AGEFI Luxembourg - mai 2025
AGEFI Luxembourg 28 Mai 2025 Fonds d’investissement Par Enguerrand ARTAZ, Stratégiste, LFDE - La Financière de l’Échiquier L e 2 avril dernier, Donald Trump tenait son tant attendu « LiberationDay » et, tableau cartonné à l’appui, dévoilait des droits de douanes « réciproques » exorbi- tants à l’encontre de l’ensem- ble de ses partenaires commerciaux. Les marchés financiers plongeaient dans le sillage de ces annonces qui mena- çaient de balayer l’équilibre commercialmondial.Unmois plus tard, lorsque l’on regarde les marchés actions américains, c’est comme si cet épisode n’avait jamais existé. Le S&P 500 a quasiment effacé l’intégralité de sabaisse et leNasdaqestmêmeplushaut que sa clô- ture du 2 avril. La raison à cet optimisme des marchés tient en une phrase : « le pire est passé ». Il faut dire que depuisleLiberationDay,lesrevirementsdeDo- nald Trump ont été nombreux : pause de 90 jourssurlesdroitsdedouanesréciproquespour touslespays,exceptélaChine,exemptiontem- porairepour lesproduits électroniques, aména- gements pour l’industrie automobile... Surtout, l’administration américaine a, depuis plusieurs semaines, sensible- ment adouci son discours envers la Chine,seulpayssubissantencoreles tarifsréciproquesetàavoirrépliqué coup pour coup aux attaques amé- ricaines. De ce point de vue, et bien qu’il faille prendre mille précautions lorsque l’on essaie d’anticiper la géo- politique,afortiorilorsqu’elleestmenée par Donald Trump, on peut considérer que le pic de l’escalade a été atteint et dépassé. Pourautant,etcontrairementaumessageenvoyépar lesmarchés, nous sommes bien loind’être revenus à la situation d’avant le 2 avril. Malgré les diverses pauses et exemptions, les droits de douane moyens aux États-Unis dépassent à présent les 20%, contre 2,4%en2024.PendantqueScottBessent,leSecrétaire auTrésor,annoncedescentainesdediscussionsentre les États-Unis et ses partenaires commerciaux, et mêmesidesaccordsdeprincipepourraientêtreplus rapides, une étude d’Apollo Global Management [1] nousrappellequelesaccordscommerciauxprennent du temps : 18 mois en moyenne pour les accords conclus par les États-Unis ces dernières décennies. Pendant ce temps, les acteurs économiques, entre- prisesentête,restentdanslefloulepluscomplet,avec des conséquences très concrètes à la clé. Les réserva- tions de cargos naviguant entre la Chine et les États- Unisontchutéde40%parrapportàl’annéedernière. Malgrélesstocksimportantsconstituésenprévision, les grandes enseignes de distribution, comme Wal- martouTarget,constatentunrisqueimportantdepé- nuries à court terme. Et, en témoignent toutes les enquêtes menées auprès des entreprises, leur confianceestenchutelibre;toutcommecelledesmé- nages, qui s’inquiètent des conséquences tant sur les prixquesurl’emploi...etontcommencéàrestreindre leursdépensesdiscrétionnaires,notammentdeloisir, commel’illustrelabaissemarquéedelafréquentation des restaurants. Ainsi,silesmarchésfinanciersont«acheté»lafinde l’escalade, nous sommes pour autant très loin d’un retour à la normale. D’une part, tous les actifs n’ont pas suivi la trajectoire desmarchés actions. Le dollar esttoujoursnettementplusbasqu’avantleLiberation Day et l’or, bien plus haut. D’autre part, quand bien mêmeDonald Trump reviendrait en arrière sur l’es- sentiel de ses annonces, des dégâts réels ont déjà été causés à l’économie et chaque jour qui passe avec les tarifs douaniers en place en cause de nouveaux. Le président américain est adepte de l’expérimentation politiqueetdelastratégiedu«ballond’essai».Ilsem- ble toutefois avoir oublié, et les marchés avec lui, un point essentiel : les dégâts économiques d’une poli- tique erratique ne s’annulent