la vie quotidienne des citoyens, un salon comme leSCEWCreprésenteune source d'inspiration et d'échanges exception- nelle. Construire des villes intelligentes, inclusives et technologiquement avan- cées est indispensable pour le bien-être des citoyens, pour répondre aux besoins de la décarbonation, renforcer notre compétitivité, attirerdenouveaux talents et investisseurs, et garantir un dévelop- pement durable. L'Espagne se posi- tionne comme un partenaire clé du Luxembourg, notamment dans les domaines des technologies numériques, de ladécarbonationet de l'énergie renou- velable, et je suis convaincu que nous continuerons à approfondir ensemble nos relations économiques et notre coo- pération dans ces domaines. » Source : ministère de l'Économie Visite de travail de Lex Delles à Barcelone et au salon Smart City Expo World Congress « Des solutions intelligentes qui facilitent la vie quotidienne des citoyens » ©MECO Par Laurent QUIGNON – Head– Economic Research – BNPParibas A près PricewaterhouseCoopers (PwC) en juin, la Banque centrale européenne (BCE) a présenté sa propre évaluationdes coûts de l’euro numé- rique pour les banques de la zone euro. Grâce à une vastemutualisation, leur investissement initial au cours des quatre premières années, estimé à 18milliards € par PwC, serait com- pris, d’après elle, dans une four- chette plus contenue entre 4 et 5,77milliards €. Cemontant, qui concentre légitimement l’attention, ne constitue pas l’unique enjeu : le coût ré- current lié à la reconstitutiondes ré- serves des banques auprès de l’Eurosystème pourrait, à terme, peser davantage sur les conditions de financement. LeConseildesgouverneursdelaBCEaentamé,le29 octobre dernier, une nouvelle phase préparatoire de l’euro numérique et publié un calendrier indicatif en vuedesonlancement.Sousréservedel’adoptiond’un cadrelégislatifparleParlementeuropéenetleConseil en 2026, un exercice pilote démarrerait en 2027 et la BCE pourrait émettre sa monnaie numérique dès 2029 [1] . Ce projet suscite des réticences parmi les banquesdelazoneeuro,nonpastantenraisondeson objectif parfaitement louable – préserver la souverai- netéeuropéenne–quedesmodalités envisagées (par ex. la lettre ouverte publiée récemment par la Euro- peanPayments Initiative (EPI) [2] ). Environdeuxsemainesauparavant,laBCEavaitpré- senté son estimation des coûts d’investissements liés à l’euro numérique [3] , pour l’industrie bancaire, en s’appuyantsurl’étudepubliéeenjuin2025parPwC [4] . Conduiteàlademandedesassociationseuropéennes dusecteurducrédit [5] ,cettedernièresuggèreuneffort d’investissement de 18 milliards € pour les banques de la zone euro. Ces coûts couvrent les investisse- ments initiaux nécessaires (développement des sys- tèmes,adaptationdesinfrastructures,intégrationavec les services existants). En revanche, les charges de fonctionnement récurrentes (maintenance, mises à jour,supporttechnique)n’entrentpasdanslepérimè- tre de l’analyse. En invoquant principalement des synergies supplé- mentaires pour 95 %du coût, la BCE ramène la fac- turede18milliards€àunefourchettecompriseentre 4 et 5,77 milliards €, un montant que la BCE juge modestepuisqu’elle souligne qu’il ne représente que 3% des coûts informatiques annuels des banques [6] . Laperspectiveesttoutefoisbiendifférentesil’onrap- porte les 18milliards €estimésparPwCaux220mil- liards €de résultat net agrégédesbanquesde lazone euro en 2024 [7] . Mais cette bataille de chiffres occulte l’essentiel : le coût lié à l’euro numérique supporté par le secteur bancaire ne rési- dera pas tant dans les investissements ini- tiaux – déjà significatifs – que dans le sur- croît de refinancement auprès de l’Eurosystèmenécessairepourcompenser les fuites de réserves consécutives à la conversion des dépôts de la clientèle en euro numérique. Nous estimons, quant ànous, ce coût prochede 8 milliards € par an, selon des hypothèsesmoyennes. Ce que sont les « coûts d’investissement » et ce qu’ils ne sont pas L’analyse de PwC repose sur un échantillon de 19 banques et groupes bancaires de tailles et de portefeuilles d’activités différents, ensuite extrapolée au système bancaire de la zone euro. L’estimation des coûts dépend largement de la