AGEFI Luxembourg - avril 2024

AGEFI Luxembourg 14 Avril 2024 Fiscalité / Economie L e 14mars 2024, l’Avocat géné- ral auprès de laCour de jus- tice de l’Union européenne, CJUE, a rendu ses conclusions dans l’affaire dite «des fonds de pen- sionnéerlandais» qui interroge la possibilité pour les fonds de pen- sionde bénéficier de services de gestion exonérés deTVA, à l’instar des fonds d’investissements. Par Aylin CAM, Partner, Raphaël GLOHR, Partner et Michel LAMBION (i) , Managing Director, Deloitte Tax&Consulting Le système de retraite néerlandais présente la particularité de recourir de manière importante aux fonds de pen- sion dont ceux constitués au niveau d’entreprises ou de branches d’entre- prises à l’initiative des employeurs. Comme les fonds d’investissement, les fonds de pension ne peuvent, en principe, pas déduire la TVA encou- rue sur leurs frais. Ils sont donc inté- ressés par des services de gestion exonérés en vertu de l’article 135.1.g) de la directive TVA européenne, transposé au Luxembourg dans l’arti- cle 44.1.d) de la loi TVA. La Cour de justice de l’Union euro- péenne a été amenée à préciser les conditions auxquelles doivent répon- dre ces fonds pour pouvoir bénéficier de cette exonération, à savoir la col- lecte de capitaux auprès du public dans le cadre d’une politique d’inves- tissement dont le risque est supporté par les investisseurs et être soumis à une supervision étatique. Ces préci- sions sont nécessaires afin d’harmoni- ser, autant que possible, les règles au sein de l’Union européenne. Par ailleurs, la Cour a rendu en 2013 deux décisions en matière de fonds de pension (ii) . Elle y distingua entre ceux qui fonctionnent selon le principe des prestations définies :«DB» pour «defi- ned benefits»), où les employeurs à l’origine du fonds doivent compenser les éventuelles pertes sur les investis- sements afin que le niveau des presta- tions définies par avance soit respecté - et les fonds qui fonctionnent selon le principe des contributions définies («DC» pour «defined contributions») par lequel un tel engagement n’existe pas puisque les employeurs se limitent à verser un certain montant de cotisa- tions et les salariés affiliés sont exposés aux pertes éventuelles qui se traduisent par une baisse des prestations. En conséquence, les fonds «DB» sont ex- clus du bénéfice de l’exonération, puisque ce ne sont pas les investisseurs (ici les affiliés au régime de retraite) qui supportent le risque d’inves- tissement, contrairement aux «DC». La problématique semblait donc réso- lue jusqu’à ce que le tribunal de Guel- dre réfère six affaires similaires (iii) à la CJUE dans lesquelles l’Avocat géné- ral, madame Kokott, a rendu ses conclusions le 14 mars. L’Avocat général propose à la Cour de considérer que, pour être un fonds au sens de la TVA (et donc de bénéficier de services exonérés de TVA), il est né- cessaire de remplir les critères qui dé- finissent un fonds comme un organisme de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM) prévus par la directive 2009/65. Ceci suppose, notamment, l’ouverture au public (iv) , l’obligation de remboursement de leur mise aux investisseurs et que ces derniers supportent le risque d’inves- tissement, ce qui implique de savoir «(…) si l’engagement de pension pré- voit principalement des prestations garanties ou des prestations dépen- dant de l’évolution de la valeur du ca- pital investi.» Par ailleurs, même si ces fonds ne sont pas comparables à des OPCVM, les Etats membres peuvent leur accorder le bénéfice de l’exonération s’ils sont comparables à d’autres fonds d’inves- tissement qui sont considérés comme des fonds au sens de la TVA, alors même qu’ils ne sont pas comparables à des OPCVM. Cette possibilité est néanmoins limitée par le principe de la neutralité entre les différents types de fonds. Quels impacts ? Si nous comprenons bien les conclu- sions, les