Agefi Luxembourg - janvier 2025
Janvier 2025 11 AGEFI Luxembourg Economie / Banques Par Vincent MARQUIS, Tax Director & Cedric LEROY, Partner Regulatory & Compliance chez HACAPartners L a directive de l’Union euro- péenne 2011/16 du 15 février 2011 relative à la coopération adminis- trative dans le domaine fiscal éta- blit un cadre harmonisé répondant aux besoins des Etatsmembres enmatière d’assistancemutuelle dans le domaine fiscal et de coopé- ration administrative entre autorités fiscales. Cette direc- tive a étémodifiée par la di- rective 2021/514 du 22mars 2021 (ci-dessous «DAC7») et par la directive 2023/2226 du 17 octobre 2023 (ci- dessous «DAC8»). DAC 7 a été transposée au Luxembourg par la loi du 16 mai 2023, son objectif principal est d’intro- duire de nouvelles obligations à charge des opéra- teurs de plateforme numérique. En ce qui concerne DAC 8, son objectif principal est de prévoir un échange d’informations sur les cryptos-actifs. DAC 8n’apas encore été transposée auLuxembourg, ceci devant être fait pour la plupart de ses dispositions pour le 31 décembre 2025. A côté de ces objectifs principaux, DAC 7 et DAC 8 prévoient d’autresdispositions amendant ladirective 2014/107 du 9 décembre 2014 (ci-dessous «DAC 2») et, par voie de conséquence, elles modifient la loi luxembourgeoise du 18 décembre 2015 relative à la Norme Commune de Déclaration, mieux connue sous le nomdeCRS (ci-dessous «la loi CRS»). Nous avons repris ci-dessous certainesmodifications apportées à la loi CRS par DAC 7 et DAC 8, soit déjà effectives soit encore à venir, afin d’en résumer les conséquences pratiques pour les institutions finan- cières soumises àdes obligationsde reportingà l’Ad- ministration de Contributions Directes (ci-dessous «ACD») sur base de la loi CRS. DAC7 oblige les institutions financières à informer des personnes physiques du reportingCRS Suiteà la transpositiondeDAC7, l’article5§4de la loi CRSdisposeque «chaqueinstitutionfinancièredéclarante luxembourgeoise a l’obligation a) d’informer chaque per- sonne physique concernée que des informations la concer- nant seront recueillies et transférées (…) ; et b) de transmettre à chaque personne physique concernée toutes les informations auxquelles elle peut avoir accès (…) dans un délai suffisant pour lui permettre d’exercer ses droits en matière de protection des données (…).» Depuis le reporting CRS effectué en 2023, les institu- tions financières ont l’obligation d’informer les per- sonnes physiques devant faire l’objet d’une déclaration, i.e. les titulaires de comptes et les per- sonnes qui détiennent le contrôle d’une Entité Non- Financière Passive, qu’elles vont communiquer des informationslesconcernantàl’ACDsurbasedelaloi CRS.Lesinstitutionsfinancièresontdorénavantl’obli- gation d’informer ces personnes au moins une fois touslesans,ycomprisenl’absencedechangementde circonstances.Afinde respecter la conditiondu« délai suffisant », la pratique généralement admise est de considérer que l’information est à effectuer aumoins unmoisavantl’envoidureportingCRSàl’ACD,etce aumoyenducanal habituel de communicationentre l’institutionfinancière et ces personnes. En pratique, les informations qui doivent préalable- ment être notifiées auxpersonnes sont celles qui sont à communiquer à l’ACDdans le reportingCRS, à sa- voirlenom,l’adresse,lenumérod’identificationfiscal, le(s) pays de résidence fiscale de la personne au(x)quel(s) le reportingCRS sera communiqué ainsi que les catégories de revenus et gains perçus sur le compte. La personne doit également être informée qu’elle peut, sur demande, accéder aux informations financières détaillées par catégorie de revenu si elles nesontpascommuniquéesspontanémentparl’insti- tutionfinancière. Lesinstitutionsfinancièresdoiventdoncinclurecette étape supplémentaire dans leur processus de pro- duction annuel du reporting CRS ainsi que dans leurs procédures internes. Elles peuvent par ailleurs s’attendre à recevoir des questions de clients qui ne comprendraient pas la justification ou l’utilité de cette information annuelle (surtout en l’absence de changement de circonstances) et/oudemander à ac- céder à leurs informations pour, le cas échéant, les fairemodifier. DAC8 