AGEFI Luxembourg - avril 2024

AGEFI Luxembourg 10 Avril 2024 Fiscalité / Economie Par Evgenia ZAKHAROV, Notaire de Cheuvreux* D ans un contexte de proxi- mité territoriale entre la France et laBelgique, il arrive souvent que des interro- gations se soulèvent quant à l’attractivité de l’unou l’autre pays enmatière de placements mobiliers et immobiliers, ainsi qu’enmatière de transmission dupatrimoine.A l’instar de la nouvelle conventionfiscale franco-belge tendant à éviter les doubles impo- sitions, signée en 2021 (bienque non encore en- trée envigueur), il nous parait opportunde porter notre analyse sur un certainnombre de points fiscaux qui ont retenunotre attention. Les exemples pra- tiques et lesméthodes d’optimisationpropo- sés ci-après pourront servir aux praticiens dans leurs conseils aux clients confrontés à ce contexte transfrontalier. Nous exposerons en première partie de cet article les dispositions actuelles enmatière de fiscalité de la dé- tention d’un patrimoine franco-belge, pour aborder endeuxièmepartielafiscalitéapplicableàlatransmis- sionde cemême patrimoine. Fiscalité de la détention Atitreliminaire,ilconvientderappelerqu’ilexisteau- jourd’huideuxaccordsbilatérauxentrelaFranceetla Belgique en matière d’impôt sur le revenu : une convention toujours en vigueur le 10mars 1964, et la nouvelle convention signée le 9novembre 2021, dont l’entréeenvigueurestaprioriprogramméepour2025. Revenons tout d’abord sur la fiscalité liée à la déten- tionde biens immobiliers endirect oupar l’intermé- diaired’une société, fiscalitéqui ahistoriquement été différentedechaquecôtédelafrontièrefranco-belge. Par exemple, les dividendes qu’une société civile immobilière française distribue à ses associés rési- dents belges subissent une double imposition. En effet, ils sont, d’une part, imposés en France comme desrevenusimmobiliersdirectemententrelesmains des associés, et, d’autre part, sont considérés et im- posés par la Belgique en tant que dividendes distri- bués (la SCI n’étant pas considérée comme translucide en Belgique). Dans une décision du 29 septembre 2016 (1) , la Cour de cassation belge a en effetconfirméquelesrevenusdistribuésparuneSCI française à ses associés résidents belges sont de na- ture mobilière et que la Belgique dispose donc du droit de les imposer au regardde la conventionpré- ventive. Cette double taxation liée à la discordance de qualification des revenus n’a malheureusement pas été résolue dans la nouvelle convention. Quant à la fiscalité des revenus distribués par tous les autres types de sociétés (opaques), le nouvel ac- cordprévoitquecesrevenusserontimposablesdans l’État de résidencede leur bénéficiaireainsi quedans l’État de source, lequel peut appliquer une retenue à lasource (2) .Enpratique,cesrevenusseronttraitésdif- féremment en Belgique et en France : les résidents belges, du fait de la suppressionde laQuotité Forfaitaired’Impôt Etranger (QFIE) –méca- nismedecréditd’impôt-subirontunedou- ble imposition en cas de perception de dividendes de source française, alors que les résidents français auront la faculté d’imputer la retenue à la source belge sur le montant de l’impôt français. A noter que la retenue à la source sera plafonnée à 12,8% (contre 15% sous l’égide de la convention actuelle). Enmatière d’intérêts , la nouvelle convention prévoit que le droit de les imposer sera exclusive- ment attribué à l’État de rési- dence du bénéficiaire effectif, sans possibilité pour l’Etat de la source d’opérer une rete- nue (3) . Notons que la conven- tion actuellement en vigueur prévoit un partage du droit d’impo- ser, avec une retenue à la sourcemaximale de 15%. Encequiconcerneles redevances provenantd’unÉtat contractant et dont le bénéficiaire effectif est un rési- dentdel’autreÉtatcontractant , lanouvelleconvention prévoit dans son article 12 qu’elles seront exclusive- ment imposables dans cet autre État (celui de la rési- dence). La convention actuellement en vigueur réserve également le droit d’imposer à l’Etat de rési- dence