pas aussi facilement qu’un décret présidentiel. [1] The Daily Spark – Trade Negotiations Take Time, 20/04/2025. Déjà libérés du Liberation Day ? Par Prof. Dr. Jan VIEBIG, Chief Investment Officer, ODDOBHF SE L es marchés reprennent leur souf- fle après les montagnes russes du mois d’avril. Depuis quelques jours, les déclarations émanant de la Maison Blanche sont en apparence moins extrêmes : le président concède que les droits de douane sur les produits chinois sont très impor- tants, tout en affirmant qu’ils ne resteront pas à ce niveau et que des réductions conséquentes sont à attendre. Par ailleurs, s’il veut voir laRé- serve fédérale opter pour une politique monétaire plus « active », il n’a pas l’inten- tionde limoger sondirecteur, Jerome Powell. Mais il ne faut pas vendre la peau de l’ours avant de l’avoirtué,commeditleproverbe.Sil’administration américaine décide de revoir en partie sa copie en matière de s politique commerciale et s’abstient de faire pression sur la Fed pour le moment, le niveau de risque reste important, tant pour l’économie amé- ricaine que pour le reste dumonde. Dans ce contexte, le Fondsmonétaire international a revusesprévisionsdecroissanceàlabaisse.Lesincer- titudes politiques et économiques persistent, ce qui pèse sur l’activité économique et les marchés finan- ciers. Les investisseurs américains – mais surtout les investisseurs étrangers – sont désormais méfiants. La volatilité et les sautes d’hu- meur de Trump sont notoires. Il sera très difficile pour le président de reconstruire la confianceperdue. Lesplans budgétaires actuellement en négociation au sein du Congrès ainsi que l’expansion certaine de la dette publique américaine présentent des risques supplémentaires. Lanouvellepolitiquetarifairede l’administration Trump a créé un vague d’incertitude sur les marchés financiers. Les acteurs du marché anticipaient une hausse moyenne des droits de douane américains de 3%à 14% ; or les taxes à l’importation annon- cées par Trump le 2 avril 2025 sont de 23%enmoyenne, unniveau sans pré- cédent, provoquant une onde de choc sur les mar- chés.Enréponseàcettepolitiquepourlemoinsradi- cale, les principales banques d’investissement amé- ricaines ont considérablement revu à la baisse leurs prévisions pour l’indice S&P 500 à fin 2025. Les prises de décisions intempestives du président Trumpcontinuerontsansdouted’alimenterceclimat d’incertitude. Nous gardons toujours à l’esprit cette maxime Warren Buffett : « Soyez avide lorsque les autres sont craintifs et craintif lorsque les autres sont avides.»End’autrestermes,c’estlorsquelesmarchés sont particulièrement volatils qu’il faut saisir les opportunités.Enpériodedefortevolatilité,nouscher- chons donc à investir dans des sociétés de qualité dontlesactionssenégocientàunprixinférieuràleur valeur intrinsèque. L’indicedevolatilitéVIXétabli par leChicagoBoard Options Exchange (CBOE) permet de mesurer le niveaudepeur sur lesmarchésfinanciers sur labase de la volatilité implicite des options sur le S&P 500. Depuis la création de cet indicateur au début des années 1990, la volatilité moyenne est de 19,5 avec unécarttypede7,8.Enavril2025,l’indices’estenvolé au-dessus de 50. Une hausse de cette envergure est exceptionnelle et ne s’est produit qu’à troisoccasions depuis 1990 : lors de la crise financière de 2008-2009, lors de la pandémie de Covid-19 en 2020 et en avril 2025 suite l’annonce de la politique tarifaire de Trump. Un score de 50 reflète le sentiment de panique qui gagne les investisseurs. En plus d’une hausse de la volatilité, une baisse du cours moyen des actions de plus de 10% sur deux jours constitue un autre indicateur important de la peur. En ce qui