Agefi Luxembourg - novembre 2025

AGEFI Luxembourg 18 Novembre 2025 Économie OPINION - Par Jean MARSIA, président de la Société européenne de défenseAISBL (S€D) L es drones rendent de plus en plus de services éminents, mais ils peuvent aussi être utilisés de façonmalveillante, par des particuliers, des organisations criminelles ou ter- roristes, oudes États agressifs, avec des conséquences po- tentiellement désastreuses. Une protection contre l’usage nuisible des drones est donc nécessaire, lesmul- tiples perturbations du trafic aérien ces dernières semaines enEurope l’ontmontré. Alorsquelaplupartdesobservateursestimentqueles dronesintrussontopéréspourlecomptedelaRussie, en représailles au soutien que les États européens ac- cordent à l’Ukraine, force est de reconnaître queni les opérateurs, ni l’origine des drones n’ont pu être for- mellement identifiés. Cequi est certain, c’est quenous ne sommes pas en guerre, mais plus en paix avec la Russie, depuis que Poutine a déclaré la guerre à l’Oc- cident, àMunich, en2007, lors de laConférence sur la sécurité.Malgré l’invasionde laGéorgie en2008, puis de la Crimée et d’une partie du Donbass en 2014, beaucoup de politiques et de diplomates, et même une bonne partie desmilitaires européens n’ont mal- heureusement commencé à s’en rendre compte que le 24 février 2022. Le 2 octobre 2025, Poutine a encore réitéré sesmenaces ànotre égard,mais nosdirigeants n’ont pasmieux réagi que précédemment. (1) Depuis 2022, lesmesures prises enEurope, tant pour améliorer les capacités de défense que pour stimuler la production d’armes et de munitions, ont été fort tardives et très insuffisantes, alors que la Russie et l’Ukraine sont passées sans délai à l’économie de guerre, ce qui est peu envisageable pour les non-bel- ligérants. La Russie et l’Ukraine ont donc su contri- buer à chambouler la façon dont les batailles sont conduites. Si Daech a militarisé des drones aériens commerciaux en Irak dès 2010, c’est en septembre 2023 qu’a eu lieu le changement de paradigme, lors de la guerre entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie : plus de 2.000blindés arméniens ont étédétruits, engrande partie par les drones volants acquis par lesAzéris en Turquie ou en Israël. Compte tenu de la complexité de lamatière, cet articleportera sur lesdrones aériens. Les drones navals et terrestres ne seront pas abordés ici, ni les systèmes anti-drones. Les leçons de la guerre russo-ukrainienne Dès 2022, lesUkrainiens ontmis enœuvre des drones turcspourdétruirelesblindésrusses,maisl’adversaire a rapidement réussi à brouiller leur système de gui- dage. Les Occidentaux ne leur ayant livré desmissiles decroisièrequeparcimonieusement,lesUkrainiensont doncexploitéleursvastesressourcesindustriellespour produire leurs propres drones. La 414e brigade repré- sente 2 % des forces terrestres ukrainiennes, mais en 2025,elleauraitdétruit30%desinfrastructuresetaéli- miné25%destroupesrusses.Elleestcomposéeà95% decivils,auxformationslesplusdiverses.Ilsconçoivent etmettentenœuvredesdronesdereconnaissance,d’at- taque,anti-dronesoutransporteurs.Lesdronessesubs- tituentàdesressourceshumainesdeplusenplusrares et coûteuses, enUkrainemais aussi enOccident. (2) LesRusses ont rapidement tiré les leçonsde leur échec de2022.Ilsn’attaquentplusavecdescolonnesdechars mais avec des essaims de drones, car un char dont le prix va de quelques millions à quelques dizaines de millions$peutêtredétruitparundronevolantcoûtant 300 ou 400 $. Les avions de combat et les navires de guerre, encore bien plus coûteux, sont tout aussi vul- nérables. Les