Agefi Luxembourg - décembre 2025
Décembre 2025 39 AGEFI Luxembourg Droit / Emploi Par M e Ariane CLAVERIE, Partner & M e AnaïsPHILIPP,Associate,avocatesàlaCour, CASTEGNARO– Ius Laboris Luxembourg L e 4 décembre 2025 (1) , leTribu- nal du travail luxembour- geois a renduun jugement confirmant sa position antérieure sur la questionde la requalification - ounon - d’une relation contrac- tuelle entre un livreur de plate- forme et une société de livraison en un contrat de travail salarié. Cette décision fait suite à une première analyse similaire enmai 2025 (2) , où le tribunal avait déjà rejeté la recon- naissance d’une relationde travail subordonnée entre un livreur et une société de livraisonde repas. Les faits Les deux affaires concernent des livreurs ayantsuccessivementsignédeuxcontrats de prestation de services, en tant que tra- vailleursindépendants,avecdeuxsociétés distinctes, désignées ici par les sociétésA et B. L’objet de ces contrats était la livrai- son de repas à des clients ayant effectué des commandes via une applicationmo- bile ou un site en ligne, gérés par une so- ciété tierce (Société C). Les livreurs acceptaient les missions via l’application mobile de la Société C, et pouvaient,encasdeproblèmesliésàl’uti- lisation de l’application ou à la livraison, contacter cette dernière via Telegram. Ils pouvaient aussi s’adresser aux sociétésA et Bpar email pour toute réclamation liée à l’exécution de leurs contrats. Danslalignéedupremierjugementrendu endatedu8mai2025,letribunaldutravail vient d’appliquer une analyse similaire, suite au recours d’un autre livreur qui ré- clamait également la requalification de sa relation contractuelle en contrat de travail salarié,invoquantnotammentlecaractère subordonné de la relation. Comment est vérifiée l’existence d’un liende subordination ? Le Tribunal a rappelé qu’il n’était pas lié par la qualification faites par les parties et que l’existenced’une relationde travail salarié ne dépend pas uniquement des termes et désignations des contrats,mais également des conditions réelles dans lesquelles l’activité est exercée. Le fait que les contrats passés entre les parties soient respectivement dénommés « Contrat de services de livraison » et «Accord sur les services de livraison » n’empêchait donc pas le travailleur de tenter de démontrer qu’il s’agissait, selon cedernier, en réalité d’un contrat de travail. Cependant, pour ce faire, leprestatairede livraisonsauraitdûrapporterlapreuvede l’existence d’un lien de subordination, c’est-à-dire l’exécution d’un travail sous l’autoritéd’unemployeurquialepouvoir dedonnerdesordresetdesdirectives,d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements d’un subordonné. Or, le prestatairede livraisonsn’apas apporté la preuve de ces éléments. LeTribunaldutravailaainsi,unenouvelle fois, jugé qu’il n’existait pas de relation de travail subordonnée entre les parties. Il s’est de ce fait déclaré incompétent ratione materiae pour examiner les demandes du livreur,étantdonnéqueletribunaldutra- vail n’est compétent qu’en matière de contratsdetravail.Cetteconclusionrepose sur une analyse approfondiedeplusieurs éléments factuels et contractuels : a. Les éléments en faveur de l’indé- pendance ParmilesélémentsretenusparleTribunal, plusieursindicestendentàdémontrerque lelivreuragissaitentantqu’indépendant: - Contrats de prestation de services : Les conventions signées par les parties stipu- laient clairement qu’il s’agissait de presta- tions de service et non d’une relation salariale, avec lamention expresse qu’au- cunliendesubordinationn’existait.Ilpré- voyait des garanties et reconnaissances, des responsabilités, ainsi que desmodali- tés de résiliation propres aux contrats de prestationde service. -Facturationetrémunérationvariable:Le livreur était payé sur base des factures hebdomadaires et en fonction des livrai- sons effectuées. - Indépendance fiscale : Le livreur dispo- sait de son propre numéro de TVA et elle était appliquée sur lesmontants facturés. - Autorisation d’établissement : Le livreur avait entamé les démarches nécessaires pour obtenir une autorisation d’établisse- ment (au cours de l’exécution du premier contrat), qui lui avait été délivrée rapide- ment. Cette autorisation portait sur le transport national de marchandises par route avec des véhicules de moins de 3,5 tonnes (donc directement liées aux activi- tés de livraison de repas). Il était donc, au plus tard lors de la conclusion du second contrat,conscientdelanaturedesrelations contractuelles. - Autonomie dans l’organisation du tra- vail:Iln’yavaitpasdecontrainteshoraires, ni d’impositiond’une durée de travail. Le livreur choisissait librement ses jours de travail et de congés, ainsi que leur durée. -Absenced’exclusivité:leprestatairedeli- vraisons n’était soumis à aucune obliga- tiongénérale d’exclusivité. -Libertéd’acceptationdesmissions:Leli- vreur pouvait choisir de se mettre hors ligne à tout moment, y compris pendant les créneaux horaires où il avait initiale- ment accepté de prester ses services. -Choixdansl’organisationdeshorairesde travail, lieux de travail, périodes d’inacti- vité : le prestataire de livraisons était libre dechoisirlescréneauxhorairesetleszones de livraison où il entendait livrer.Aucune durée de travail ne lui était imposée ; il avaitlapossibilitédefixerseulsespériodes d’inactivité oude congés et leur