AGEFI Luxembourg - mai 2025
Mai 2025 19 AGEFI Luxembourg Banques / Assurances D ans unmonde de plus en plus instable, où les attentes envers le secteur financier ne cessent de croître, les banques luxembourgeoises ont affiché en 2024 des résultats parti- culièrement solides. À l’occasion de sa conférence de presse annuelle, le 30 avril, l’Association des Banques et Banquiers, Luxembourg (ABBL) amis en lumière ses principales proposi- tions enmatière de simplification réglementaire et de lutte contre la cybercriminalité. À travers ces ini- tiatives, l’ABBL vise à renforcer la résilience du système financier, à mieux protéger les consomma- teurs, à assurer la pérennité de l’ac- tivité de sesmembres, et à libérer davantage leur capacité à soutenir la compétitivité des entreprises et la prospérité des citoyens. Le secteur financier, pôle de stabilité Les crises récentes ont démontré la remarquable résilience du secteur ban- caire, qui s’est fermement imposé comme un pilier de la stabilité et de la croissance durable. Les banques tiennent leur rôle d’intermédiaireauservicedesentreprises et des investisseurs, grâce aux efforts en matière de réduction des coûts engagés depuisunedécenniedansuncontextede taux d’intérêt bas. «L’objectif premierde tousnosmembres est de rester à la fois durablement profi- table et durablement conforme et en fai- sant cela de dégager assez de moyens pour continuer à stimuler le dynamisme des entreprises et contribuer à la prospé- rité collective», explique YvesStein , pré- sident de l’ABBL. La hausse rapide et importante des taux directeursdécidéeen2023parlaBCEdans le contexte de sa politique de lutte contre l’inflation a permis aux banques d’engen- drer des bénéfices extraordinaires liés au poste de lamarge nette sur intérêts. « Ce poste suscite beaucoup demésinter- prétations. La marge des banques – par ailleurshistoriquementstable–surlesinté- rêtsdébiteursetcréditeursdeleurclientèle privéen’encomposequ’uneinfimepartie. Ce poste revêt surtout les capitaux que les banques placent auprès de laBCEau titre de réserves prudentielles ou au titre d’in- vestissement », commente Jerry Grbic , CEOde l’ABBL. «Après une décennie de taux bas, voire négatifs, ces capitaux ont tout à coupde nouveau été rémunérés ». Cette donne a entraîné une hausse de ce postede50,9%en2023etde4,4%en2024. Les revenus nets de commissions ont connu une évolution favorable lors de l’exercice écoulé (+9,4%) en raison d’une bonne tenue des marchés boursiers. Les frais généraux sont restés assez stables avec une baisse de 0,1% en comparaison annuelle. Cette diminution s’explique principalement par les contributions des banques luxembourgeoises au Fonds de résolutionunique.Cedernierayantatteint en 2023 son niveau cible minimal de 1% desdépôtsgarantisde l’ensembledes éta- blissementsde crédit de l’Unionbancaire, aucune nouvelle contribution n’était demandée en 2024. « Après une année 2023 exceptionnelle, qui a permis aux banques luxembour- geoises de développer leurs réserves pour faire face à l’instabilité ambiante et àd’éventuels chocs futurs, l’exercice 2024 a été satisfaisant pour nosmembres avec un résultat net de € 7.239,1 mio, en hausse de 10,0% », précise Yves Stein. Le bilan des banques est également en légèreaugmentationde1,89%(€920,0mia en 2023 vs € 937,4 mia en 2024). L’emploi bancaire est resté stable à 26.148 collabo- rateurs (-137 employés). Et le nombre de banques est passéde118banques en2023 à 115 en 2024 en ligne avec les mouve- ments de concentrations que connait le secteur bancaire auniveaumondial. L’ABBL, quant à elle, a accueilli 25 nou- veauxmembres en 2024 portant le total à 266entreprisesmembrestitulairesouasso- ciés. Elle consolide ainsi sa position cen- trale au sein de l’écosystème financier en tant que porte-parole non seulement des