concerne l’indice S&P 500, desmou- vements de cette ampleur se sont produits à quelques reprises seulement depuis le début des années 1950 : en octobre 1987 (« Lundi Noir »), en novembre 2008, lors de la crise financièremondiale, et enmars 2020, audébut de la pandémie. Le décro- chage boursier des premiers jours d’avril 2025 en réaction aux droits de douane annoncés par Trump est donc tout sauf anodin : selon nos calculs, une baisse de cette ampleur n’est survenue que six fois au cours des 75 dernières années. Un investisseur qui aurait acheté des actions le deuxième jour d’un décrochage de 10% sur deux jours aurait bénéficié de rendements supérieurs à la moyenne – parfois de beaucoup – sur les 12 mois quisuivent,mêmedansuncontextedefaiblesseper- sistante des marchés boursiers. Il en va de même pour les périodes de volatilité extrême (VIX > 50). Avec l’exception des jours suivant le déclenchement de la crise financière en octobre 2008, nos calculs indiquent que notre investisseur imaginaire aurait régulièrement bénéficié d’un taux de rendement à deux chiffres sur 12 mois, et très souvent dans le haut de la fourchette. Le VIX dépasse fréquemment le score de 30. Il ne faut pas oublier que de tels épisodes de volatilité accrue sont accompagnés de risques importants. Toutefois, si notre investisseur avait systématique- ment acheté le S&P 500 tous les jours où l’indiceVIX dépassait 30, selon nos calculs, le rendement de son investissement sur 12 mois aurait été en moyenne deux fois plus élevé que la moyenne de toutes les périodes de 12mois depuis 1990. Mais toute généralisation est à prendre avec pru- dence.Lesperformancespasséesnesontpasunindi- cateurfiabledesperformancesfuturesetlespériodes de volatilité extrême présentent souvent des risques importants.Deplus,laperformancesur12moisn’est sans doute pas l’indicateur le plus pertinent dans notre cas, dans la mesure où nous privilégions un horizon beaucoupplus long. Néanmoins les conclusions ci-dessus tendent àdon- ner raison à Warren Buffet : les investisseurs à long termeont tout àgagner àacheterdes actions lorsque lamajoritéprendpeur.Nous avonsd’ailleursprofité des journées chahutées du mois d’avril pour effec- tuer nos premiers achats d’actions. Si le marché devait ànouveaus’effondrerdemanière importante et la volatilité remonter en flèche, nous profiterions de la baisse des prix pour acheter des actions d’en- treprises de qualité dans le but de les conserver sur le long terme. Acheter quand les autres ont peur L’économie bleue : 3%du PIBmondial, 11%de la pollutionglobale ParAndrei RADULESCU, Macroéconomiste À la findumois d’avril, j’ai présenté un exposé sur le thème L’économie bleue – perspectives, défis et opportunités, lors de l’ouver- ture d’un événement à Monaco, enprésence du PrinceAlbert II. Dans un contexte international caractérisé par de multiples défis etunniveaud’incertitudesanspré- cédent, la mer – grande unificatrice –peutdevenirleseulespoirdel’hu- manité, comme l’affirmait l’océano- graphe français Jacques-YvesCousteau. L’économie bleue joue un rôle fondamental dans le circuitéconomiquemondial,représentantunvecteur de lamondialisation, dans lamesure oùplus de 80% dutransportinternationaldemarchandisess’effectue par voie maritime, et 98% du trafic Internet interna- tional passepardes câbles sous-marins, selon les esti- mationsde l’Organisationde coopérationet dedéve- loppementéconomiques(OCDE).Ellecontribueéga- lement à la sécurité alimentairedeplus de 3milliards depersonnes dans lemonde. Enoutre, lesmers et les océans couvrent 71% de la surface de la planète, constituent 90% de la biosphère et génèrent plus de 50% de l’oxygène présent dans l’atmo- sphère, selon