tailledesbanquesmaisaussid’autrescaractéristiques, telles que leur structure centralisée ou décentralisée. Lecoûtmoyendemiseenconformitéestévaluéà110 millions € par banque, soit 18 milliards € pour l’en- semble du système bancaire de la zone euro. Les dépenses retenues concernent la mise en circulation et la distribution de l’euro numérique, ainsi que la mise en place des technologies permettant de traiter lespaiements,notammentlesguichetsautomatiques, les terminaux de point de vente (TPV) et les infra- structuresdecommerceélectronique.SelonPwC,l’es- timation des coûts repose sur la meilleure compré- hension possible des caractéristiques potentielles de l’euro numérique, telles qu’elles ressortent du règle- ment duprojet d’euronumériqueencoursd’élabora- tion (versionV0.8a). En revanche, les coûts liés aux fonctionnalités hors ligne, à la gestion de comptes multiples et à l’ « ac- quisition commerçants » [8] (coûts liés au processus depaiementlui-même)ensontexclus,fautedepré- cisions suffisantes aumoment de l’étude. PwCsou- lignedoncquesonestimationconstitueunepremière approximation des coûts minimaux attendus. Enfin, même si lemontant des synergies n’est pas explicite- ment mentionné, PwC indique que des synergies moindrespourraientaccroîtrelescoûtsde20%etque l’intégrationdesfonctionnalitéshorslignepourraitles majorerde 40% [9] . Le coût global passerait alorsde 18 à environ 30milliards €. Les ajustements de la BCE La BCE repart de l’étude des coûts de PwC et la complète par des hypothèses fortes relatives aux synergies : -Lessynergiesliéesauxsystèmesdeprotectionins- titutionnels ( Institutional Protection Scheme , IPS) : cesschémasdeprotectioninstitutionnellereposentsur des mécanismes contractuels ou légaux garantissant la liquidité et la solvabilité des établissements mem- bres afin de les prémunir d’une faillite [10] . La BCE es- time que les synergies entre leurs membres (1420 banques, soit 70 % du périmètre) réduiraient leurs coûtsde95%,uneproportionexceptionnellementéle- vée.Une interrogationdemeure toutefois : PwC inté- grait déjà des synergies dans son estimation sans en préciser le montant, comment alors la BCE peut-elle être certaine que les synergies nouvellement intro- duites nedoublonneront pas celles déjà retenues ?Le risque ici est celui d’une minimisation excessive des coûts. -Lessynergies«demarché» :ellestraduisentlespo- tentielleséconomiesdecoûtsquidécouleraientdeso- lutions mutualisées ou du recours à des prestataires communs aux banques indépendantes au sein d’un mêmepays.Parexemple,lesprincipauxfournisseurs (techniques)deservicesinformatiquesetdepaiement sontsusceptiblesdeproposerdesservicesliésàl’euro numérique à plusieurs banques. Dans certains pays, les banques détiennent également conjointement des prestatairestechniquesquipeuventoffrircesservices demanièrecentralisée(l’exemplecitéétantBank-Ver- lag, détenupar l’associationdesbanquesprivées alle- mandes). La BCE estime ces synergies de marché – qui s’ajoutent à celles liées aux IPS – à 30%des coûts. - La réutilisation d’infrastructures existantes : cartes bancaires, terminaux de point de vente, distributeurs automatiques équipés de QR code, calcul des com- missionpris enchargepar l’Eurosystème. Ces ajuste- mentsréduiraientlafacturede16%supplémentaires. Au total, l’ensemble des hypothèses retenues par la BCE ramène l’effort d’investissement requis pour le système bancaire, au cours des quatre premières an- nées,de18milliards€àunefourchettecompriseentre 4et5,77milliards€. Enoutre,cechiffragen’inclutpas le coût d’opportunité pour les banques à allouer des ressources humaines et financières à une infrastruc- ture dédiée, sans synergie avec le développement d’uneoffredeservicesfinancierssur blockchain ,pour- tant attendue par une partie dupublic européen. Le coût de la reconstitutiondes réserves Au-delà de l’effort d’investissement initial, le sys- tème bancaire devra supporter des coûts récur- rents : ceux liés à la reconstitution des réserves auprès de la Banque centrale disparues à la suite de la conversion en euro numérique d’une partie des dépôts de la clientèle. Si les réserves des banques commerciales auprès de l’Eurosystèmesontaujourd’huiabondantes,ellessont