banques, mais également de nombreux autres intermédiaires financiers, tels que les instituts de paiements et de monnaie électronique, des entreprises d’investisse- ment, des PSF de support, des fintechs ainsi que des cabinets de conseil et d’avo- cats qui accompagnent les acteurs de la place financière. Les « banques à tout faire » Aufil du temps, les banques ont été char- gées de lutter contre la fraude fiscale, de mener le combat contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme, et d’être en première ligne dans la chasse àlacybercriminalité.Plusrécemment,c’est le secteur financier, et non les entreprises, qui a été appelé à être le fer de lance de la transitionécologique,leslégislateursayant d’abordconcentréleurseffortssurlespro- duits financiers. «Surtouscesenjeuxlesbanquesontrepris la balle au bond et souhaitent faire partie de la solution. Mais il est indéniable que ces tâches supplémentaires, s’accompa- gnentdecoûtsetd’investissementsimpor- tants pour nos membres et qu’une sur- complexification réglementaire peut contribueràtransformeruneffortcollectif vertueux en désavantage concurrentiel », souligneYves Stein. Le levier de la simplification réglementaire Le rôle clef des banques a été souligné dans le récent rapport présenté à la Commissioneuropéenneparl’ancienpré- sident de laBanqueCentraleEuropéenne et ancien Premier ministre italien, Mario Draghi. Il en pointe également les limites. Ainsi, une des conclusions de ce rapport, désormais reprisepar nombrede respon- sables politiques européens, est la néces- sairesimplificationréglementairequiper- mettraitauxbanquesderegagnerunecer- taine flexibilité, afin de libérer encore davantage leur potentiel d’action face aux enjeux actuels. « Nous avons l’impression d’avoir enfin été entendus », intervient Jerry Grbic. «Mais attention, nous ne parlons pas dedérèglementation ! Dans de nom- breux cas, la réglementation apporte de la sécurité juridique et de la transparence pour les investisseurs privés ou profes- sionnels – un sujet qui devient de plus enplus stratégique et sur lequel l’Europe peut faire d’une contrainte une oppor- tunité. Nous ne souhaitons pas davan- tage de réglementation, mais une régle- mentation plus intelligente ». Le sujet est d’autant plus d’actualité que, 2024 a également été l’année d’une prise de conscience accrue à l’égarddes enjeux de compétitivité face à la concurrence venue d’autres continents. Le rapport Draghi souligne et illustre ainsi à quel point l’économie européenne engénéral, et le secteur financier en particulier, ont pris du retard par rapport aux concur- rents de juridictions telles que les États- Unis dans lesquelles la législation est moins étendue et moins contraignante. Ainsi est-il légitime de se demander si ce sont les banques américaines oueuro- péennes qui seront les mieux placées pour financer l’économie de demain ? Respectivement en matière de finance durable, quels centres financiers - euro- péens, américains ou asiatiques - s’im- poseront ? Avancées et incohérences Si l’ABBLsalue le tournant politiquepris, ellepointe,parlavoixde CamilleSeillès , son Secrétaire général, les avancées en cours, mais également certaines incohé- rences. « Prenons par exemple la com- plexité de l’ouverture d’un compte ban- caire. Un problème qui se pose d’ailleurs dans de nombreux pays en Europe et non seulement au Luxembourg. Plus qu’un inconvénient, c’est un obstacle à l’inclusion financière et au développe- ment des entreprises ». Cette complexité est étroitement liée aux réglementationsrelativesàl’identification et à la connaissancedes clients (KYC). Les travaux actuels de l’Autorité bancaire européenne (ABE) sur les normes tech- niques (RTS) sur le devoir de vigilance à l’égarddelaclientèledanslecadredunou- veaupaquet européenenmatièrede lutte contre le blanchiment peuvent constituer une occasion claire de simplifier les obli- gationsactuelles.LaStratégieeuropéenne pourl’investissementdedétail(RIS)estun autrepointd’attention.