durée. -Matériel et responsabilités propres : Le livreur utilisait son propre matériel et était responsable des charges associées à celui-ci. - Comportement du prestataire de livrai- sons:letravailleurs’étaitlui-mêmequalifié comme indépendant, et s’était comporté comme tel. b.Lesélémentsquinepermettentpasde conclure à une relation subordonnée Le Tribunal a également analysé certains éléments soulevés par le demandeur, qui selon ce dernier suggéraient une relation de travail salarié, mais qui, en réalité, même pris dans leur ensemble, ne suffi- sent pas à établir une subordination. Ces éléments incluent : - Obligation de télécharger une applica- tion pour livreur : L’obligation d’utiliser une application pour effectuer les mis- sionsn’estpasunsignedesubordination, maisune conditionnécessaireà l’exercice de l’activité dans le cadre de l’accord contractuel. - Géolocalisation et zones de livraison : La géolocalisation était conçue unique- ment pour l’information des restaura- teurs et clients quant à l’avancement de la livraison, et non pour contrôler l’exé- cution des tâches. - Modalités de récupération des com- mandes et acceptation des missions : ces modalitéss’appuyaientsurl’utilisationde l’application, mais cela était une règle technique liée à l’organisationde la pres- tation de service, et non un signe de su- bordination. - Auto-facturation et bonus incitatifs : Le fait que les prestataires de livraison pou- vaient bénéficier d’une facturationprépa- rée par les sociétés n’était pas un élément pertinent pour déterminer s’il existe un liende subordination. Par ailleurs, lamise en place d’un bonus incitatif commercial, mis en place afin de fidéliser les livreurs indépendants et les encourager à prester les shifts au cours desquels la demande étaitlaplusforte,neremettaitpasencause l’indépendance du livreur, le bonus étant facultatifetnoncontractuellementimposé. La Directive européenne était-elle applicable ? Enfin,leTribunalarappeléqu’àdéfautde transposition de la Directive européenne relative à l’amélioration des conditions de travail dans le cadre des plateformes (3) , l’analysedesrelationscontractuellesdevait êtreeffectuéesurlabasedesélémentsfac- tuelsdudossieretnonenvertudelalégis- lation européenne non encore transposée endroit luxembourgeois. Conclusion Par ses deux jugements, le Tribunal du travail luxembourgeois a réaffirmé que les livreurs opérant sur des plateformes de livraison ne sont pas des salariés, mais des travailleurs indépendants, lorsqu’aucun lien de subordination, ca- ractéristique essentielled’une relationde travail salarié, n’existe avec leur contrac- tant ou l’entreprise qui gère la plate- forme. Dans ces affaires, les éléments factuels analysés ont confirmé que les li- vreurs exerçaient leur activité dans un cadre d’indépendance. Ainsi, les de- mandes de requalification en contrat de travail ne pouvaient qu’être rejetées. 1)Tribunaldutravail,4décembre2025,n°L-TRAV- 833/24durôle. 2)Tribunaldutravail,8mai2025,n°L-TRAV-450/23 etL-TRAV-834/24durôle. 3)Directive(UE)2024/2831duParlementeuropéen etduConseildu23octobre2024relativeàl’amélio- rationdesconditionsdetravaildanslecadredutra- vail via une plateforme ( JOUE, L, 2024/2831, 11.11.2024 ). Les États membres doivent mettre en vigueurlesdispositionslégislatives,réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer àcettedirectiveauplustardle2décembre2026. Décision du Tribunal du travail luxembourgeois Travailleurs de plateforme : Travailleurs indépendants By Courtney CHARLTON, Founder | Head of Executive&PermanentRecruitment,Greenfield WhatWe’reSeeingandWhereWe’reHeaded T he past three years have resha- pedLuxembourg’s talent land- scape inways fewanticipated. After a deep freeze in 2023 and a tenta- tive recovery in 2024, themarket in 2025 has regainedmomentum, but in a farmore deliberate and controlledmanner.Across the financial sector, senior leaders tell us the same thing: hiring has returned, but the urgency has not. The era of rapid-fire offers and aggressive competi- tionhas givenway to amore selective market where organisations focus on indivi- dualswho genuinely influence outcomes. AMarket of Peaks andPauses AccordingtoGreenfield’sinternalvacancydata,new mandatesincreasedby29percentversus2024,witha strong spring intake and healthy movement across mid-level finance, governance and legal roles. Yet ac- tivitythroughouttheyearwasinconsistent.Periodsof rapid hiring were often followed by quieter weeks, and the summer slowdown was more pronounced thanusual.Formany,2025feltlikeayearofpeaksand pauses rather than a steady recovery. Despite solid macro performance, confidence across the sector remains cautious. Liquidity constraints, sovereigndebt discussions andgeopolitical concerns continue toweighondecision-making.As one bank- ing executive put it, “We keep waiting for the music to stop, but it keeps playing.” Mid-Level Talent Thrives While SeniorHiringTightens One of the clearest patterns of 2025 is the widening gapbetweenmid-levelandseniorhiring.Demandfor professionalsinthe€80,000to€120,000rangehas been robust. Processesmove relatively quickly and candidates at this level often have several options. Senior hiring, however, has slowed dramatically. Luxembourg nowhas an oversupply of highly capable senior professionals –manyofwhom built their careers during the industry’s rapid expansion between 2011 