dubénéficiaire des redevances. Enmatière des plus-valuesmobilières , les règles se- ront également différentes des deux côtés de la fron- tière. En effet, l’article 13 du nouvel accord franco-belge prévoit que les gains tirés de l’aliénation de biensmobiliers sont imposables dans l’Etat de ré- sidenceducédant.SienFrancecesplus-valuessubis- sent, sauf certains cas exonérés, l’impositionà l’impôt sur le revenu, on rappellera qu’en Belgique, ces plus- values mobilières sont en principe exonérées dans le cadre de la gestion normale de son patrimoine privé parlecontribuable(seulesrestentimposableslesplus- values de nature spéculative). Pourles plus-valuesimmobilières ,laconventiontou- joursenvigueurprévoitquechaquepaystaxesespro- pres plus-values en fonction du lieu de situation du bienimmobilier.Aussi,lerésidentfiscalbelgeseraim- posable en France s’il réalise une cession de bien im- mobilierfrançais.LaBelgiqueesttenued’exonérerces plus-values pour autant qu’une imposition effective ait déjà eu lieu enFrance. Encequiconcerneles revenusimmobiliers ,onnotera que, actuellement, les revenus immobiliers de source française sont exclusivement taxés en France et exo- nérés en Belgique s’ils proviennent de source fran- çaise. Selon la nouvelle convention franco-belge, la Belgique sera tenue d’exempter le contribuable belge del’impôtseulementàconditionquelebiensoiteffec- tivementimposéenFrance(cequin’estpaslecaspour lebiennonloué).Enrevanche,laFrancenetaxerapas lecontribuablefrançaisdétenantunimmeubleenBel- gique, qu’il soit loué ounon. Quandbienmêmeiln’existepasenBelgique d’impôt sur la fortune , lanouvelle convention innove en inté- grantdesstipulationsrelativesàl’impôtsurlafortune immobilière.L’Etatdulieudesituationdel’immeuble restecompétentpourimposeretlessociétésàprépon- dérance immobilière restent également imposables dansl’Etatoùl’immeublesesitue.Touslesautresélé- mentsdelafortunesontimposablesdansl’Etatderé- sidencefiscaleducontribuable.Ilestànoterquel’Etat de situationdes éléments de la fortune peut toutefois conserver un pouvoir d’imposition si l’Etat de rési- denceducontribuablenelesimposepas.Lataxebelge surlescomptes-titres(TACTouTCT)offreunebonne illustration de ce point : la TCT reste due par les rési- dents fiscaux français (personnes physiques ou mo- rales) ayant des comptes-titres en Belgique en l’absencedel’impôtsurlafortunemobilièreenFrance (taux actuel de 0,15%qui se déclenche dès lors que la valorisationmoyenneducomptedépasse1.000.000€). Après avoirprésenté lespointsfiscaux liés à ladéten- tiondesbiensdansuncontextefranco-belge,nousal- lonsaborderlesujetdelafiscalitéliéeàlatransmission des biens entre vifs et à cause demort. Fiscalité liée à la transmissionde biens Encequiconcerne lestransmissionsentrevifs ,atitre liminaire, il convient de noter qu’il n’existe pas, à ce jour, de convention fiscale en matière de donations préventivededouble impositionentre les deuxpays, chaque pays conservant donc le pouvoir d’appliquer sesrèglesinternes.Aussi,siunrésidentbelgesouhaite donner des actifs français à un autre résident belge, nous appliquerons des critères de rattachement sui- vants : résidence du donateur en Belgique donc la taxationdevraitêtrebelge,etlalocalisationdesavoirs enFrance donc la taxationpar la France. De la même manière, si un résident belge souhaite donner un immeuble situé en Belgique à un résident français,lesrattachementsexistants(résidencedudo- nateurenBelgiqueetdudonataireenFrance)condui- ront à la double imposition. Il existe néanmoins des dispositions internes dans chaque pays pour lutter contre cettedouble imposition : endroit français, l’ar- ticle 784-AduCGI stipule que les droits demutation acquittéshorsdeFranceserontimputablessurl’impôt exigibleenFrance.Cetteimputationestlimitéeàl’im- pôt acquitté sur les biens meubles ou immeubles si- tués hors de France. Corrélativement, le droit belge a prévuune exemptiondudroit proportionnel et droit fixe pour les actes translatifs de propriété portant sur des immeubles