AGEFI Luxembourg - mai 2023

Mai 2023 19 AGEFI Luxembourg Economie / Banques Par Pierre LAURENS, CEO Securitax.com, Luxembourg D ans un contextemondialisé où les entreprises sont de plus en plus mobiles, et leurs activités internationales, la com- pliance, ou conformité, est devenue un enjeumajeur pour les organisa- tions bancaires qui les accompagnent. Dans lemaquis des diverses réglemen- tations de compliance, la digitalisation est un élément clé de cette évolution. La conformité a transformé l’industrie bancaire La conformité bancaire repré- sente un enjeu majeur et les dé- penses de technologies de conformitéAML/KYC ont été esti- mées à 9,1 milliards de dollars en 2020. Le seul KYCélectronique (e-KYC), grâce à l’ on- boarding numérique, et alimenté par l’IA, connaît une croissancerapide.Lemarchémondialdel’e-KYCétait de0,29milliarddedollarsen2019maislesexpertses- timent qu’il devrait passer à 1,57 milliard de dollars en 2027. Dans l’ensemble, les dépenses enmatière de technologieréglementaire( RegTech )devraientdépas- ser 130milliards de dollars en 2025. Quel est le constat dans l’industrie bancaire auLuxembourg ? Au mois de septembre 2022, l’ABBL, la CRF et le CSSF ont concluunpartenariat public-privé visant à renforcer la collaborationdans la lutte contre le blan- chiment et le financement du terrorisme en évaluant lesrisquesdansunmondequiévolue.Au-delàdeces actions louables, la réalité du terrain est plus incer- taine. Les acteurs de l’industrie bancaire constatent uneexplosiondutempsconsacréàcesnouvellesobli- gationslégalesetuneaugmentationnotabledeseffec- tifsdes équipes compliance et une explosiondes coûts inhérents. À ce jour, une banque sur cinq n’est pas profitable selon Émilie Serrurier-Hoel, vice-prési- dente du Private BankingGroup de l’ABBL. Directeur général de laCSSF, ClaudeMarx confirme que «le coût réglementaire est très important. La conséquence sera que des petits acteurs auront de plus en plus de mal à avoir un business plan viable. Aumilieudes années 1990, nous avions 222banques auLuxembourg, contre 120 aujourd’hui. Cemouve- ment ne va pas s’arrêter là. Un certain nombre de banques ne sont pas rentables et n’ont pas la masse critique pour survivre, notamment à cause du coût réglementaire.Unebanquesurcinqprésenteunratio cost-income négatif». Maislacroissancedesexigencesenmatièredeconfor- mité a des conséquences vis-à-vis des clients eux- mêmes, et la presse se fait l’écho des grandes difficultés pour accéder aux services bancaires ba- siques,commelasimpleouvertured’uncompteban- caire, rencontrées par ces derniers, et notamment les entreprises. Les banques, confrontées aux coûts des procéduresd’ onbording oucellesrelativesausuivian- nuel de la relation bancaire, se montrent de plus en plusexigeantesetrefusentsouventl’ouvertureoupro- cèdent à des clôtures du compte. La réalité bancaireimposedesévolutionsradicales danslesapprochestraditionnellesdela conformité et des procéduresmises en œuvre. Ce que confirme autrement le CEO de Luxembourg for Finance (LFF), Nicolas Mackel qui estime, à justetitre,que«l’inflationréglementaire pourrait, in fine , offrir un avantage com- pétitif au Luxembourg». En effet, comme le soulignait dernièrement Ananda Kautz, Head of Innovation à l’ABBL, «confrontés à des challenges ma- jeurs en matière d’intégration des nouvelles exigences rè- glementaires, les acteurs bancaires doivent in- tensifier leur transfor- mationnumériqueen travaillant avec les ac- teurs de la fintech». Nasir Zubairi, CEO de la Lhoft, ap- pelait récemment de ses vœux une ère nouvellepourladigitalisationmutualiséeprenantacte d’une demande naissante de l’industrie bancaire. L’essentiel de la conformité bancaire est d’essence fiscale Si lesobligationsde conformitédans l’industrieban- caire ne sont pas que fiscales, les établissements fi- nanciers doivent s’assurer du respect de règles établies auniveau international, auniveaueuropéen etauniveauluxembourgeois.Dansl’industriefinan- cière et bancaire la conformité fiscale se distingue en fonction des organes de contrôle. Il y a les règles de conformitéfiscalequi sont sanctionnéespar l’organe derégulationprudentielle(laCSSFauLuxembourg) etcellesquirelèventd’uncontrôledel’administration