AGEFI Luxembourg - avril 2024

AGEFI Luxembourg 40 Avril 2024 Emploi / Droit F in février, le ministre du Tra- vail, GeorgesMischo, et la directrice de l’Agence pour le développement de l’emploi (ADEM), Isabelle Schlesser, ont présenté une nouvelle étude consacrée aux métiers de l’infor- matique, les tendances observées pour ces métiers ainsi que sur les compétences exigées. Cette étude complète les neuf études secto- rielles publiées en 2022 et 2023 par l’ADEM. Ces études ont été réalisées sur base des offres d’emploi déclarées par les entre- prisesàl’ADEMetseplacentdanslecadre de la «Future Skills Initiative» et duparte- nariat pour l’emploi entre l’ADEM et l’Uniondesentreprisesluxembourgeoises. L’étudesurlesmétiersdel’informatiquea été réalisée en étroite collaboration avec la Chambrede commerce, l’ABBL, la «Digi- talSkills&JobsCoalition»etseplacedans lecadredes«innovativeinitiatives»,initia- tivegouvernementalelancéeparleService desmédias, de la connectivité et de la po- litique numérique. Contrairement aux neuf études précé- dentes qui portaient sur les différents sec- teurs économiques, l’étude présentée aujourd’huianalyselestendancesconcer- nant les métiers de l’informatique, quel que soit le secteur dans lequel cesmétiers s’exercent. La digitalisation croissante de l’ensemble de l’économie entraîne en effet desbesoinsderecrutementdespécialistes en informatique dans tous les secteurs d’activité. Un des constats de l’étude, qui a été réali- sée sur base des offres d’emploi déclarées entre 2015 et 2022 à l’ADEM, est la forte croissance des métiers de l’informatique. Depuis2015,lenombredepostesdéclarés pour ces métiers par les entreprises à l’ADEM, tous secteurs d’activité confon- dus, a étémultiplié par 2,8 pour atteindre plus de 5.000 postes en 2022. L’autre constatmajeur de l’étude est la di- versitédesmétiersdans ledomaine infor- matique. Entre 2020 et 2022, les 5 catégoriesdemétierslesplusreprésentées concernent : -Ledéveloppementinformatique(avecles métiers de développeur, ingénieur infor- matique,architecteSI...),métiersprincipa- lement demandés par le secteur ICT; - La gestion et l’analyse de données (avec lesmétiersdedata/BIanalyst,gestionnaire de données...); - Le conseil informatique; -L’administrationinformatique(adminis- trateur serveurs p.ex ); - La sécurité informatique. Ces 5 catégories de métiers se retrou- vent toutes en situation de pénurie de candidats. Les métiers de l’IT se caractérisent égale- mentparunespécialisationaccrue.Laplu- part des métiers informatiques exige une expérience professionnelle et des qualifi- cations de l’enseignement supérieur. L’étudedonneunaperçudescompétences quisontleplussouventmentionnéesdans les offres d’emploi déclarées à l’ADEM: ellesconcernentleslangagesdeprogram- mation (SQL, Java, Python), lesméthodo- logiesdegestiondeprojet,etledépannage informatique. On constate aussi unenette progressionpourdescompétencesautour de l’intelligence artificielle (par exemple, des outils d’assistance pour la program- mation).Lesmétiersdel’informatiqueexi- gent plus fortement des compétences transversalesqued’autresmétierscomme l’adaptation au changement, la résolution de problèmes et la créativité se démar- quent particulièrement. Face à cette spé- cialisation, il est difficile pour les entreprises de trouver les candidats qui correspondent à leurs besoins. Afin de mieux faire correspondre la de- mandeetl’offred’emploi,laformationdes demandeurs d’emploi est une des pistes suiviespar l’ADEM. «Les études réalisées à partir des offres déclarées à l’ADEM et des descriptions des postes qui endécou- lent nous permettent de cibler le mieux possible notre offre d’’upskilling’ et de ‘reskilling’ afin de la faire correspondre aux besoins actuels et futurs des entre- prises», a rappelé Isabelle Schlesser. L’ADEM collabore d’ailleurs avec plu- sieurs partenaires afin d’augmenter les formations liées aux compétences digi- tales et ce, sous 2 catégories: compétences digitales transversales (bureautique, ges- tionprojet, ...) et compétences spécialistes «métiersTIC» (Cybersécurité, Python, IT Support,...). Actuellement, l’ADEMpro- pose 13différentes formations ITauxde- mandeurs d’emploi qui visent à renforcer ou à acquérir des compétences dans ces deux catégories. En 2022-2023, 38%des 6.000participations totales àdes formations proposées par l’ADEM aux demandeurs d’emploi, concernaient le domaine de l’IT. Afin de renforcer encore davantage la transparence sur le marché de l’emploi, l’ADEM a présenté son tout nouveau ta- bleaudebord interactif «JobInsights». Cet outil, accessible sur www.adem.lu etwww.jobinsights.lu , vise à informer