«Sielleestmiseen œuvredanstoutesacomplexité,facilitera- t-elle réellement l’accès des investisseurs privés auxmarchés financiers ?Oupour- rait-elle avoir l’effet inverse ? Nous pen- chons pour la seconde option. » Autre sujet, la mise en œuvre finale de Bâle III, garantissant le maintien par les banques de capitaux et de liquidités suf- fisants pour absorber les chocs. « Les autorités européennes de surveillance se sont vu confier 140 mandats pour la rédaction de règles supplémentaires, ce qui impliquera aumoins 1.000 pages de nouvelle réglementation. Peut-on vrai- ment parler de simplification ? ». Dernier sujet évoqué : lafinancedurable. «S’ilestimportantdereconnaîtrelesfailles ducadreactueldelafinancedurable,nous devonségalementsoulignerlesremarqua- bles efforts collectifs de notre industrie pour mettre en pratique les règles exis- tantes. La suppression de ces règles n’est peut-être pas l’approche la plus appro- priée. Nous devons plutôt nous efforcer de mettre en place un cadre plus simple, avec unnombre équilibré d’exigences. » Cinqpistes d’actions pour libérer le potentiel des banques L’ABBL estime qu’en alignant la simplifi- cation réglementaire sur l’agenda plus large de la compétitivité de l’UE, les déci- deurspolitiquespeuventfavoriserunéco- systèmefinancieràlafoisrobusteetdyna- mique. Afin de participer à ces débats au niveau européen, l’ABBL a publié un document intitulé « Proposition pour une réglementationeuropéenneplusefficace» (1) .Ce document, élaboré sur labased’unevaste consultationdesmembresdel’association, proposedessolutionsconcrètespourcréer unenvironnementréglementairepluseffi- cace et plus propice à l’innovationpour le secteur financier européen. Il met en avant plusieurs axes d’action pour la simplification réglementaire : la coordinationetl’alignementdespolitiques publiques ; la proportionnalité et l’effi- cience réglementaire ; le soutien à l’inno- vation et la compétitivité ; et la collabora- tionpublic-privé. «Cedocument contient unequarantainedepropositionsconcrètes de simplification réglementaire, fruit d’une collaborationapprofondie avecnos membres, intégrant les perspectives des banques, des établissements de paiement etdessociétésd’investissementpourfavo- riser une réglementation plus efficiente sans compromettre la stabilité du secteur et l’intégrité des circuits financiers. Avec cette démarche, l’ABBL souligne sa volonté de contribuer de manière constructive au développement des pro- positions concrètes auniveaueuropéen», noteYves Stein. De manière générale, l’ABBL souhaite également contribuer aux réflexions actuelles sur le rôledes régulateursfinan- ciers.«Lesautoritésdesurveillancenatio- nales ou européennes doivent-elles uni- quement se focaliser sur le maintien de la stabilité financière ou également inté- grer la compétitivité économique dans leur mission ? », s’interroge-t-il. « La FinancialControllingAuthority(FCA)du Royaume-Uni a déjà adopté cette approche. Il est peut-être temps que les responsables politiques européens lui emboîtent le pas. ». La cybersécurité, une priorité Parmi les nombreux défis sur lesquels les banques ont consenti des investisse- ments importants, une priorité émerge : celle de la cybersécurité et de la lutte contre les fraudes en ligne de manière générale. « Digitalisation, émergence de l’IA, et un contexte géopolitique sous ten- sion font émerger de nouveaux risques : pourlesbanques,lamultiplicationdesten- tatives de cyber attaques ; et pour les citoyensetlesentreprises,lamultiplication des escroqueries, du phishing et des fraudesauxdistributeursautomatiques», constate Ananda Kautz , Head of