situés endehors de Belgique (4) . Si en France toute donationmobilière et immobilière devrait enprincipe être enregistrée, ce n’est pas le cas enBelgique. Eneffet, l’obligationd’enregistrer lesdo- nations mobilières reçues par actes authentiques étrangersaétéintroduitetoutrécemmentenBelgique parlaloidu17juin2020 (5) .Afind’évitercerisqued’im- position d’une donation aux droits de succession, la solutionseraitd’enregistrerlesdonationsréaliséessoit par acte authentique soit par acte sous signaturespri- vées. En France, cela permet également d’éviter tout rappelfiscaldesdonationsantérieures(eneffet,l’Ad- ministration fiscale pourrait être fondée à considérer que ladatede ladonation initialene lui est opposable qu’au jour où cette dernière lui est révélée). Cet enre- gistrement ne donnera lieu à aucun paiement de droits de mutations à titre gratuit en France, par ap- plication de l’article 784-A du CGI précité (mutation opérée hors du territoire français). Donations avec réserve d’usufruit : si en France il s’agit d’unclassiquevisant à anticiper la transmission du patrimoine, ce mode de transmission n’a pas été développé,danslesmêmesproportions,enBelgique. Laraisonpourcelarésidevraisemblablementdansles conditionsd’imposition:siendroitfrançais,sertd’as- siettedecalculdel’impôtlavaleurdelanue-propriété transmise, la Belgique prévoit une imposition assise sur la pleine propriété du bien, ce qui peut avoir un impact significatif sur labase imposable et donc l’im- positiondelatransmission.Unedifficultépeutémer- ger dans le cas où ladonationqui a été enregistrée en BelgiqueseraitégalementtaxableenFranceenraison de la résidence du donateur ou du donataire en France. En principe, selon l’article 784 A du CGI les droits étrangers réglés à l’occasion de cette donation devraient être imputés sur l’impôt réglé enFrance. Achat endémembrement depropriété : pour laBel- gique, le bien acquis de tellemanière (« achat scindé » ) estréputéfairepartieenpleinepropriétédelasucces- sion de l’usufruitier défunt et l’administration fiscale traitelatransmissioncommeunlegsdelapleinepro- priétéparledéfuntauprofitdunu-propriétaire.Tou- tefois, pour échapper à cette présomption, le contribuabledoitdémontrerqu’ildisposaitdesfonds propres lui permettant de financer l’achat scindé. A défaut, lenu-propriétairedoit payer lesdroitsde suc- cessionsurlavaleurdelapleinepropriétédubiendé- membré au jour dudécès. Encequiconcerneles transmissionsàcausedemort , ilexistedepuis1959uneconventionentrelaFranceet la Belgique tendant à éviter les doubles impositions enmatière d’impôt sur les successions (6) . Elle prévoit notamment,quelesimmeublessontimposablesdans l’Étatoùilssontsitués(art.4),etdanssonarticle8pour les autres biens visés aux articles 4 à 7, dans l’État du domicile dudéfunt. Encequiconcerneles droitsdesuccession, enFrance ils sont totalement exonérés pour le conjoint survi- vant etdepuis2007pourlepartenairedePacs.EnBel- gique en revanche, les droits acquittés par le conjoint survivant et les enfants communsducouplepeuvent attendre jusqu’à 150% car le conjoint est taxé sur la moitié des biens qu’il reçoit de son époux décédé et les enfants sont taxés sur l’intégralité de la commu- nauté au seconddécès. Letraitementsuccessoraldes contratsd’assurance-vie en Belgique était, dans le passé, similaire à celui ac- tuellement applicable endroit français. Un arrêt de la Cour constitutionnelle belge (7) est venu mettre fin à cette proximité en décidant que les primes de l’assu- rance-viedetype«placement»devaientêtreprisesen comptepour le calcul de la réserve. Àl’issued’évolu- tions législatives et jurisprudentielles, c’est désormais la prestation d’assurance elle-même qui sera sujette à réduction et à rapport conformément au Code civil belge (8) . Cette fiction de legs peut avoir des consé- quences fiscales importantes, les droits de succession belges étant relativement élevés (taux marginal de 30%en ligne directe et entre époux et le conjoint