L
e marché unique de l’assu-
rance est arrivé à maturité
réglementaire avec la
transposition des directives
dites de troisième génération.
En effet, à partir de 1994, le
régime de licence unique a
permis aux entreprises
d’assurance agréées dans
un état membre, d’opérer
dans un autre état membre,
tant en régime d’établisse-
ment (succursale) qu’en régime
de Libre de Prestation de
Services («LPS»).
Luxembourg, unhub incontesté
pour l’industrie de l’assurance ?
La sortie du Royaume-Uni
de l’Union Européenne
remet en cause ce système
de licence unique, tel que
décrit ci-dessus.
Dans ce cadre, de nombreux
groupes d’assurance qui opéraient dans
les différents pays membres depuis leur
quartier général au Royaume-Uni à travers
des succursales ont dû revoir leur business
model.
En pratique, cette revue du business model
s’est traduite d’une part en une relocalisation
du quartier général dans un pays membre
afin de bénéficier du système de licence
unique, et d’autre part du transfert des acti-
vités localisées, historiquement dans les suc-
cursales, de leur quartier général au
Royaume-Uni, vers les succursales nouvelle-
ment créées.
Dublin, de par sa proximité géographique,
linguistique et surtout la présence d’implan-
tations historiques antérieures au Brexit, a
semble-t-il attiré le plus d’assureurs (14
licences). Néanmoins, 12 assureurs ont choi-
si le Luxembourg pour redéployer leurs acti-
vités européennes, bien loin devant les
autres capitales européennes, et nous pou-
vons nous attendre encore à l’arrivée de
quelques retardataires.
En effet, l’écosystème assurance/réassurance
développé dans une perspective transfronta-
lière, doublé d’un régulateur dédié à l’indus-
trie de l’assurance et à l’écoute des assureurs,
ont été déterminants dans le choix de nom-
breux acteurs (assureurs et intermédiaires),
bien que notre cadre fiscal soit bien moins
attrayant que celui de Dublin.
Après cette première phase de (re)domicilia-
tion des activités dominée par des probléma-
tiques juridiques (création de la nouvelle
filiale/changement de siège social, transfert
de portefeuilles, création de succursales, etc.)
et fiscales (essentiellement au niveau des
succursales), les assureurs issus du Brexit
rentrent dans la phase d’opérationnalisation
(gouvernance, comptabilité statutaire, régle-
mentation locale, etc.).
Si la majorité de la réglementation relève de
directives et de règlements européens,
demeure toujours un socle réglementaire
local résultant notamment d’options prévues
par la réglementation européenne, ou encore
de pratique de supervision (triangle de sécu-
rité, rapport distinct, etc.). Par ailleurs, cer-
tains assureurs bénéficiaient d’exemptions
au Royaume-Uni compte tenu de leurs
tailles/risques souscrits qui ne sont plus
applicables au Luxembourg au regard de la
taille moyenne des entreprises historique-
ment établies au Grand-Duché.
Quels impacts pour les entreprises
d’assurance luxembourgeoises
opérants au Royaume-Uni ?
La sortie du Royaume-Uni de l’Union
Européenne remet également en cause le
système de licence unique qui per-
met aux entreprises agréées au
Luxembourg d’opérer en
Libre Prestations de Services
au Royaume Uni ou en régi-
me d’établissement.
Au 31 décembre 2017, les
entreprises d’assurance
vie luxembourgeoises
totalisaient des provi-
sions techniques reflé-
tant des engagements vis-
à-vis de résidents au
Royaume-Uni pour un mon-
tant de 8,9 milliards d’euros
et un encaissement de
1.6 milliard d’euros,
en forte hausse par
rapport aux exer-
cices
précé-
dents pour les-
quels l’encais-
sement moyen
sur les trois der-
nières années se
situaient histo-
r i q u e m e n t
autour de 650 millions
d’euros.
Ces chiffres sont potentiellement trompeurs
au regard de l’itinérance fiscal entre le
Royaume-Uni et la France ou le Portugal.
Durant l’exercice 2017, les entreprises d’assu-
rance non-vie luxembourgeoises présen-
taient un encaissement de l’ordre de 295 mil-
lions d’euros en ligne avec les exercices
précédents.
Si les contrats d’assurance non-vie sont géné-
ralement souscrits sur une base annuelle, il
n’en va de même pour les contrats d’assu-
rance vie qui sont pour la plupart des
contrats pluriannuels ou basés sur la vie
entière du preneur/assuré.
