AGEFI Luxembourg - juillet août 2025

Juillet / Août 2025 21 AGEFI Luxembourg Fonds d’investissement U ne nouvelle enquêtemenée par Swissquote BankEurope, en partenariat avec l’institut ILRES, met en lumière les inquié- tudes croissantes des investisseurs luxembourgeois face aux répercus- sionsmondiales de la politique écono- mique américaine actuelle. Les résultats révèlent que les mesures commerciales mises enœuvre au cours du secondmandat dupré- sident Trump sont large- ment perçues comme une menace pour la stabilité desmarchésmondiaux. Plus de la moitié (55 %) des investis- seurs interrogés estiment que ces poli- tiques vont provoquer une hausse des prix et de nouvelles perturbations sur les marchés internatio- naux à court terme. Seuls 4%pensent que cette stra- tégie favorisera la croissance économique et sou- tiendra les marchés. Par ailleurs, 20 % des partici- pants adoptent une vision plus nuancée : certains secteurs et régions pourraient en tirer profit, mais d’autres seront confrontés à des défis importants. Enfin, 16 % se disent incertains quant à l’impact à long terme de la politique américaine sur les mar- chés mondiaux. Ces préoccupations se sont accen- tuées après l’annonce en avril dernier par la Maison-Blanchededroits dedouane étendus et des menaces de mesures de rétorsion, qui ont entraîné un net repli des marchés mondiaux. Malgré un léger rebond permis par un assouplis- sement des mesures et des recours juridiques en cours, le moral des investisseurs au Luxembourg reste fragile. Des perspectives de marché assombries pour 2025 Selon l’enquête, un investisseur luxem- bourgeois sur trois anticipe désormais une baisse des marchés mondiaux en 2025— soit une hausse de 15 points par rap- port à l’an dernier, où seuls 18 % des répondants parta- geaient ce pessimisme. Par ailleurs, seuls 25 %des inves- tisseurs affichent aujourd’hui une confiance dans les marchés, tandis que 42 % adoptent une position neutre. Les jeunes investisseurs se montrent plus optimistes : 33 % de la génération Z (28 ans et moins) croient en la solidité des mar- chés mondiaux, contre 23 % des baby-boomers (61 ans et plus). Ces résultats sont issus de l’enquête Investment Survey 2025, réalisée par Swissquote Bank Europe en collaboration avec l’institut luxembourgeois ILRES. L’étude reflète les réponses de 1 204 rési- dents luxembourgeois interrogés entre le 20 avril et le 2mai 2025, comprenant les panels ILRES et les clients de Swissquote Bank Europe. « Cette enquête témoigne de la sensibilité crois- sante des investisseurs aux effets de contagion des décisions économiques américaines à l’échelle mondiale », commente Jeremy Lauret (portrait), Chief Commercial Officer de Swissquote Bank Europe. « Les investisseurs luxembourgeois redou- tent clairement une hausse de l’inflation, des per- turbations commerciales et une instabilité accrue desmarchés. Ces résultats soulignent l’importance d’une diversification accrue entre différentes classes d’actifs, régions et devises, en période d’in- certitude. » Les investisseurs maintiennent le capmalgré l’incertitude mondiale Malgré les inquiétudes liées à la politique commer- ciale de l’administration Trump, les investisseurs luxembourgeois semblent maintenir leur stratégie d’investissement. Plus de la moitié des sondés déclarent ne pas envisager de modifier le montant de leurs investissements cette année. Le nombre d’investisseurs injectant de nouveaux capitaux est toutefois en baisse (recul de 8 points par rapport à l’année dernière), mais les retraits restent margi- naux (baisse de 2 points), traduisant une attitude d’attentisme face à l’évolution de l’environnement économique. Autres enseignements clés de l’enquête : Les actions et les métaux précieux toujours plébiscités Le changement de sentiment sur lesmarchésn’apas entamé l’appétit des investisseurspour les actifsplus risqués : 47 % anticipent que les actions offriront les meilleures performances au cours des deux pro- chaines années. Cependant, la majorité prévoit que lesmarchésasiatiqueseteuropéenssurperformeront lesmarchés américains. Endépit d’une baisse atten- due des taux d’intérêt, seuls 15%des répondants se montrent optimistes à l’égard des obligations. À l’inverse, près de lamoitié (47 %) privilégient les métauxprécieux, tels que l’or, comme valeur refuge face à l’incertitude. L’intérêt pour les cryptomon- naies demeure : 23 % des investisseurs estiment que les actifs numériques surpasseront les actifs tra- ditionnels