Russes ont donc aussi investi massive- ment dans les drones, qu’ils ont importé de Chine et d’Iran, puis produit localement. Selon les modèles, les Shahed iraniens ont une portée qui va de 200 à 2.500 km.Aujourd’hui,laRussiedevancel’Ukraine:ellepeut déployer jusqu’à 5.000 drones kamikazes sur un seul secteur du front.Aucune armée de l’OTANne semble aujourd’hui enmesure de se défendre face à une telle attaque massive de drones, susceptible de saturer les défenses anti-aériennes et de dévaster une base occi- dentale, un aéroport ou un site pétrochimique en quinze minutes. Nos « responsables » politiques de- vraient réaliser que 85%desmortsdans laguerreRus- sie-Ukraine sont actuellement dus aux drones, selon l’état-major ukrainien. La stratégie et la tactique à l’heure des drones Si les principes de base de l’art de la guerre sur terre et surmer sont inchangés depuis SunTzu et Thucydide, les révolutions technologiques ont considérablement faitévoluerlesprocédéstactiquesaufildutemps.L’in- fluencedes drones sur les opérations est comparable à cellequ’ont eu l’utilisationducheminde fer et l’indus- trialisationdelaproductiond’armementaucoursdela guerre de Sécession, l’emploi des mitrailleuses, des chars de combat, de l’aviation et des sous-marins pen- dantlaPremièreGuerremondiale,lesmassesdechars appuyésparl’aviationetlecharroiautomobileaucours de la Deuxième Guerre mondiale, les hélicoptères de combat ou de transport au cours de la guerre duViet- nam.DepuislaGuerrefroide,laconquêtespatialearé- volutionnélestransmissionsetlerecueilduren- seignement. Les analystes travaillent au- jourd’huientempsréeletlesdécisionspeuvent être prises sans délai. Les procédés tactiques restent l’offensive et la défensive, la dispersion et la concentration, la centralisation et la décentralisation, l’augmenta- tionde la profondeur dudispositif de dé- fenseouledéploiementversl’avanten vuedel’offensive,maislesdronesré- duisentlapossibilitédemanœuvrer, àcausedurisqued’attrition:lessen- seurs des satellites ou des drones rendentleterrain«transparent».Les mouvementspeuventêtreobservéset les unités peuvent être frappées avec des tirs de précision. On se souvient desdeuxbrigades ukrainiennes annihi- léesparl’artillerierusseen2014etdeslongues colonnes de véhicules russes détruites par de petites unités ukrainiennes fortmobiles et dotées d’armes an- ticharsmodernes audébut de 2022. Le conflit enUkraine se caractérisepar des cycles d’in- novationtrèsrapides:ilyauneévolutionmajeuretous les 3 mois. L’Ukraine dispose de très nombreuses pe- titeslignesdeproductionfortdisperséespouraugmen- ter leur survivabilité. Elles bénéficient d’un fort retour d’expériencedufront,cequileurpermetuntrèsgrand dynamisme. Les Russes savent s’adapter, grâce à leur puissanceindustrielle,àleurcapacitédeproductionéle- vée, maismoins vite que lesUkrainiens. Il est essentiel pourlesarméesoccidentalesdesuivrececonflitenper- manence et d’en tirer des enseignements, car l’usage massif des drones permet de saturer les défenses ad- verses:ilspeuventêtreacquisouconstruitsengrandes quantitéspourunfaiblecoût,etl’intelligenceartificielle réduit le nombre d’opérateurs nécessaire. L’offensiveukrainiennedansl’oblastrussedeKoursk, en août 2024, ne fut pasmenée par une concentration de brigades, mais par un ensemble de petites unités très mobiles. Des équipes des forces spéciales se sont infiltrées dans les lignes ennemies afin de repérer les points faibles de la défense. Ensuite, des unités d’in- fanterie légère ont sondé les positions russes, avant que l’artillerie ne les neutralise. Le génie a pu alors