appelées à diminuer sous l’effet de la poursuite de la normalisation du bilan de l’Eurosystème (baisse du portefeuilledetitresliéàl’assouplissementquantitatif [QT]) et de la conversiondedépôts bancaires eneuro numérique. Or ces réserves devront être, dans une large mesure, reconstituées afin de permettre aux banquesdemaintenir àunniveausuffisant leur ratio deliquiditéàcourtterme(LCR, liquiditycoverageratio ) incluant une marge de sécurité au-delà de l’exigence réglementaire.DestravauxinternesrécentsdelaBCE situent ce niveau autour de 130% [11] . Il demeure diffi- cilede chiffrerdéfinitivement le coût de la reconstitu- tion des réserves sans connaître le niveau final des réserves excédentaires et le bilan de l’Eurosystème après leQT, le niveau du LCR en régime de croisière et la propension des banques à substituer des titres souverains aux réserves excédentaires. Le document leplusrécentpubliéparlaBCE [12] suggèreuneconver- sion de dépôts bancaires en euro numérique de près de400milliards€danslescénarioderéférence« busi- ness as usual », avec une limite de détention indivi- duelle fixée à 3 000 euros. À supposer que les banques soient contraintes de reconstituerunmontantidentiqueaumoyend’opé- rations de refinancement, et sous l’hypothèse d’un taux de refinancement proche du taux neutre, en moyenne, sur l’ensemble du cycle de la politique monétaire (2%), le coût récurrent annuel pourrait s’élever à 8 milliards €. Ce surcoût serait inévitable- mentrépercuté,tôtoutard,surlaclientèle.Àtitred’or- drede grandeur, c’est l’équivalent de 6points de base deplussurletauxmoyenappliquéàlatotalitédesen- cours de prêts bancaires auxménages et aux sociétés non financières dans la zone euro. L’incidence pour- rait même se révéler plusmarquée les premières an- nées alors que la répercussion se concentrerait sur les tauxdes nouveaux prêts [13] . Finalement, levéritable coût de l’euronumériquedé- pendra de l’ampleur des conversions de dépôts ban- caires, elle-même conditionnée par la limite de détention qui sera décidée. Un seuil qu’il conviendra de calibrer avec discernement dans le cadre législatif européen, afin de permettre au projet d’euro numé- riquedevoirlejourtoutenpréservantlefinancement de l’économie de la zone euro. [1]BCE,«L’Eurosystèmeouvrelaprochaineétapedulancement del’euronumérique»,30octobre202 5https://short.do/IVztOd [2] « Les promoteurs deWero appellent à revoir le projet d’euro numérique», LeFigaro/AFP ,3novembre2025. [3]BCE,«Aviewonrecentassessmentsofdigitaleuroinvestment costsfortheeuroareabankingsector»,10octobre2025 [4] PwC, Digital Euro Cost Study: From concept to implementation : evaluating some economic implications of the digital euro for European retailbanks ,June2025 [5]regroupentlaFédérationbancaireeuropéenne(EBF),legroupe européendes banques de détail et d’épargne (ESBG) et l’associa- tioneuropéennedesbanquescoopératives(EACB). [6] BCE, cf. déclarations de F. Panetta in Déclaration de Poli- tique monétaire, Conférence de presse, 30 octobre 2025. https://short.do/7sRd2e [7]Source :BCE,ConsolidatedBankingData. [8]L’«acquisitioncommerçants»désignel’ensembledesservices fournisparunebanqueouunprestatairedeservicesdepaiement (appelé acquéreur) permettant aux commerçants d’accepter les paiements électroniques, notamment par carte bancaire ou via smartphoneenmodesanscontact. [9]Cf.PwC(2025),note4page6. [10]Article113,paragraphe7duRèglement(UE)n°575/2013du Parlement européen et Conseil du 26 juin 2013 (CRR). Pour plus de détails, cf. Céline Choulet, Les systèmes de protection institution- nelssont-ilsdesgroupes? ,ConjonctureBNPParibas, janvier2017. [11]BCE,«TowardsanewEurosystembalancesheet»,discours d’IsabelSchnabel,membreduComitéexécutifdelaBCElorsde L4ECBConferenceonMoneyMarket2025du6novembre2025. https://short.do/PZ0ckE [12] ECB, Technical data on the financial stability impact of the digital euro ,October2025. [13]Lesconditionscontractuellesappliquéesàl’encoursdesprêts existantsnesontpasmodifiables,ycomprispourlesprêtsàtaux variables qui dépendent d’un taux demarché de référence aug- mentéd’uneprimefixe. Euro numérique : un coût peut en cacher un autre
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