oblige les institutions financières à confirmer la validité des auto-certifications Pour se conformer àDAC8, la loiCRSdevraprévoir quechaqueinstitutionfinancièreaural’obligationde déclarer à l’ACD si une personne devant faire l’objet d’unedéclarationluiafourni« uneauto-certificationva- lide» . Les commentaires de l’OCDE publiés dès 2014 concernant CRS prévoyaient déjà cette obligation d’effectuer un test de vraisemblance des auto-certifi- cations «en s’appuyant sur les renseignements obtenus dans le cadre de l’ouverture du compte, y compris les docu- mentsrecueillisenapplicationdesprocéduresAML/KYC». Cetestdoitinclureunevérificationformelledel’auto- certification ainsi que la vérification de la cohérence des informations fourniesdans celle-ci auregarddes informations obtenues dans le cadre de la loi du 12 novembre 2004 relative à la lutte contre le blanchi- ment et contre le financement du terrorisme (ci-des- sous «loi AML»). Cette cohérence doit être présente à l’entrée en relation et maintenue jusqu’à sa clôture, avec une attention spécifique portée sur les consé- quences de changements de circonstance pouvant émailler la relation. Selon les mêmes commentaires de l’OCDE, uneinstitutionfinancièrepeutconsidérervrai- semblable une auto-certification dès lors « qu’elle ne pense pas oun’a pas de raisonde savoir quel’auto-certificationestinexacteoun’estpasfia- ble ». Une auto-certification qui échouerait au test de vraisemblance doit en revanche être considérée comme non-valide et une nou- velle doit être obtenue, cohérente au re- gard des autres informations dont dispose l’institution financière. L’obligation de vérifier la vali- dité des auto-certifications n’est donc pas nouvelle, la modifica- tion apportée par DAC 8 est d’obliger les institutions finan- cières à confirmer formellement leur validité à l’ACD dans le re- porting CRS. S’agissant des comptes ouverts postérieurement à l’entrée en vigueur de CRS, il est obligatoire d’ob- tenir à l’ouverture des comptes (et de la renouveler en cas de changement de circonstances) une auto- certificationayant franchi avec succès le test de vrai- semblance, et ce pour chaque personnedevant faire l’objet d’une déclarationCRS. Dès lors que l’ouver- ture de comptes a été validée par une institution fi- nancière, il semblepeuprobable qu’elle ne confirme pas la validité des auto-certifications reçues en re- lation avec ceux-ci. Il est cependant important que l’institutionfinancière puisse justifier sadécisionde considérer valide une auto-certification sur base de l’ensemble des informations qu’elle a reçues en conformité avec ses procédures internes d’ouver- ture de comptes. Cependant, dans certains cas, il pourrait être justifia- ble qu’une institution financière ne confirme pas la validité d’une auto-certification, par exemple si le ti- tulaire du compte est une société récemment consti- tuée ou bien en cas d’un changement de résidence dès lors que le numéro fiscal n’aurait pas encore été délivré à la date d’envoi du reporting. Dans de tels cas, unebonnepratique serait que l’institutionfinan- cière documente la ou les raisons qui l’aurait amené à indiquer que l’auto-certificationn’est pas valide car l’ACDpourrait utiliser cette informationpour inves- tiguer plus en détails et poser des questions supplé- mentaires à l’institution financière. DAC8 rappelle les interactions entreCRS etAML L’article premier 7) a) de DAC 8 complète la précé- denteversiondeladirectiveenprévoyantque« lesin- formations communiquées entre Etats membres [sur base deCRS] peuventservir(…)àlaluttecontreleblanchiment de capitaux et le financement du terrorisme .» Cette nou- velle référence à la lutte contre le blanchiment et le fi- nancement du terrorisme dans une directive sur l’échange d’informations fiscales met en évidence le rapprochement entre ces deux sujets. Ce rapprochement devrait se concrétiser à deux ni- veaux. Tout d’abord dans l’organisation interne des institutionsfinancières,quidoitluipermettredevéri- fier la cohérence d’ensemble ainsi que la validité, de fondet de forme, des informations obtenues sur base des lois CRS et AML. Ensuite, dans la coopération entrel’ACD(enchargeducontrôledesobligationsde