créer des passages dans les obstacles, qui ont permis à de petites unitésmotorisées, soutenues par des sys- tèmes de guerre électromagnétique et des drones de pénétrer profondément dans les lignes ennemies et d’isoler les troupes russes, qui ont été ensuite réduites pardes formations blindées.Afind’éviter ladétection et la reconnaissance par des drones, les deux parties utilisent le camouflage et s’enterrent dans des tran- chéesafindenepasêtrevues.Lesfiletsdecamouflage masquent les positions ou les véhicules. Des leurres sont utilisés pour que les drones manquent leurs ci- bles. (3) Des cagesmétalliques protègent des véhicules, desfiletsdepêcheconstituentdestunnelsanti-drones au-dessus des routes d’approvisionnement. Les états-majors européens vont devoir s’adapter et revoir leurmodedepensée, leurs concepts, leursdoc- trines et leurs tactiques, sinon la défaite sera assurée. La capacité à évoluer est plus que jamais essentielle, car le champdebataille se caractérise aujourd’hui par un degré fort élevé de transparence, de létalité et de fugacité:surlefrontukrainien,leslogicielsdesdrones sont obsolètes après un mois et demi, les drones au bout d’un an. Le drone est une arme nouvelle, qu’il faut utiliser massivement, et contre laquelle il faut pouvoir se défendre car elle est très létale. Elle a tou- tefois ses limites : ellenepermet pas encored’occuper unterritoire,nidegagnersignificativementduterrain, on le voit en Ukraine. Les véhicules blindés ne sont pas obsolètes s’ils sont adaptés à la nouvelle formede guerre, car ils conservent notamment leurmobilité et leur puissance de feu. Les caractéristiques des drones aériens actuels On le sait depuis l’Afghanistan et l’Irak, les drones aé- riens, à l’époque des Reaper étatsuniens, offrent des possibilités sans précédent en matière de reconnais- sance, de surveillance, d’acquisitionde cibles, de trans- port et d’attaque au sol. Ils sont devenus des moyens deluttecontrelesdronesadverses.Ilsaugmententl’oc- currencededétectionprécocedesmenaces,facilitentla reconnaissance, l’identification et l’acquisition de l’en- nemi.Ilsaugmententlaprobabilitédetirerenpremier, d’atteindre la cible, de détruire celle-ci et enfin de re- prendrerapidementlecombat.EnUkraine,ilssontuti- lisés massivement vu leur coût réduit. Leur simplicité permet de les mettre en oeuvre à tous les niveaux du champ de bataille grâce aux progrès technologiques, notamment dans le domaine des senseurs, du traite- ment par ledronedes données recueillies et de lamise enœuvre de l’intelligence artificielle. C’est particulièrement le cas des drones dit « vue à la premièrepersonne»ou firstpersonview (FPV),quidon- nentàl’opérateurquasilamêmeconnaissancedelasi- tuation que s’il était à bord de l’appareil, grâce à une caméra embarquée. Ils sont omniprésents enUkraine, dans les deux camps. Certains drones pèsent moins d’unkilogrammemaissonttrèsrapidesetmanœuvra- bles, ce qui leur permet d’atteindre des cibles statiques oumobiles avec précision. Ils embarquent une charge utile d’un à quatre kilogrammes, qui suffit pour atta- quer des véhicules blindés oudupersonnel débarqué, ou pour intercepter d’autres drones. Leur portée varie d’unedizainede kilomètres jusqu’àplus de vingt kilo- mètres. En 2025, 2 à 3 petits drones suffisent pour dé- truire un véhicule blindé, qui est généralement mieux protégéqu’en2022.D’autresdronessontdescopiesdes V1 nazis armées d’une bombe d’une tonne, oubien ce sont d’anciens avions de transport, ou encore ce sont desmissiles de croisières, dont la portée varie de 200 à 3.000 kilomètres. L’Ukraine a réussi à