fiscale (l’ACD au Luxembourg). La conformité fiscale contrôlée par laCSSF 1. La circulaire 17/650 LBC/FT : La circulaire CSSF 20/744 est venue compléter la circulaireCSSF 17/650 dans le cadre de la Loi du 12 novembre 2004 rela- tive à la lutte contre le blanchiment et contre le fi- nancement du terrorisme et le règlement grand-ducal du 1 er février 2010. La circulaire fonc- tionne sur la based’indicateurs (21 indicateurs com- muns et 9 indicateurs spécifiques aux OPC). Ces indicateurs s’appliquent lors de l’ onboarding et du- rant toute la relation d’affaires et imposent à la banque une obligationd’examen approfondi allant jusqu’à la déclaration à la CRF. 2. La Liste noire de l’UE : Le Conseil de l’Union Eu- ropéenne vient de modifier sa liste des états et terri- toires non coopératifs (ETNC). La nouvelle liste publiée au Journal officiel de l’UE du 21/02/2023 contient dorénavant 16 pays : Samoa américaines, Anguilla, Bahamas, Îles Vierges britanniques, Costa Rica,Fidji,Guam,ÎlesMarshall,Palaos,Panama,Rus- sie, Samoa, Trinité-et-Tobago, Îles Turks-et-Caïcos, ÎlesViergesaméricaines.Lesbanquesontl’obligation tant lorsde l’ onboarding quedurant la suitede la rela- tion bancaire de mettre en place des mesures de contrôle et d’analyse de l’ensemble des transactions financières concernant ces pays et de déclaration de certaines de ces opérations aux autorités. 3.LesnormesAEOI/CRS/FATCA: Ils’agitdesrègles impératives de transmission automatique par la banque des informations bancaires d’un bénéficiaire économiqueàsonpaysderésidencefiscale.Cesrègles sont d’origine internationale, américaine, ou euro- péenne. Au-delà, la banque supporte une obligation decontrôleetdevigilancesurlestentativesdedétour- nement de ces règles, sur le respect de ses obligations fiscalesparleclientousurlesmodificationsquipour- raient intervenirdans son l’implantationpersonnelle. À ce jour, ces normes de conformité ont représenté l’essentiel des nombreuses sanctions prononcées par laCSSF contre des organismes financiers. La conformité fiscale contrôlée par l’ACD : DAC6 LadirectiveDAC6(Directivesurlesschémasfiscaux potentiellement agressifs 2018/822), vise à améliorer la transparence fiscale et à lutter contre l’évasion et l’optimisation fiscale agressive. Ladirectives’appliqueauxdispositifstransfrontaliers impliquant aumoins unÉtatmembrede l’UEet pré- sentantcertainsmarqueursd’alerte( hallmarks ),quiont descaractéristiquesoudesrésultatspouvantindiquer un risque d’évasion ou d’optimisation fiscale agres- sive. Chaque état membre a apporté des précisions surcesmarqueurs,certainesplusexigeantesqueladi- rective, d’autres moins contraignantes. En pratique, DAC6estunmaquiscomplexedediversesréglemen- tations qu’il convient demaîtriser dans sa globalité. Lesautoritésfiscalesnationaleséchangentensuiteces informations avec les autres États membres de l’UE et les services compétents de la Commission Euro- péenne via une plateforme centralisée. Les avantages de la digitalisation Securitax.com,unestart-upluxembourgeoise,aima- giné une API, BridgeHub, qui répond aux besoins bancaires par ladigitalisationdes procédures d’ana- lyse et le screening des données existantes des Core Banking System (CBS) des banques. Ladigitalisationoffreune solution simple et efficace pour se conformer aux exigences réglementaires en mobilisant peu de ressources humaines et pour un coût optimisé. La sécurité informatique est garantie car l’API appartient à la banque et fonctionne stric- tement en interne sur les serveursdesbanques et elle est conçue comme un outil de gestion collaboratif avec des tableaux de bord, la génération de docu- ments et le suivi d’activité, alertes. Enévitant lespro- cédures d’ inputs longues et onéreuses par le recours aux données existantes (CBS) et les technologies de collecte externalisée issues de l’ onboarding des banques en ligne et de contrôle/vérificationdesdon- nées, la digitalisation n’est plus un obstacle mais constitue au contraire une partie essentielle de la so- lution, press on button . Cet outil disruptif intègre l’en- semble des règles de conformité fiscale de chacun desÉtatsmembres,etlaisseàl’utilisateurlechoixdes