cette année. L’adoption de l’IA reste limitée et inégale Si l’IA s’intègre progressivement dans les pra- tiques d’investissement, son utilisation reste encore marginale : 19 % des investisseurs disent l’utiliser pour l’analyse d’entreprises et la recherche, 17 % pour synthétiser l’actualité finan- cière et 12 % pour diversifier leur portefeuille et gérer les risques. Seuls 3 % automatisent aujourd’hui leurs transactions à l’aide de l’IA. La prudence reste de mise : deux tiers des sondés n’utilisent pas du tout l’IA dans leurs décisions d’investissement. Fait notable, les foyers les plus aisés (revenu annuel brut supérieur à 365.000 €) sont deux fois plus enclins que la moyenne à inté- grer l’IA dans leur stratégie. Des opinions partagées sur le marché immobilier luxembourgeois 44%des résidents interrogés investissent dans l’im- mobilier. Pour ceux souhaitant acquérir leur pre- mière résidence, le bon moment est-il venu ? 24 % des sondés estiment que le contexte est favorable pour se lancer. Àl’inverse, 19%préconisent d’atten- dre l’an prochain pour réévaluer la situation. Enfin, 37 % jugent le marché immobilier luxem- bourgeois globalement surévalué et conseillent d’acheter uniquement en cas de correctiondes prix. Les résultats montrent que si la propriété immobi- lière reste un objectif clé pour de nombreux Luxembourgeois, les incertitudes autour de la valo- risation des biens pèsent encore sur les décisions d’investissement. Les investisseurs luxembourgeois redoutent les répercussions des guerres commerciales D epuis le début de 2025, deux dynamiques bouleversent les habitudes des familles et des investisseurs privés en Europe : le retour en force du cré- dit Lombard, stimulé par la baisse des taux courts, et la désaffection croissante de la gestion obli- gataire classique au profit de solutions en produits structurés. Ces évolutions traduisent un changement profond de la perception du risque, de la recherche de rendement et de la ges- tion de la liquidité. Le renouveaudu crédit Lombardgrâce aux taux courts Le crédit Lombard n’est pas un concept nouveau. Ceprêt, garanti par unportefeuillede titres (actions, obligations, parts de fonds), était historiquement ré- servé à des clientèles très fortunées. Cependant, la baisse progressive des taux courts décidée par la BCE en 2025, après des années de politique moné- taire restrictive, a profondément modifié la donne. En pratique, un crédit Lombard permet d’obtenir des liquidités sans vendre les actifs détenus. La lo- giqueest simple : labanqueévalue lavaleurdupor- tefeuille(avecunniveaudedécoteprudent),accorde un financement et conserve ces titres en garantie. Avecdes tauxdefinancement plus faibles, le coût de portage de ce type de dette est redevenu attractif. Refinancement hypothécaire Une première application concrète concerne le refi- nancement hypothécaire. Par exemple, une famille propriétaire d’un portefeuille diversifié peut solder unedettehypothécaire classique et la remplacer par uncrédit Lombardà tauxplus bas. Cemontageper- met de réduire le coût global des intérêts, d’optimi- ser le bilan patrimonial et de conserver la détention des titres financiers. La logique est particulièrement intéressantepour les investisseurs qui anticipent une remontée des prix de l’immobilier ou une poursuite de la croissance boursière : ils conservent l’intégralité de leur expo- sition aux marchés tout en obtenant une liquidité immédiate. Refinancement des comptes courants d’associés Autreusageenvogue :lerefinancementdescomptes courantsd’associés.Dansdenombreusessociétéspa- trimoniales, les associés avancent de la trésorerie via ces comptes courants. Plutôt que de bloquer leurs li- quiditéspersonnelles oud’affecterd’autres actifs (im- mobiliers,partssociales),ilspeuventdésormaisnantir desportefeuillestitresouutiliserlesactifsimmobiliers pour dégager des avances. Prendre du levier sur lesmarchés Enfin,lecréditLombardretrouvesonrôlehistorique : un instrument d’effet de levier. Face à la volatilité des marchés actions et au rebond de certains indices eu- ropéens,denombreusesfamillespréfèrentemprunter plutôt que de liquider leurs positions. L’intérêt est double : Conserver l’intégralité des droits aux futurs dividendes et plus-values et augmenter leur exposi- tion en profitant d’un coût d’emprunt faible. Cepen- dant, l’effet de levier comporte des limites : le ratio LTV(Loan-to-Valueouvaleurdegage)estengénéral plafonné à 50–60 %. Si la valeur des titres baisse, la banque