les données des Nations Unies. Globalement, l’activité écono- miquebleuereprésentaitentre3%et4% du PIB mondial entre 1995 et 2020. Si elle était considérée comme un pays, l’économie bleue se serait classée parmi les cinq plus grandes économies mon- dialesen2019,selonl’OCDE.Parailleurs, les estimations de l’organisation internationale basée à Paris indiquent que la valeur ajoutéebrutedel’économie marine a augmenté à un rythmemoyenannuelde 2,8%entre 1995 et 2020, passant de 1.300 mil- liards de dollars à 2.600 milliards de dollars. Le tourisme maritime et côtier est la branche ayant la plus forte contribution à la valeur ajoutée brute de l’économie bleue, avec plus de 40% pour la période 2015-2019, selon l’OCDE. En deuxième position se trouvent l’extraction de pétrole et de gaz naturelainsiquel’industrieoffshore,avecunecontri- bution d’environ 32% à l’économie bleue dans la secondemoitiéde ladernièredécennie. Les activités de transport maritime et portuaire n’ont représenté que 12% de l’économie bleue mondiale durant la période 2015-2019. L’impact socio-économique des mers et des océans est toutefois beaucoup plus important, selon les estimations de Statista, repré- sentées dans le graphique. Par exemple, les activités économiques des zones côtières ainsi que le commerce et le transport mari- time ont eu un impact socio-économique estimé à 7,8 milliers de milliards de dollars, respectivement 5,2 milliers de milliards de dollars en 2020, année marquée par la pandémie. Dans ce contexte, il convient de souligner que le volume du transport maritime de marchandises en conteneurs est passé de 0,1 milliard de tonnes en 1980 à 0,2 milliard de tonnesen1990,puisà2,2milliardsdetonnesen2023, selon les estimations de Statista. Parmilesdéfisauxquelsl’économiebleueestconfron- tée figurent ceux liés à la productivité et à la durabi- lité. Ainsi, les analyses récentes des experts de l’OCDE attirent l’attention sur la détérioration de la productivité multifactorielle dans l’écono- mie bleue entre 1995 et 2020. Par ailleurs, bien qu’elle ne représente qu’envi- ron3%duPIBmondial, l’économiebleue contri- bue àhauteur de 11%à lapollutionglobale, avec la répartition suivante : tourisme (4%), transport (3%), extraction d’hydrocarbures (2,7%), pêche (0,5%), aquaculture (0,5%). Dans ce contexte, il convient de noter qu’environ 2 millions de tonnes de déchets plastiques sont déversées chaque année dans les océans, selon Statista. Parmi les recommandations formulées par les expertsdel’OCDEetd’autresorganisationsinter- nationales pour faire face aux défis structurels de l’économie bleue, onpeut citer : 1. La gestion du cycle hydrologique en tant que bien communmondial ; 2. L’utilisation efficace et équitable des ressources en eau ; 3. L’intégrationduprogrès technologique pour amé- liorer la productivité ; 4. Le renforcement du cadre réglementaire et de la gouvernance des océans ; 5. L’amélioration de la collecte de données et la pro- motionde la recherche scientifique ; 6. La planification spatialemaritime ; 7. L’augmentation de la participation des pays émer- gents et endéveloppement à l’économiemaritime ; 8. Lamise enœuvre des accords internationaux rela- tifs à la biodiversité, au climat, aux subventions à la pêche et à la décarbonationdu transportmaritime. L’économie bleue : perspectives, défis et opportunités Impact socio-économique des mers et océans en 2020 (en milliers de milliards de dollars) Source :représentationde l’auteurd’après lesestimationsdeStatista,2025 Pêcheries,récifs coralliens,herbiers marinsetmangroves Absorptiondes émissionsdeCO2 Commerceet transportmaritimes Littorauxproductifs
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