développer en deuxansavecl’aidedelaGrande-BretagneetdesÉmi- rats arabesunis lemissilede croisièreFP-5Flamingo2, qui emporte à 3.000 kmune charge de 1.150 kg. Celle- ciexploseàunequinzainedemètresdel’objectifvisé. (4) L’Ukraine et la Russie importent ou produisent des milliers de drones chaque année. Le coût d’un petit drone aérien ukrainien varie de 200 $ à 500 $, ce qui le rend très compétitifs par rapport au coût d’un obus d’artillerie de 155 mm, ou d’une bombe d’avion, ou d’unmissile air-sol. La guerre électromagnétique et les drones Les systèmes de communication satellitaires facilitent la coordination entre les unités et assurent une trans- mission rapide et sécurisée des ordres et des informa- tions, notamment depuis et vers les drones. Le soutien de la constellation Starlink à l’Ukraine est particulière- mentvital,c’estencoreplusévidentlorsquelesignalest coupé, car les Européens semblent incapables de sup- pléer.Enmatièredeguerreélectronique,lesUkrainiens semblent être à la pointe duprogrès. Dans le but d’empêcher l’identification et l’acquisition parl’ennemi,lesRussesetlesUkrainiensutilisentprin- cipalementdessystèmesdebrouillagedesondesradio, pour couper la communication entre le drone et son opérateur,oudessignauxGNSS,pourperturbersana- vigation. (5) Il est toutefoismalaisé de brouiller efficace- mentdelargeszonesettouteslesfréquencesradio.Les fréquences généralement utilisées par les drones sont lesplusbrouillées,maiscertainsdronesutilisentdesfré- quences inhabituelles, oudes techniques avancées qui résistent au brouillage comme les antennes électro- niquesadaptatives,lesautdefréquenceetc.Lanaviga- tion inertielle, combinée éventuellement aux capteurs optiques est une alternative à la navigation classique GNSS. Les Russes commandent certains de leurs drones par fibre optique, dont les plus longues mesu- rentjusqu’à20km.Ellesmaintiennentunlienphysique avec l’opérateur, ce qui garantit une communication parfaite mais limite la manœuvrabilité́ et fait courir le risque que l’adversaire coupe ou suive la fibre jusqu’à l’opérateur, pour l’éliminer. La prévalence du facteur humain Malgréla RevolutioninMilitaryAffairs desannées1980, qui a trop mis l’accent sur la technologie, les facteurs humains, soit le leadership, la supérioriténumérique, la stratégie, ladoctrine, les tactiques, restent selonSte- phenBiddle (6) décisifsdanslesuccèsdesarmes.Ilreste possibledeseprotégercontrelessenseursquirendent le champ de bataille beaucoup plus transparent et contrel’énormepuissancedestructriceetlalétalitédes systèmes d’armes actuels. Ceux-ci ont augmenté la portée, la puissance de feu et de la précision des armes ; apporté une mobilité accrue sur de plus longues distances ; renforcé les capacités d’observa- tion, de surveillance, de communication et de traite- ment de l’information. Ils rendent toute action en première ligne hautement risquée. Pourmieux se protéger, les défenseurs peuvent amé- liorer la profondeur du dispositif de défense, le dé- ploiement des unités de réserve, la vitesse des opérations, y compris la planification, le commande- ment, la reconnaissance, les répétitions de lamanœu- vre et lapréparationdes tirs, ainsi que ladifférence en matièrededéveloppementtechnologique,sileconflit estasymétrique.Lecommandementdoittenircompte decequelaprésenceconstantedesdronesgénèreune anxiété permanente chez les soldats et dans la popu- lation. Les pilotes de drones FPV sont eux aussi da- vantage susceptibles de subir un stress post-traumatique, qui nécessite un appui psycholo- gique, car ils sont mentalement au cœur du combat, alors