pays. Il génère demanière robotisée, des rapports et des alertes. L’API utilise les dernières technologies de l’IA, du machine learning , d’identification vidéo, d’eIDV, pour une sécurité accrue. L’acquisitiondes données Les informations sont disponibles. Il suffit de savoir quelles informations rechercher et où les rechercher. La rencontre du savoir-faire fiscal et juridique avec l’expertiseIA.Pourquoimobiliserdesarméesde com- pliancers dont le coût est exponentiel avecdes risques d’erreur humaine pour rechercher ces éléments ? Les différentes librairies des CBS contiennent ces in- formationsquisontimplémentéesenutilisantlesEJB ( Entreprise Java Beans ) et disponibles enmode Rest. L’API via son IHM ( Interface Home Machine ) va les collecterselonunprocessautomatiséafindepouvoir lesanalysersansrecoursàunequelconqueressource humaine, de façon robotisée. Parfois, certaines don- néespourront êtreabsentesdes librairiesdesCBSou erronées. L’API détecte automatiquement ces ab- sences et ces incohérences. Utilisant les technologies récentes de l’ onboarding digital, le principe est d’éco- nomiser les ressourceshumaines et permet degéné- rer une externalisation vers le client des requêtes automatiques concernant ces informations. Le por- tail de collecte analyse et vérifie les informations fournies et les centralise dans les librairies du CBS avec lemême degré de sécurité et de garantie qu’of- fre laméthode traditionnelle. L’analyse des informations L’acquisition des données est une chose, leur traite- ment en est une autre et exige une technicité excep- tionnelle. L’innovation de l’API consiste ensuite en une détection automatique et de screening des mar- queurs (DAC6), des indicateurs (17/650) et des pays sensibles ( blacklist ) suspects à partir des données des Core Banking System (CBS) des banques. Le traitement des informations Après la détection, l’API est conçue comme un outil de gestion collaboratif avec tableaux de bords, géné- rationdedocuments (alertes internes et des clients) et suivid’activité(rappels,relances, scoring ).Enfin,l’API archivel’ensembledeshistoriquesetdesjournauxin- ternes afin d’aménager la traçabilité et la charge de la preuve car les difficultés fiscales interviennent plu- sieursannéesaprèsetqueleséquipessontévolutives. L’ensembledesdonnéesestconservéentoutesécurité sur les serveurs sécurisés de la banque. Forts de notre expérience en matière de solutions SaaS pour les audits fiscaux, nous sommes convain- cusqueladigitalisationseralaseulemanièreefficace desécuriserlesbanquessansqu’ellesaientàmobiliser desressourceshumainesconsidérablesetce,pourun coût optimisé, que ce soit pour l’ onboarding ou les re- vues périodiques de leurs dossiers. Conformité bancaire à l’ère de la digitalisation L e Luxembourg a de nombreux atouts pour plaire aux investisseurs, entrepre- neurs et salariés dumonde entier. Il séduit par sa stabilité politique, son ouver- ture sur l’extérieur, ses infrastructuresmo- dernes, son centre financier de renommée internationale et son économie diversifiée. Il rassemble des PME familiales, entreprises multinationales, jeunes entreprises techno- logiques et start-ups prometteuses. Pourtant,l’imaged’unecontréeprospèrerisquedese fissurer si des réformes structurelles ambitieuses ne sont pas menées résolument et rapidement. Dans le cadre des élections législatives, la Chambre de Commerce initie une réflexion en profondeur pour mainteniretaccroîtrel’attractivitédusiteéconomique et pour renforcer la compétitivité des entreprises. Un nouveau livret thématique présente des mesures phares et prioritaires. En tant que petit pays aux ressources naturelles et démographiques limitées, le Luxembourg a su bâtir unmodèle économique performant grâce à sonhaut niveau d’attractivité, c’est-à-dire sa capacité à attirer des ressources venues de l’étranger, notamment des investissements sous forme de capitaux et des res- sources humaines, aupoint dedevenir l’unedes éco- nomies les plus ouvertes aumonde. A ce jour, 30,4%des entreprises de l’économie mar- chande non financière installées au Luxembourg sont sous contrôle étranger. Lemodèle économique du Grand-Duché repose grandement