Etats membres sont obligés de considérer les OPCVM comme des fonds au sens de la TVA et ont la pos- sibilité d’y ajouter d’autres fonds tant qu’ils respectent le principe de la neu- tralité fiscale. Ceci ne devrait pas poser de problème particulier au Luxem- bourg puisque l’article 44.1.d) de la loi TVA comprend une liste (v) exhaustive des fonds et entités qui sont considérés comme des fonds pour la TVA et peu- vent donc recevoir des services exoné- rés de TVA. Un impact pourrait, éventuellement, apparaître pour les fonds de pension. En effet, la loi TVA luxembourgeoise ne fait pas la distinction entre les fonds de pension à contributions définies et ceux à prestations définies. Néan- moins, l’impact serait limité, d’une part, en raison du nombre très faible de fonds de pension existant au Luxem- bourg (une quinzaine (vi) ), et d’autre part, parce que les fonds de pension à prestations définies ne sont plus très répandus. En effet, ils font peser une épée de Damoclès sur la tête des em- ployeurs qui sont tenus de combler les éventuels déficits en cas d’investisse- ments moins fructueux que prévu. Par ailleurs, des Etatsmembres, comme les Pays-Bas, pourraient continuer de refuser l’exonération aux fonds de pen- sion (ou à d’autres véhicules) s’ils ne les considèrent pas comme suffisamment comparables à desOPCVMet devraient la refuser pour les fonds de pension à prestations définies («DB»). Ceci pour- rait inciter ces fonds exclus de l’exoné- ration à investir, non plus directement, mais via d’autres fonds qui bénéficient de l’exonération. Or, il n’est nul besoin de mentionner que le Luxembourg offre une vaste panoplie de fonds qui satisferaient les besoins des fonds exclus du bénéfice de l’exonération. Bien que les conclusions de l’Avocat général soient souvent suivies par la Cour, il nous reste à attendre sa déci- sion, qui devrait intervenir, en prin- cipe, après les vacances d’été en tenant comptedes délais habituels de laCour. Exonération de TVApour les fonds de pension ? i) Aussi président du groupe de travail TVA de l’ALFI et de la VAT task force de l’EFAMA. ii) Arrêts du 13 mars 2014, ATP Pension Ser- vice (C-464/12) pour les fonds «DC», et du 7mars2013,WheelsCommonInvestmentFund Trusteese.a.(C-424/1)pourlesfonds«DC». iii) Affaires jointes C-639/22 à C-644/23, Stichting BPLPensioen;StichtingBedrijfstakpensioensfonds voor het levensmiddelenbedrijf (BPFL); Fiscale EenheidAchmeaBV;YetStichtingPensioenfonds voor Fysiotherapeuten contre Inspecteur van de BelastingdienstMaastricht. iv) Cette condition ne semble pas respectée par les fonds de pension dans lamesure où ils sont, en principe, réservés aux salariés d’une entre- prise ou d’une branche d’activité. v) Les organismes de placement collectifs visés par la loi modifiée du 17 décembre 2010 concer- nant les organismes de placement collectif, les fonds d’investissement spécialisés visés par la loimodifiéedu13février2007relativeauxfonds d’investissementspécialisés,lessociétésd’inves- tissementencapitalàrisqueviséesparlaloimo- difiée du 15 juin 2004 relative à la société d’investissementencapitalàrisque(SICAR),les fonds de pension visés par la loi modifiée du 13 juillet 2005 relative aux institutions de retraite professionnellesousformedesociétéd’épargne pension à capital variable (sepcav) et d’associa- tion d’épargne-pension (assep), et soumis à la surveillance de la Commission de surveillance du secteur financier, les fonds de pension visés par la loi du 7 décembre 2015 sur le secteur des assurances et soumis à la surveillance du Com- missariat aux assurances ainsi que les fonds d’investissementinternescollectifsd’assurance- viepourlesquelslessouscripteurssupportentle risque financier et qui sont soumis à la surveil- lance du Commissariat aux assurances ; ii) les organismes similaires à ceux visés par le point (i) d’autres États membres de l’Union euro- péenne et qui sont