qu’ils en sont physiquement éloignés. (7) Lamenace russe grandit depuis vingt ans, il est urgent d’agir Selon les Ukrainiens, (8) les Européens devraient déve- lopperleuraptitudeàlaguerredesdrones,leurscom- munications par satellites et leurs capacités de guerre électronique. Celle-ci comporte la détection et l’inter- ceptiondessignaux,lebrouillageetlescontre-mesures, ainsi que la numérisation du champ de bataille, qui consiste à recueillir les données venant de l’espace ou des capteurs, et à les agréger grâce à des systèmes au- tomatisésdetraitementdel’image,pourappréhender lasituationetpermettreunciblagetrèsprécisetrapide. Les Baltes et les Finlandais sont les premiers à avoir tenu compte de ce conseil. Lesservicesderenseignementsoccidentauxprévoient depuisquelquesmoisuneattaquerussedansundélai dedeuxàcinqanscontreunÉtatmembredel’OTAN, maiscertainsUkrainiensestimentquelesRussespour- raienteffectueràpluscourttermeuneattaquemassive de drones Shahed, qui ont une portée qui va de 200 à 2.500 km, sur les pays baltes. Les moyens de défense occidentaux sont trop peu nombreux et trop coûteux. Les Russes pourraient vouloir profiter de leur avan- tage technologique face à un Occident qui n’est pas préparé à la guerre des drones. En annonçant vouloir se préparer à un choc militaire aveclaRussied’ici3ou4ans,legénéralMandon,nou- veau chef d’état-major des armées françaises, envisage un horizon souhaitable, car il sait qu’elles ne sont pas prêtesaucombat,plutôtqueprobable,carilmesemble douteux que Poutine attende d’avoir 77 ans pour agir. Il constate comme nous que ni l’Union européenne (UE), ni l’organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN) n’ont pumettre fin à la guerre hybride (9) que Poutinefaitàl’Occidentdepuisl’invasiondelaGéorgie en2008.Ellefutlapremièreétapeverslaconfrontation dehauteintensité.Siladissuasionnucléairedel’OTAN reste valable, ni l’UE, ni l’OTAN ne sont capables de dissuaderPoutinedecontinuersesagressionsdebasse intensité enEurope. Bienque leur origine soit difficile- ment identifiable, beaucoup d’observateurs lui impu- tent les survols de drones dans notre espace aérien, au-dessus de sites qui devraient être hautement sécu- risés,commedescentralesnucléairesoudesusineschi- miques,quisurvolentdesinstallationsmilitairesouqui perturbent le trafic aérien enEurope. Les gouvernants européens devraient enfin ouvrir les yeux : la situation est grave, augmenter notre sécurité esturgent.UneguerrefaitrageenUkraine,quiproduit unemenace réelle pour l’Europe. Les administrateurs de la S€D estiment qu’ils manqueraient à leur devoir s’ils ne faisaient pas tout leur possible pour tirer les le- çons de cette guerre afin d’améliorer notre défense, dans l’espoir de dissuader une agression. L’union fait la force, il serait temps de s’en souvenir ! Plusieurspaysenvisagent,enordredispersé,l’achatde différents systèmes de lutte contre les drones. Le gou- vernementbelgeenvisageuninvestissementde50mil- lions€,pourmieuxdétecter,identifieretneutraliserles drones qui s’aventurent dans des espaces interdits, comme les aéroports. Il pense étoffer le personnel du National Airspace Security Center (NASC), afin de le rendre opérationnel dès le 1er janvier 2026. Le NASC est une extension du Control & Reporting Centre (CRC)delaDéfensequicontrôlel’espaceaériendepuis la base de Beauvechain. Il met en commun les res- sourcesdesdépartementsministérielsdel’Intérieur,de laDéfense et de laMobilité. Comme la portée de certains drones excède très large- mentlesdimensionsduterritoirebelge,c’estauniveau européen que l’espace aériendevrait être