sur la main- d’œuvre étrangère. Sur les 458.000 salariés qui tra- vaillaient dans le pays en 2021, 125.000 étaient des résidents de nationalité étrangère (27,3%) et 212.000 des travailleurs frontaliers (46,3%). Ce modèle a contribué au succès de la place finan- cière, a assuré les performances de l’industrie avec un focus performant sur la recherche et l’innovation et apermis lamontéeenpuissancedenouvelles acti- vités de services à haute valeur ajoutée (ICT, espace, santé, logistique, …). Cette ouverture sur l’extérieur et la disponibilité trop faible de ressources et de fac- teurs de production rendent notre modèle écono- mique très vulnérable et dépendant de l’étranger. Le seul moyen pour assurer la prospérité et le bien- être de notre société est demaintenir ce haut niveau d’attractivité de l’économie que le pays a valorisé pour se hisser parmi les nations les plus prospères à l’échelle mondiale. Les performances socio-écono- miques futures du pays dépendent donc essentielle- ment de sa capacité à rester attractif et à assurer un environnementlégal,règlementaireetfiscalcompétitif ànos entreprises. Pourtant, la compétition internatio- nale est de plus en plus intense et la complexité au niveau géopolitique s’accroit rapidement. Les posi- tions acquises par le Luxembourg au cours des der- nières décennies sont concurrencées en permanence. Sansdesréformesstructurellesmajeurespourgénérer une nouvelle dynamique en termes de productivité etderentabilitédesentreprises,leLuxembourgrisque dereculerencoredanslesclassementsinternationaux de compétitivité et perdre donc de son attractivité. D’autant que le pays subit les effets négatifs de la forte croissancequantitativeenregistréeaucoursdes dernièresdécennies.Ainsi, il faudraagirnotamment sur le cadre fiscal, enmatière de droit du travail, sur la simplification administrative, sur la qualité de la formation initiale et continue, sur l’offre de zones d’activité, demobilité et de logements. En période de poussée inflationniste, le coût du tra- vail reste un vif sujet de préoccupation. Avec un salairemoyen annuel ajusté à temps pleind’environ 72.250 euros, le Luxembourg est le pays de l’UE où les travailleurs sont les mieux rémunérés. Mais le coût horaire moyen luxembourgeois a davantage progressé entre 2008 et 2021 que celui de la zone euro et des pays voisins, ce qui pénalise la compéti- tivité de l’économie luxembourgeoise, où la plupart des entreprises sont price takers, car directement exposées à la concurrence internationale. Ici, un des leviersd’actionconcerne l’adaptationdumécanisme d’indexation automatique. En vue des élections législatives, la Chambre de Commerce a réalisé des consultations auprès des entreprises et fédérations ressortissantes pour mettre en exergue les mesures prioritaires qui permettront de maintenir l’attractivité du site économique et de renforcer la compétitivité des entreprises. Il s’agira notamment de : - Moduler le système d’indexation selon trois piliers cumulatifs : une seule indexation maximum par an, une indexationplafonnée àpartir de 1,5 fois le salaire mensuel médian et dégressive à partir de 4 fois ce salairemédian,etuneindexationbaséesurun«panier durable». - Faire converger le taux global d’affiche de l’impôt dessociétés(25%)verslamédianeeuropéenne(21%). - Créer un fonds d’investissement public destiné à accompagnerlesreprisesetlestransmissionsd’entre- prises,familiales,eninternepardescollaborateursou en externe. - Devenir le leader mondial des fonds d’investisse- ment dédiés à l’efficacité énergétique, aux énergies renouvelables et aux investissements verts dans les cinq années à venir. - Revaloriser le statut d’indépendant au travers six mesures proposées en 2021 par la Chambre de Commerce,enalignantlaprotectionsocialedesindé- pendants sur celle du salarié. Le livret thématique «Maintenir et accroître l’attractivité et la compéti- tivitédumodèleéconomique»estdisponibleentéléchargementgratuit : www.cc.lu/toute-linformation/publications.Ilpeutégalementêtrecom- mandé en version imprimée. Source : Chambre de Commerce Renforcer la compétitivité des entreprises au Luxembourg

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