soumis à la surveillance d’un organismedesurveillanced’unautreÉtatmem- bre de l’Union européenne similaire à la Com- mission de surveillance du secteur financier ou au Commissariat aux assurances ; iii) les orga- nismes de titrisation visés par la loi du 22 mars 2004 relative à la titrisation et les organismes si- milaires dont l’objet est de réaliser des opéra- tionsdetitrisationausensdel’article1 er ,point2) du règlement (CE) n° 24/2009 de la Banque cen- trale européenne du 19 décembre 2008 relatif auxstatistiquessurlesactifsetlespassifsdesso- ciétés-écrans effectuant des opérations de titri- sation ; iv) les fonds d’investissement alternatifs (FIA) tels que définis à l’article 1 er , point (39), de laloidu12 juillet2013relativeauxgestionnaires de fonds d’investissement alternatifs. vi) Quatre fonds sous la surveillance du Com- missariat aux assurances et onze sous celle de la Commission de surveillance du secteur fi- nancier. A lors que lemonde post- pandémique se normali- sait, lesmarchés ont été confrontés à de graves chocs du côté de l'offre, ce qui a entraîné des hausses de prix dues à une rareté de produits combinée à une de- mande qui s'était accumulée pen- dant la pandémie. Les événements géopolitiques ont exacerbé cette si- tuation. La guerre enUkraine a fait monter les coûts de l'énergie pen- dant un certain temps, les querelles entre les États-Unis et laChine ont créé de l'incertitude pour les in- vestisseurs et, récemment, le conflit auMoyen-Orient a ajouté à la morosité. En outre, la hausse des taux d'intérêt a mis fin à une décennie d'argent pas cher et a suscité des doutes quant à la capa- cité des entreprises en croissance à se développer oumême à survi- vre lorsque les coûts de finance- ment ont augmenté de manière exponentielle. «Pourtant, le monde n'est pas encore entré en récession», déclare James Budden (photo), directeur dumarketing et de la distribution chez Baillie Gifford. L'année 2023 a été bonne pour laplupart des marchés, la Chine étant l'exception négative. Une fois de plus, les États-Unis ont ouvert la voie, tirés par les «Magnificent Seven» - Meta, Tesla, Alphabet, Nvidia, Apple, Amazon et Microsoft - qui ont enregistréune hausse considérable du cours de leurs actions, alors que les 493 autres entreprises du S&P 500 sont restées collectivement sta- bles. Une preuve éclatante de la puis- sance des rendements asymétriques. Au début de l'année 2024, le sentiment est toujours défavorable à l'investisse- ment dans la croissance. Toutefois, les vents contraires des deux dernières années semblent se dissiper. Les entre- prisesde croissance se sont adaptées àun nouveau paradigme qui met l'accent sur la rentabilité et la génération de flux de trésorerie disponibles pour démontrer l'auto- financement de leurs opérations. Cette preuve de résilience contraste for- tement avec la croissance à tout prixde la décennie précédente, qui était soutenue par des liquidités bon marché. L'objectif étaitd'acquérirdespartsdumarché,mais aujourd'hui, ce qui compte, c'est la crois- sance organique et le bilan. «Il y a eu des gagnants et des perdants dans cette transformation vers la pru- dence fiscale. Par exemple, nous avons vendunosinvestissementsdansCarvana et Zoom - lemodèle d'entreprise du pre- mier a été mis à mal par la hausse des taux d'intérêt, et pour le second, il pour- rait être difficile de croître de manière significative après Covid dans un envi- ronnement de plus enplus concurrentiel pour ses services.» ajoute James Budden. Parmi les entreprises qui ont bien réagi à l'évolutiondesconditions,citonsShopify, la plateforme de commerce électronique axée sur les commerçants, qui a réduit ses coûts et s'est séparée de sa branche logistique, et Door Dash, l'application de livraisondenourriture, qui abénéficiéde ladisparitionde ses concurrents et aainsi généré un flux de trésorerie disponible de près de 900millions