sécurisé. De- mander, comme l’a fait leministre belgede laDéfense, le soutiendu secrétairegénéral de l’OTANet des alliés àcausedusurvoldesdronesnesuffitpas.L’accordBe- neluxAirPolicingde2017,quicouvrelesinterceptions d’aéronefs habités suspects ou non identifiés, devrait être étendupour faire face auxmenaces que représen- tent lesmissiles et les drones, qu’ils soient utilisés seuls ou enmasse. L’accord est intégré à la défense aérienne etantimissiledel’OTAN,leBeneluxn’adoncpasdeca- pacitésouveraineetnedisposequed’unetournantede deux avions de chasse, belges ou néerlandais, enmis- sionde réaction rapide - Quick ReactionAlert (QRA), ce qui est insuffisant pour faire face à une intrusionmas- sive de drones oud’avions. Comme l’emploi de la force létale relève toujours du pays survolé, un avion néerlandais opérant au-dessus de la Belgique doit obtenir une autorisation de tir du gouvernement belge, ce qui rend le délai de réaction excessif. Les règles d’engagement ont été écrites pour faire face aux cas de détournement et d’interception d’un avion de transport civil en perte de communica- tion ou en infraction. Elles ne sont pas adaptées à l’in- terception d’avions de combat ou de drones, mêmes clairement hostiles. Comme les drones de petite taille ontunefaiblesignatureradar,ilssontdifficilementdé- tectables par des avions de chasse comme les F-16 ou F-35, et encoremoins atteignables par leur armement : leur vitesse étant trop grande par rapport à celle des drones. Tirer au canonde bordpose la questionde sa- voir oùvont atterrir les obus. Employer unmissile air- airquicoûte1,2million$pourabattreundroneà2.000 $ est peu raisonnable. La nature de la guerre a fonda- mentalement et durablement été transformée par les drones, la défense de l’Europe doit s’envisager autre- ment qu’aujourd’hui. 1)MarieJégo,BenjaminQuénelle,«VladimirPoutinemenacel’Eu- roped’une«réponsetrèsconvaincante»siellepersisteàs’armeret àaiderKiev»in LeMonde ,https://short.do/_Kx-vU ,3octobre2025. 2)CetteraretéestgénéraliséeenOccident.AuxÉtats-Unisd’Amé- rique,onestimequeseulement15%d’uneclassed’âgeestmobili- sable, les autres jeunes n’ont pas la condition physique et mentale requise,àcausenotammentdel’usagedesdroguesoudusurpoids. 3) Voir Ukrainian Government, How to protect yourself from enemy drones–Infantryadvice ,https://short.do/6KUwjs, 5October2023 . 4)OlivierDujardin,“FP-5Flamingo-2:quandl’Ukraineviselapro- fondeurstratégique”inMet a-défense.fr, https://urlr.me/JP6qkK ,29 septembre2025. 5) LeGlobal Navigation Satellite System(Systèmemondial de na- vigationparsatellite)englobeleGPSaméricain,leGalileoeuropéen, leGLONASSrusseetleBeiDouchinois. 6)VoirCarelSellmeijer,“DetheorievanBiddleendeoorloginOe- krai�ne,”in MilitaireSpectator ,n°92024,p.508-511; StephenBiddle, MilitaryPower.ExplainingVictoryandDefeatinModernBattle, Prince- ton,PrincetonUniversityPress,2004. 7) Voir NATO Non-Lethal Technology Exercise 2022 C-UAV, https://urlr.me/8JKuzW) ; AlexandrePapy,«Comparativeanalysis oflethal/low-collateraldamageeffectorsagainstLSSUAS,»exposé présenté lors du working group C-UAS, Bruxelles, 26 septembre 2022,archivesJeanMarsia. 8)VoirLaureMandeville,“LesUkrainiens,instruitspartroisannées deconflit,pressentl’Europedeseprépareràunefutureguerredes drones”in LeFigaro ,6août2025,p.2-3. 9) La guerre hybride menée par Poutine comporte notamment selon l’OTAN les atteintes à la cybersécurité, le sabotage, la désin- formation,l’ingérencepolitiqueetladéstabilisationéconomique. La guerre des drones – premiers éléments de réflexion

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