De plus, ces contrats d’assurance vie ne sont
généralement pas résiliables du propre chef
de l’assureur qui se doit de respecter les
conditions générales des contrats jusqu’aux
termes de ces derniers ou à la demande de
rachat émanant des preneurs.
Dans ce cadre, dès 2017, l’autorité pruden-
tielle britannique (la «Prudential Regulation
Authority», ou «PRA») procédait à une
consultation auprès des entreprises d’assu-
rance vie opérant en LPS au Royaume-Uni.
La PRA proposait essentiellement deux
modèles (succursale versus filiale) condi-
tionnés au montant des provisions tech-
niques.
Ainsi, une entreprise d’assurance vie pour-
rait continuer à opérer au Royaume-Uni à
travers une succursale sous réserve que ses
provisions techniques soient inférieures à
200 millions de livres, à contrario elle devrait
constituer une filiale au Royaume-Uni.
Au terme de cette consultation, en mars 2018,
le PRA publiait une politique (PS4/18) qui
reprenait en substance les termes de la
consultation (succursale versus filiale) hor-
mis le seuil de 200 millions de livres en le
portant à 500 millions de livres. Si actuelle-
ment cette réglementation ne s’applique
qu’aux assureurs des pays tiers, elle préfigu-
re, en cas de «hard Brexit», la réglementation
qui s’appliquerait aux assureurs vie luxem-
bourgeois qui présentent des engagements
substantiels vis-à-vis de preneurs d’assuran-
ce résidant au Royaume-Uni.
L’application de cette politique devrait ame-
ner certains assureurs luxembourgeois à
reconsidérer leur modèle opérationnel au
regard des coûts générés par une succursale,
et plus encore par une filiale, et envisager
potentiellement la cession de leurs porte-
feuilles à des assureurs établis au Royaume-
Uni ou dans ses «dépendances» (île de Man,
Guernesey, etc.) qui bénéficient du passeport
au Royaume-Uni.
Quels impacts pour les entreprises
d’assurance historiques ?
Dans un premier temps, l’arrivée de ces nou-
veaux acteurs ne devrait pas avoir d’impact
sur le marché local, sachant que certains
assureurs issus du Brexit étaient déjà actifs à
travers leurs succursales ou dans le cadre de
la Libre Prestation de Services. En effet, il va
sans dire que la taille du marché local, en
particulier en assurance individuelle, n’a pas
été déterminante dans le choix du
Luxembourg ou de l’Irlande pour les nou-
veaux acteurs. Néanmoins, on peut s’at-
tendre à une plus grande concurrence pour
les risques «entreprises» dans les prochaines
années.
Par ailleurs, le recrutement de ressources
locales par ces nouveaux acteurs génère une
inflation des salaires des profils expérimentés
en assurance non-vie en particulier en ce qui
concerne les fonctions de gouvernance.
Parallèlement à l’arrivée d’entreprises d’as-
surance non-vie, nous assistons également à
la redomiciliation d’intermédiaires d’assu-
rance sous la forme d’agence d’assurance ou
de société de courtage qui bénéficient égale-
ment d’un régime de Liberté d’établisse-
ment/de Prestation de Services similaires
aux entreprises d’assurance.
Enfin, les contrats de réassurance souscrits
par des entreprises d’assurance luxembour-
geoises auprès de réassureurs londoniens ne
devraient pas être affectés post-Brexit comp-
te tenu de l’équivalence totale du régime
prudentiel appliqué au Royaume-Uni
(Solvabilité II).
En conclusion, le Brexit confirme le position-
nement du Luxembourg comme hub
européen de l’assurance/réassurance trans-
frontalière. Ce positionnement nécessitera
des investissements publics et privés en
matière de formation et de recrutement. En
effet, les modèles opérationnels mis en
œuvre sont relativement complexes et sur-
tout décentralisés, nécessitant une adapta-
tion des approches en termes de gouvernan-
ce et de supervision.
Les impacts économiques de la relocalisation
d’assureurs non-vie au Luxembourg sont
encore relativement faibles, mais comme nous
avons pu l’observer dans des situations simi-
laires, après une première phase «d’installa-
tion», on assiste généralement à une phase de
«développement» à partir de Luxembourg
générant ainsi des retombées économiques.
Thierry FLAMAND,
Partner et Insurance Leader
Deloitte Luxembourg
I
AGEFI Luxembourg
SPECIAL ASSURANCES
Juillet / Août 2019
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Le Brexit : opportunités et menaces