un panellargedecitoyens(grandpublic,jour- nalistes,experts,employeurs,demandeurs d’emploi, instituts de formation) sur les opportunités d’emploi et les tendances en matière demétiers et de compétences. Le tableaudebordsebasesurlesoffresd’em- ploi déclarées à l’ADEM. PourHéloïseHartman, chargéed’études à l’ADEM, JobInsights «permet à l’en- sembledes personnes intéressées d’avoir un accès facile et actualisé aux informa- tions-clé concernant chaquemétier ainsi qu’aux compétences exigées par les em- ployeurs». Danssaconclusion,leministreduTravail, GeorgesMischo,arappeléque«lemarché de l’emploi évolue constamment notam- ment avec l’émergence des progrès tech- nologiques, des problématiques liées à l’environnementouencoredesévolutions sociétales.Endécoulentdenouveauxmé- tiers, des nouvelles tendances et surtout desdéfispourlespersonnesàlarecherche d’unemploiquidoiventdévelopperleurs compétences afin de répondre aux de- mandes dumarché de l’emploi». Il amis en avant le rôle de l’ADEMpour rendre le marché de l’emploi plus trans- parent et pour permettre ainsi aux de- mandeurs d’emploi de saisir les nouvelles opportunités qui seprésentent. «La déclaration des postes vacants par les entreprises à l’ADEMest un élément indispensable dans ce cadre!» Les études détaillées, dont celle sur les métiers de l’IT, sont disponibles et consultables sur le site de l’ADEM: https://adem.lu/etudes-sectorielles. Source :Agence pour le développement de l’emploi L’ADEM renforce la transparence des opportunités actuelles et futures sur le marché de l’emploi de g. à dr. : GeorgesMISCHO, ministre du Travail ; Isabelle SCHLESSER, directrice de l’ADEM, Héloïse HARTMAN, chargée d’études à l’ADEM ©ADEM ParMarie-Anais BAZARD,Avocate&JuniorAssociate - CASTEGNARO-Ius Laboris Luxembourg 1. Le droit au repos du salarié A u sein de notre société hyper connectée, les salariés sont parfois amenés à utiliser leur téléphone ainsi que leur ordinateur professionnel en dehors des heures de travail. La Cour d’ap- pel vient de rappeler de par son arrêt du 8 février 2024 (1) que l’hyper connexion trouve ses limites en droit du travail. Dans cette affaire, un employeur avait licencié un salarié avec effet immédiat car il reprochait notam- ment (2) à ce dernier d’avoir, pendant son congé de récréation : - refusé d’accepter unemission chez un client (mis- sion qui aurait dû commencer 15 jours après son retour de congé) ; - informé le client en question du fait que l’accep- tation de cette mission serait envisageable, mais ne pourrait être confirmée qu’après son retour de congé. Le salarié a introduit un recours afin de voir dé- clarer le licenciement abusif. En première instance, le 6 janvier 2023, le Tribunal du travail avait déclaré le licenciement abusif et ainsi condamné l’employeur à payer au salarié une indemnité compensatoire de préavis, lesmon- tants correspondant à l’indemnisation des préju- dices matériel et moral subis, ainsi qu’une indemnité de procédure. Sur appel de l’employeur, la Cour d’appel a confirmé le jugement du Tribunal du travail. La Cour d’Appel rappelle en premier lieu que le licenciement avec effet immédiat exige un fait ou une faute d’une particulière gravité dans le chef du salarié. Or, le comportement du salarié, tel qu’il ressort des messages échangés avec son em- ployeur et le client de ce dernier, ne constitue pas un refus de travail ou un acte d’insubordination, étant donné que le salarié, contacté pendant son congé au sujet d’unemission auprès d’un client de son employeur, a joint le lendemain l’un des res- ponsables de cette dernière, et qu’il a été convenu de prendre contact de façon plus approfondie à la fin des congés du salarié. Ainsi, la Cour d’appel juge le licenciement abusif du fait qu’un refus d’ordre ou une insubordina- tion ne seraient pas établis, et souligne qu’il est partant inutile de se prononcer sur le caractère sé- rieux et grave des fautes reprochées au salarié. A cette occasion, la Cour d’appel rappelle cepen- dant ce qui suit : « Il est constant en cause qu’au mo- ment des faits lui reprochés, [le salarié] était en congé parental à mi-temps et en congé de récréation. Durant son congé de récréation, le salarié a droit au repos. Pendant son congé de repos il peut ne pas suivre son travail à distance, se déconnecter et il n’est, en prin- cipe, pas obligé de répondre aux sollicitations de l’em- ployeur.» Une fois ces principes posés, la Cour d’appel n’en tire pas expressément de conséquences particu- lières sur la légitimité du licenciement, dans cette affaire particulière. Cependant, il est particulière- ment intéressant de noter que la Cour d’appel tient à souligner qu’en principe, le salarié n’est pas obligé de répondre aux sollicitations de son em- ployeur, pendant son congé de récréation, prin- cipe qu’elle avait déjà eu l’occasion de rappeler dans le passé. 