peut demander des garanties supplémen- taires ou procéder à un appel de marge. Ces contraintes nécessitent une gestion prudente et un suivi permanent de la couverture. Une démocratisation enmarche Longtemps apanage des ultra-riches, le crédit Lom- barddevient plus accessible. En 2025, plusieurs pla- teformes bancaires proposent des solutions Lombarddèsquelquescentainesdemilliers d’euros d’encours. Cette évolution contri- bue à élargir la basedes clients potentiels, notamment les entrepreneurs et cadres disposant d’un patrimoine financier conséquentmaispastoujoursimmédia- tement liquide. Le basculement des investisseurs vers les produits structurés Enparallèle, une autre tendance forte se confirme : la désaffec- tionmarquée de la gestion obli- gataire classique. Dans un contexte où les taux longs res- tent relativement bas et où les spreads de crédit se resserrent, les fonds obligataires classiquespeinent à générer de la performance ajustée au risque. Selon plusieurs cabinets d’analyse, la majorité des ETF obligataires Investment Grade européens pro- duisent des rendements annualisés autour de 3 à 5 %, souvent inférieurs à l’inflation réelle. Face à cette contrainte, la gestion dédiée 100% pro- duits structurés connaissent unregaind’intérêt spec- taculaire. Ces instruments hybrides combinent expositionauxmarchésfinanciers etmécanismesde protectionpartielle ou conditionnelle permettant de générerunrendementélevéetrégulieravecunepro- tection du capital sur mesure. Pourquoi ce succès ? Troisraisonsprincipalesexpliquentcettemigration : 1. Un rendement plus attractif Certains produits structurés offrent des perfor- mances annualisées de 8 à 9 %, supérieures à la moyenne des fonds obligataires classiques. Par exemple, les notes à coupons conditionnels permet- tent de percevoir un flux régulier tant que l’indice sous-jacent ne chute pas au-delà d’un certain seuil. 2. Unemeilleure diversification En répartissant les risques sur plusieurs classes d’actifs (indices boursiers, matières premières, taux) et sur plusieurs lignes la gestion 100% pro- duits structurés apportent une résilience accrue face aux soubresauts demarché. Ce panachage sé- duit des investisseurs en quête de portefeuilles plus équilibrés. 3. Arrêter les biais de sélection des produits structurés Lamajeurepartiedescourtiersenproduitsstructurés qui conseillent les familles ont un biais de sélection majeurlorsdelasélectiondesproduitsstructurés:ils sélectionnèrentenprioritélesactionsàfortdividende et forte volatilité ce qui a pour tendance de déséqui- librerlesallocationsverstoujourslesmêmessecteurs et lesmêmes titres. La gestion dédiée 100%produits structuréspermetd’évitercegenred’écueilenappor- tant une approche préalable de vision globale des marchés et du risque duportefeuille. Conséquences pour les portefeuilles privés Cette tendancemodifie en profondeur la composi- tion des allocations. Les poids des fonds obliga- taires classiques diminuent au profit d’enveloppes structurées, parfois calibrées sur des maturités courtes (3 à 5 ans). Les investisseurs acceptent une complexité accrue en échange d’un rendement et d’une protection ajustés. Néanmoins, ces produits nécessitent une pédagogie renforcée : leur mécanisme peut être difficile à ap- préhender (barrières de protection, coupons condi- tionnels, scénarios de remboursement anticipés). Conclusion En résumé, l’année 2025 marque un tournant. D’un côté, le crédit Lombard revient au premier plan comme un outil polyvalent : refinancer un bien immobilier, consolider des comptes courants d’associés ou prendre du levier sur les marchés fi- nanciers. De l’autre côté, la gestion obligataire tra- ditionnelle recule face à des solutions structurées plus flexibles et potentiellement plus perfor- mantes. Pour les familles européennes, ces deux tendances offrent des nouvelles opportunités. Elles exigent toutefois une approche rigoureuse : bien com- prendre les risques, rester attentif à la liquidité et maintenir un dialogue constant avec ses conseil- lers. Car dans unmonde financier plus complexe, la transparence et la pédagogie restent les clés d’une gestion patrimoniale sereine. Luxembourg For Family Office (LFFO) approfondira ce sujet lors du SForum cet automne. YannROBBIOLA,LSAdvisors DianaDIELS,Luxembourg forFamilyOffice https://luxembourgforfamilyoffice.lu/ Deux tendances qui transforment la gestion patrimoniale des Family Offices européens en 2025

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