diligence incombant aux institutions financières sur basedelaloiCRS)etlesrégulateursdusecteurfinan- cier,i.e.laCommissiondeSurveillanceduSecteurFi- nancieretleCommissariatAuxAssurances(encharge de vérifier que les institutions financières respectent leurs obligations dans le cadre de la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme). Aucuntexteneprévoyaitdecoopérationentrelesré- gulateursdusecteurfinancieretl’ACDjusqu’auvote de la loi du 20 décembre 2024 (entrée en vigueur au 27 décembre 2024). Une telle collaboration est à pré- sent prévue par le nouvel article 16ter introduit dans la loi du 19 décembre 2008 sur la coopération inter- administrative et judiciaire. Cet article prévoit que : «l’ACD transmet [aux régulateurs du secteur finan- cier] les informations recueillies dans le cadre de ses mis- sions de vérification en matière de FATCA et de CRS susceptiblesd’êtreutiles(…)pourassurerlerespect,parles entités pour lesquelles [ils sont] l’autorité compétente, des obligations professionnelles en matière de lutte contre le blanchiment (…).» Cette nouvelle coopération prendra donc la forme d’un échange spontané de la part de l’ACD des in- formationspermettantauxrégulateursdusecteurfi- nancier de cibler efficacement leurs contrôles des institutions financières en ce qui concerne leurs obli- gationsdeluttecontreleblanchiment.Cetarticle16ter introduit une exception à l’article 6 de la loi CRS qui prévoitquelesinformationsrecueilliesparl’ACDlors decontrôlesd’institutionsfinancièresnepeuventêtre utiliséesqu’auxfinsdel’applicationdelaloiCRSelle- même, mais pas pour lutter contre le blanchiment. Inversement, l’article16ter prévoit un échange spon- tanéd’informationsdesrégulateursdusecteurfinan- cier vers l’ACD dès lors qu’ils auraient recueilli des informationsdanslecadredeleurmissiondecontrôle susceptibles d’être utiles à l’ACDpour vérifier le res- pect de la loi CRSpar les institutions financières. Conclusion Cesévolutionsillustrentquelafrontièreentrelesobli- gations prévues par les lois AML et CRS est de plus enplus poreuse. Auniveaudesinstitutionsfinancières,laconvergence des législations devrait se traduire par une vigilance renforcée portée sur la cohérence et la validité des in- formations reçues sur base des lois CRS etAML afin de, notamment, pouvoir confirmer qu’une auto-cer- tification est valide. Les politiques internes et les pro- cédures opérationnelles en vigueur au sein des institutions financières pourraient le cas échéant être amenées à évoluer pour refléter cette évolution. Cette convergence devrait également se traduire par une collaboration plus régulière et efficace entre les différentesautoritésdecontrôle.Dansuncadredecol- laboration renforcée, ces autorités devraient disposer demoyensdecontrôlemieuxadaptésetplusefficaces sur les institutions financières, lesquelles seraient dès lors davantage soumises à un risque de sanction en casdemanquementàleursobligationsdécoulantdes loisCRS ouAML. Enfin, l’obligation d’informer annuellement les per- sonnes physiques du reportingCRS rajoute indénia- blement une charge administrative supplémentaire aux institutions financières. Cependant, elles pour- raient tirer avantagede cette obligation légale en rap- pelant régulièrement à leurs clients l’importance de fournirdesinformationsexhaustives,validesetàjour pourleurpermettredeproduireunreportingCRSde qualité. Il en va de l’intérêt partagé des clients et des institutions financières. DAC 7 et DAC 8 apportent des changements à l’échange automatique d’informations fiscales Andrei RADULESCU, Macroéconomiste, membre du Comité de Bretton Wood & Senior Researcher Institute d'Economiemondiale à Bucarest Mardi 4 février de 11h45 à 14h15 Conférence Cercle Ecofin Club au Cercle Munster ‘Ma vision pour transformer l'Europe’ PAF : 75 € TTC pp (Apéritif networking & Lunch 3 services compris) À verser sur le compte bancaire : BIC - GEBABEBB - IBANBE73 0015 4949 3760 – Réf. 04/02 Lieu : Cercle Munster : 5-7 rue Münster, L-2160 Luxembourg Parking : Saint Esprit ou service voiturier à partir de 12h (service payant 10€). Info club & devenir membre : www.ecofinclub.lu - didier.roelands@ecofinclub.lu
Made with FlippingBook
RkJQdWJsaXNoZXIy Nzk5MDI=