Innovation, Payments andSustainabilty. Le secteur financier figure ainsi parmi les plusvisésparlescyberattaques.L’Agence de l’Union européenne pour la cybersé- curité (ENISA) (2) recense que, pour la périodeentrejanvier2023etjuin2024,46% desattaquesrecenséessontdirigéescontre desbanques et constatedespicsd’attaque de déni de service (DdoS) liés à la guerre en Ukraine. Au Luxembourg, la Police grand-ducale constate une hausse de 20,8%des escroqueries en ligne (3) . Pour faire face à cesmenaces, les banques agissent sur deux dimensions : renforcer leur propre résilience numérique et pro- téger leurs clients. «Sur lesdeux tableaux, nous avons obtenu d’importantes avan- céescesderniersmois,»seréjouitAnanda Kautz. L’implémentation du Digital OperationalResilienceAct(DORA)estun grand pas en avant dans le renforcement de la cybersécurité et de la résilience opé- rationnelledusecteurfinancier,maisaussi sur tous les aspects concernant la dépen- dance liées à des fournisseurs critiques. L’ABBL a plaidé activement en faveur de cecadreetaccompagnesesmembresdans la mise en place de cette réglementation. Résultat : 100% des membres ABBL pré- voient augmenter leurs budgets liés à DORAen 2025 (4) . Au niveau de la protection des citoyens, l’ABBLasoutenul’extensiondelaHotline 491010,désormaisdisponible24h/24et7j/7 pour bloquer les certificats LuxTrust. Elle a également accompagné lamigrationdu LuxTrust Token vers l’application LuxTrust Mobile plus sécurisée, et pilote le déploiement de la Vérification du Bénéficiaire, qui vérifiera l’adéquation de l’IBANaveclenomdutitulairedecompte avant chaque virement instantanédans le cadre de la mise en place de la directive sur les paiements instantanés. En décem- bre2024,l’ABBL,saFondationetlaHouse of Cybersecurity ont crée un groupe de travail national ad hoc pour lutter contre lafraudeenligne.Desacteursclés,dontla CSSF, la BCL, BeeSecure et l’Institut Luxembourgeois de Régulation (ILR) ont déjà rejoint cette initiative. Première concrétisation : le lancement d’une cam- pagnenationaledesensibilisationen2025, visant à renforcer la vigilance du public à l’égardde la fraude en ligne. 1) https://urlr.me/quvTUg 2) https://urlr.me/SbsY7G 3) https://urls.fr/kEJYYO 4) https://urls.fr/qtN3r1 Conférence de presse annuelle de l’Association des Banques et Banquiers, Luxembourg (ABBL) Une année satisfaisante pour les banques malgré des défis croissants Assembléegénéraleordinairede l'ABBL-30avril2025 ©ABBL L e ministre des Finances, Gilles Roth, a participé à la réunion de l'Eurogroupe du 12 mai 2025 à Bruxelles. Lors des réunions de l'Eurogroupe, les ministres des Finances ont abordé les développements actuels auG7 ainsi que les tendances économiques mondiales. Les discussions ont également porté sur l'état actuel de l'euro numérique. Digitalisation et changement climatique : des défis pour le secteur bancaire En outre, un échange de vues a eu lieu entre lesministres des Finances et lapré- sidente du Conseil de surveillance du mécanisme de surveillance unique sur les progrès actuels de l'Union bancaire. La digitalisation et le changement cli- matique comptent parmi les plus grands défis pour le secteur bancaire. De plus, l'Eurogroupe a préparé la réu- nion annuelle duMécanisme Européen de Stabilité qui se tiendra en juin au Luxembourg. Lors des échanges, les ministres ont réaffirmé l'importance du MES dans l'architecture financière de la zone euro, en soulignant sa contribution à la résilience économique de l'Europe. GillesRothcommente:«L'Europefaitses devoirs. C'est précisément cette coopéra- tion productive dont nous avons besoin en ces temps incertains. » Source : ministère des Finances Gilles Roth à la réunion de l'Eurogroupe à Bruxelles «L'Europe fait ses devoirs » ©EuropeanUnion
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