sur- vivantn’enétantpasexonéré).Auvudel’écartimpor- tantentrelestauxdedroitsdedonationetsuccession, la pratique de donner les droits du contrat d’assu- rance-vie au bénéficiaire s’était développée (droits de donation allégés allant de 3%à 7,7%). *https://www.cheuvreux.fr/ Articlerédigéen collaboration avec M e Marie-Hélène LEMPEREUR, avocat à Bruxelles 1)Belgique,Courdecassation,29septembre2016,F.14.0006.F 2)Article13de laConvention franco-belgedu9novembre2021 3)Article11de laConvention franco-belgedu9novembre2021 4)Article159,7°duCodedesdroitsd’enregistrement-Régionwallonne 5)Loibelgen°55/1357du17 juin2020 6) Convention entre la France et la Belgique tendant à éviter les doubles impositions et à régler autre questions en matière d’impôts sur les suc- cessionsetdedroitsd’enregistrementsignéeàBruxellesle20janvier1959 7)CourconstitutionnelledeBelgique,26 juin2008,n°96/2008 8) Loi belge, 31 juill. 2017 applicable aux successions ouvertes à partir du1 er septembre2018 Fiscalité transfrontalière – France et Belgique L eVice-Premierministre,mi- nistre desAffaires étrangères et duCommerce extérieur, Xavier Bettel, a participé à la réu- niondesministres desAffaires étrangères de l'OTANqui s'est tenue les 3 et 4 avril au siège de l'OTANàBruxelles. Aucoursdesdeux jours, leministreBettel a assisté à trois séances de travail du Conseil de l'AtlantiqueNord, portant no- tamment sur la préparation du Sommet del'OTANàWashingtonenjuillet2024,la situation en Ukraine et sa relation avec l'OTAN, et le partenariat avec les pays de la région Indopacifique. Lors d'une première séance du Conseil de l'AtlantiqueNord, qui a accueilli pour une première fois la Suède en tant que nouveaumembredel'Alliance,lesminis- tres ont eu un échange de vues sur les préparatifs du Sommet de l'OTAN à Washington et sur la pérennisation du soutien à l'Ukraine. Le ministre Bettel a souligné à cette occa- sionl'importancedepoursuivrelesefforts collectifsencoursenmatièred'adaptation auseinde l'OTAN: «En tant quemembre fondateur de l'OTAN, le Luxembourg est déterminé à apporter sa contribution au renforcementdel'Alliance.Enplusdesef- forts considérables que nous avons déjà accomplis, nous travaillons actuellement sur un plan visant à porter nos dépenses dedéfenseàdeuxpourcentdurevenuna- tional brut àmoyen terme». ÀBruxelles,XavierBettelaégalementpar- ticipé à la réunion du Conseil OTAN- Ukraine au niveau des ministres des Affaires étrangères, qui a eu lieu en pré- sence duministre ukrainien, DmytroKu- leba. Cette réunion a notamment permis aux ministres de discuter de la situation sur le champde bataille enUkraine et des besoins en équipement de l'Ukraine. Dans son intervention, leministre Bettel a déclaré le soutien du Luxembourg à l'Ukraine. «Il ne s'agit pas de charité, mais de notre sécurité. Il s'agit de la sécurité de notre continent et du respect du droit in- ternationalfondésurdesrègles.L'alterna- tive serait un ordre basé sur la loi du plus fort», amis en avant Xavier Bettel. LeministreBettelaensuiteparticipéàune sessiondetravailaveclespayspartenaires de la région Indopacifique, à savoir l'Aus- tralie, laCoréeduSud, le Japonet laNou- velle-Zélande. Lors de cette réunion, à laquelleparticipait également leHaut Re- présentant de l'Union européenne, Josep Borrell, les ministres se sont échangés sur les moyens de renforcer la collaboration sur des enjeux communs, entre autres, la cyberdéfense, les nouvelles technologies, lasécuritémaritime,lechangementclima- tique et la lutte contre la désinformation. Enfin, la réunion des ministres des Af- faires étrangères de l'OTAN a également étél'occasiondecélébrerle75 e anniversaire de l'OTAN, qui fut créée le 4 avril 1949 à Washington lors de la signature duTraité de l'AtlantiqueNordpar douzeÉtats fon- dateurs, dont le Luxembourg. ministère desAffaires étrangères et européennes Xavier BETTEL à la réunion des ministres des Affaires étrangères de l'OTAN et du Conseil OTAN-Ukraine « Il ne s'agit pas de charité, mais de notre sécurité » ©MAE

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