de dollars. Aujourd'hui, plus de 80% des entre- prises des portefeuilles mondiaux de Baillie Gifford sont rentables ou ont des fluxde trésoreriepositifs. Cette résilience des entreprises de croissance dément le stéréotype selon lequel la croissance ne peut pas prospérer lorsque les tauxd'in- térêt sont élevés. Les entreprises de crois- sance de grande qualité, avec des ren- dements du capital élevés et desmarges bénéficiaires solides, sont bien placées pour résister à toute pression inflation- niste persistante. Ces entreprises ne se contentent pas de compter sur le cycle économiquepour exceller. Elles réalisent des progrès fondamentaux qui, au fil du temps, sont reconnus par les marchés sous la forme d'une hausse des prix des actions. Cela se produit lorsque les béné- fices dépassent les attentes. A long terme, les cours des actions ont tendance à suivre les bénéfices. «Si 2022 a été une année d'ajustement et 2023 une année d'exécution pour les sociétés de croissance, il se peut que nous entrions maintenant dans une période de reconnaissance où les prix des actions commencent à refléter la force sous-jacente des sociétés de crois- sance de qualité», déclare M. Budden. Selon Baillie Gifford, cette reconnais- sance est soutenuepar une sériedevents favorables. Tout d'abord, denombreuses sociétés duportefeuilledeBaillieGifford enregistrent une forte croissance de leur chiffre d'affaires. Deuxièmement, les bénéfices et le flux de trésorerie disponi- ble s'améliorent et troisièmement, ce qui est peut-être le plus important, ces deux facteurs sont favorisés par des facteurs structurels solides. La numérisation du commerce et de la finance se poursuit à grande vitesse. Des entreprises comme Mercado Libre, Coupang et PDDHoldings dominent ce développement sur leurs marchés res- pectifs. La confluence des données et de la santé offre l'occasion de découvrir de nouvelles façons d'exploiter lapuissance de l'IA et d'offrir de meilleures chances de prévention et de guérison - l'entre- prise pharmaceutiqueModernamontre la voie à cet égard. «L'économie post-carbone est à l'ordre du jour de tous, mais la question est de savoir comment en tirer parti», déclare M. Budden. «La sociétéprivéeNorthvolt est stratégiquement importante pour l'Europe en tant que fabricant de batte- ries, en concurrence avec des entreprises chinoises et américaines. En outre, Solugen et Climeworks proposent des solutions pour réduire les futurs niveaux d'émission. Enfin, il y a le potentiel de l'intelligence artificielle (IA), dont les gagnants ne sont pas encore connus. Notre exposition à l'IA est donc diversi- fiée et comprend le matériel (ASML), le cloud (AWS), les services cloud (Snowflake), les solutions industrielles (Tesla) et le grand public (Spotify).» Il est difficile de prédire avec précision quand cette période de reconnaissance commencera. Avec des taux d'intérêt en pause et des événements mondiaux et politiques inquiétants, les investisseurs restentprudents.L'attraitdesactifsàcourt terme et moins risqués, tels que les fonds du marché monétaire et les obligations, est fort, mais pour les investisseurs ayant une vision à plus long terme, lesmarchés d'actions, et en particulier les actions de croissance, peuvent être attrayants. Dans le passé, les investisseurs auraient pu s'attendre à payer une prime pour la croissance,mais à l'heure actuelle (à l'ex- ception des Magnificent Seven), elle semble tentante et bonmarché. La crois- sance attendue des revenus et des béné- fices se compare favorablement à celle du marché, tandis que les valorisations sont inférieures ou conformes à la moyenne des actions. Les gestionnaires d'investissement de Baillie Gifford pensent donc qu'il est temps de monter dans le train de la croissance avant qu'il ne quitte la gare. Sauter à pieds joints sur le train de la croissance

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