and 2022. These individuals now face longer searches and, in many cases, must recalibrate com- pensation expectations to se- cure their next role. HowPermanent Hiring Is Evolving Recruitment remains active, but expectations have risen. Firms are clearer about what “good” looks like and are more willing to wait for the right profile. Every new role now requires a strategic justification. Leaders want to understand not only the responsibilities, but the long-termvalue the role delivers. At the same time, processeshavebecome longer and more layered. This added scrutiny does, however, come with risk: strong candidates still move fast, and employers who delay decisions often lose out. Compensation has also normalised. The inflated salary jumps of 2021–2022 have faded, with in- creases stabilising around 7 to 15 percent. Senior professionalspreviouslyearningabove €200,000 are often accepting roles closer to €150,000 as part of their re-entry strategy. TheDominance of InterimTalent Interimand on-demand solutionswere the standout successstoryof2025.Organisationsusedinterimpro- fessionalstomaintainoperationalcontinuity,navigate transformation and cover key roles with confidence. This demand is strengthenedby the rise ofAI-driven tools,whicharepromptingmanyfirmstorethinkthe size and structure of their internal recruitment teams. Ascompaniestestautomationinscreeningandinter- viewing, they aremore hesitant to commit toperma- nent hiring until the long-term impact is clearer. For senior professionals, interimwork has shifted froma fallback option to a deliberate and attractive career path.Theyvalueindependence,varietyandtheability todeliverimpactquickly.Evenorganisationsthathis- torically resisted contractors now view interim sup- port as essential for managing capability gaps and periods of change. AMarket Short of Fit, Not Supply Luxembourgisoftendescribedastalent-short,yetthe seniorendofthemarketshowsadifferentreality.The challenge is not finding candidates, but finding the right ones. Employers increasingly want individuals who showcommercial thinking, operational breadth and adaptability. Many senior candidates have not fully transitioned to these expectations, creating a paradoxwhere supply is highbut alignment is low. At the same time, competition formid-level talent re- mains intense. Professionalswith two tofive years of classical training and strong technical foundations continue to be the most sought-after profiles in the market. Specialist roles are also in short supply–par- ticularly fund-of-funds portfolio managers, gover- nance specialists, transactional legal profiles and investment-adjacent roles. These positions require deeper searchprocesses andmore compellingnarra- tives to engage suitable talent. HowOrganisationsAreResponding Anumber of firms are leaningmore heavily on in- ternal mobility, particularly for complex or techni- cal roles. The institutional knowledge required is often too significant for external candidates to bridge quickly, making internal redeployment an effective choice. Private equity firms, for example, are bringing more legal work in-house. This raises the technical bar for newhires and increases the demand for in- dividuals capable of owning processes and exer- cising sound judgement. At the same time, several global managers are reassessing Luxembourg’s role in their operating models. The jurisdiction is nowexpected to demonstrate value-creation capa- bilities, not just governance excellence. SectorsMoving andSectors Slowing Demand has been strongest in funds, asset manage- ment andcorporate and fundservices. Private equity andhedgefundsarehiringselectively–roleshereare fewer, but they progress quickly due towell-defined standards. Bankingremainssubdued,recordingoneofitslowest activitylevelsinrecentyears.However,regulatoryde- velopments such as CRDVImay stimulate renewed demand in 2026. What Clients Expect fromSearchPartners Clientsareincreasinglyclearaboutthetypeofsupport theywant. Transactional CV forwarding is no longer acceptable. They expect true search methodology: market mapping, structured reporting and clear evi- dence that themarket has beenproperly covered. They also value partners who can articulate the broader narrative arounda role – itspurpose, succes- sion planning, cultural alignment and long-term fit. And above all, they want search firms that demon- strate energy, precision and ownership throughout the process. LookingAhead to 2026 There is good reason for optimism: candidate flow ishealthy,mid-level hiring remains strongandcom- pensation stability is returning confidence to both sides of themarket. Senior hiring is slowly improv- ing and bankingmay see renewed activity as regu- latory drivers takes effect. But caution remains appropriate.Macrouncertainty persists, sovereign debt concerns are unresolved andAI-driven restructuring is still at an early stage. Much of the market’s activity continues to be re- placement-driven rather than expansion-led. The oversupply at senior level may take years to correct – if it corrects at all. Overall, 2026 is likely to bring steady but measured improvement. Employers who act decisively, plan strategically and adapt to structural changes will be best positioned to secure the talent theyneed. Achanging talent market in Luxembourg ©Freepik
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