2. Un premier aperçu jurisprudentiel du droit à la déconnexion Un arrêt de la Cour d’appel du 2 mai 2019 avait pour la première fois reconnu un droit à la décon- nexion du salarié pendant ses congés payés. Dans cette affaire, un salarié engagé en qualité de « di- recteur de restaurant» avait été licencié avec effet im- médiat en raison notamment de son attitude agressive et déplacée à l’égard de son supérieur hiérarchique. L’employeur, pour justifier ledit li- cenciement, se fondait sur un e-mail que le salarié avait envoyé à son supérieur hiérarchique dans le- quel le salarié indiquait à ce dernier être en va- cances avec sa famille et lui demandait de le laisser tranquille et de bien vouloir cesser de l’importuner pendant cette période. En première instance, le Tribunal du travail a considéré le licenciement comme étant justifié. En appel, la Cour n’a pas adopté la même position. Elle a jugé que le salarié, « en congé de récréation ne pouvait de toute évidence matériellement pas intervenir pour régler le problème», avant de reconnaître que le sa- larié, indépendamment de sa fonction de directeur du restaurant, «avait droit pendant son congé […] à la dé- connexion ». Tous les autres motifs à la base du li- cenciement avec effet immédiat ayant été écartés par la Cour, soit pour manque de précision, soit pour ne pas être établis ou ne pas revêtir un carac- tère grave, le licenciement du salarié avait été dé- claré abusif. Les juges luxembourgeois avaient ainsi indirectement reconnu pour la première fois, l’existence d’un droit à la déconnexion des salariés pendant leur période de congé. 3. Désormais, le droit à la déconnexion ins- crit dans le code du travail luxembourgeois Pendant longtemps au Luxembourg, le Code du travail ne prévoyait pas de droit à la déconnexion. La loi du 28 juin 2023 a introduit au sein du Code du travail un dispositif relatif au droit à la décon- nexion en dehors du temps de travail, entrée en vigueur le 4 juillet 2023. D’après l’article L.312-9 du code du travail, l’em- ployeur doit mettre en place « un régime assurant le respect du droit à la déconnexion en dehors du temps de travail adapté à la situation particulière de l’entreprise ou du secteur». Ce régime «doit être dé- fini au niveau de l’entreprise ou du secteur en ques- tion concernant, le cas échéant, les modalités pratiques et les mesures techniques de déconnexion des outils numériques, les mesures de sensibilisation et de formation et des modalités de compensation dans le cas de dérogations exceptionnelles au droit à la dé- connexion.» Avant l’introduction de cette nouvelle obligation à la charge de l’employeur, les limites à la connexion professionnelle des salariés étaient sim- plement posées par les règles relatives à la durée du travail et au repos. Par son arrêt du 8 février 2024, la Cour d’appel re- tient que : « Pendant son congé de repos il peut ne pas suivre son travail à distance, se déconnecter et il n’est, en principe, pas obligé de répondre aux sollicitations de l’employeur.» Ainsi, dès avant l’entrée en vigueur de la loi sur le droit à la déconnexion, le droit au repos du salarié pendant son congé annuel était considéré comme permettant, en principe, au salarié de ne pas ré- pondre aux sollicitations de son employeur. Le terme « en principe » utilisé par la Cour d’appel implique qu’il y a nécessairement des exceptions, mais quelles sont-elles ? Est-ce que cela implique que, si des conditions particulières et exception- nelles l’exigent, ce principe peut être renversé ? Le droit n’est pas absolu, il doit s’adapter aux situa- tions de fait, l’entreprise devant pouvoir assurer par ailleurs son bon fonctionnement. C’est d’ail- leurs l’idée reprise par les nouvelles dispositions du code du travail sur le droit à la déconnexion puisqu’il revient à l’employeur de mettre en place un régime adapté relatif à la déconnexion, ainsi que notamment lesmodalités de compensation en cas de «dérogations exceptionnelles». 1) Arrêt numéro CAL-2023-00372 du rôle, du 8 février 2024 2) L’employeur reprochait également au salarié d’avoir demandé à être licencié avec préavis à la suite de son congé parental. Ce motif a été écarté par la Cour d’appel du fait que l’employeur n’en rapportait pas la preuve. Ce point ne fait pas l’objet du présent article. Congé annuel et communications professionnelles : quelles limites ?

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