Agefi Luxembourg - novembre 2025

Novembre 2025 41 AGEFI Luxembourg Droit / Emploi À l’heure où la performance des organisations s’évalue bien au- delà des seuls indicateurs finan- ciers, le capital immatériel, et notam- ment l’image professionnelle de leurs talents, devient un levier stratégique. Former à l’image, c’est investir dans la crédibilité, la cohésion et la culture d’influence interne. Dans un monde où la visibilité est devenue un critère de légitimité, la compétence seule ne suffit plus. Avantmêmelaparole,l’imageparle: elle traduit la rigueur, la confiance, la fiabilité. Elle reflète la culture mana- gériale et les valeurs de l’entreprise. Dans les secteurs à forte intensité rela- tionnelle, finance, conseil, direction géné- rale, cette dimension est stratégique. Les interactionssejouentsouventdansunlapsdetemps réduit : un entretien, une présentation, une réunion décisive.Etdanscesmoments,l’image,ausenslarge, pèse lourdement sur la crédibilité perçue. L’image : un indicateur invisible de gouvernance Former à l’image professionnelle, c’est travailler sur la cohérence entre la posture individuelle et le rôle collectif.Cen’estpasunequestiond’esthétique,mais de lisibilité. Un dirigeant ou un collaborateur dont la posture, la gestuelle, le style et la communication non verbale sont alignés avec les valeurs de l’entre- prise renforce, sansmot dire, la légitimitéde celle-ci. SelonlachercheuseLauraMorganRoberts(Harvard Business School), la construction consciente de l’imageprofessionnelleinfluencedirectementlaper- formance collective : elle favorise la confiance, la clarté et l’engagement. Autrement dit, une image maîtrisée génère de la cohérence, et la cohérence nourrit la performance. Dans un environnement où l’attention est fragmentéeetlaconcurrenceaccrue,laper- ceptiondevient un capital stratégique. Elle agit comme un multiplicateur de crédibi- lité : la compétence est reconnueplus vite, le message circule plus clairement, l’in- fluence s’installe plus durablement. De la communication à la culture d’entreprise Les formations à l’image ne visent pas à uniformiser les collaborateurs, mais à créer une culture de la représentationjuste.Elles permettent à chacun de comprendre l’impact de son image : apparence, attitude, communication,surlaperception globaledel’organisation.Uneéquipeali- gnée sur une posture professionnelle commune communique mieux, incarne plus solidement la marque employeur et renforce la confiance externe. C’esttoutl’enjeudelacohérencevisuelleetcompor- tementale:lorsquelesgestes,lesattitudesetlesmes- sagesconvergent,l’entrepriseparled’uneseulevoix. Les bénéfices pour l’organisation sontmultiples : – une communication interne plus fluide et hiérar- chiquement apaisée ; –uneposturemanagérialepluscrédible,notamment dans les environnementsmulticulturels ; –unemeilleureattractivitéRH,grâceàlavalorisation du capital humain ; –uneimageinstitutionnelleplusforteetplushomo- gène auprès des partenaires et investisseurs. Dans les faits, la formation à l’image agit comme un levier de performance silencieux : elle rend les interactionsplus efficaces, lesdécisionsplus claires et les collaborateurs plus conscients de leur rôle symbolique. Le capital d’influence, un atoutmesurable Plusieurs études internationales l’attestent : la per- ceptionduleadershipestétroitementliéeàlaposture etàlaprésencevisuelle.Unerecherchepubliéedans ScienceDirect (C. Hopp et al., 2023) a établi une cor- rélationentrel’apparencedesdirigeantsetlaperfor- mance économique des entreprises sur un horizon de quatorze ans. Au-delà du débat esthétique, cette donnée souligne un point essentiel : l’image visible duleadershipimpactelaconfiancedesmarchés,des partenaires et des équipes. De lamêmemanière, le personal branding ou ges- tionstratégiquedel’imageprofessionnelle,favorise l’employabilitéetlasatisfactionautravail.Uneétude de Gorbatov et al. (2019) montre que les collabora- teurs conscients de leur image se sentent plus légi- times, plus engagés et plus performants. L’entreprise, de son côté, bénéficie d’une meilleure rétention des talents, d’un engagement accru et d’une image employeur valorisée. Ces constats confortentuneévidence:l’imagen’estplusuncode social,c’estunecompétencecomportementale.Une compétence qui s’enseigne, se mesure et se perfec- tionne aumême titre que le leadership, la commu- nication ou la négociation. Former à l’image : un investissement à haut rendement Le retour sur investissement d’une formation à l’imageselitdanslaqualitédesinteractionsinternes et externes. Un manager conscient de sa posture favorise la cohésion d’équipe. Un collaborateur attentif à son langagenonverbal renforce lafluidité des échanges et la confiance du client. Un comité dedirection formé à laprésence exécutive améliore la perception globale de la gouvernance. Autrement dit, l’imagemaîtriséedevient un facteur d’alignementstratégique.Elleconsolidelacrédibilité dudiscourscorporate,améliorelatransmissiondes valeursetoptimiseleclimatrelationnel.Elleagitsur les trois axes fondamentaux de la performance : compétence, confiance, cohésion. À l’heure où les organisations cherchent à conjuguer excellence et humanité, la formation à l’image représente un levier concret de transformation. Elle réconcilie le fondet la forme, l’intentionet l’expression, la straté- gie et la perception. Vers une nouvelle culture de la présence Former à l’image, c’est aussi sensibiliser à la dimen- sion symbolique du leadership. Dans un environ- nement multiculturel et digitalisé comme celui du Luxembourg, la posture professionnelle devient un langagetransversal.Elledépasselesmotspourtrans- mettreunmessagedestabilité,deprofessionnalisme et d’ouverture. Le dirigeant qui sait incarner ses valeurs à travers son image inspire davantage. Le collaborateurquicomprendsonrôled’ambassadeur devientunvecteurnatureld’influence.Etl’entreprise quistructurecettedémarcheconsolidesaculturede présence : visible, cohérente et durable. Conclusion La formationà l’imageprofessionnellen’est pasune démarche cosmétique : c’est une politique de per- formance.Elleparticipeaudéveloppementducapi- tal humain, renforce la crédibilité institutionnelle et soutientlacohérencemanagériale.Dansuncontexte où la confiance est devenue la première monnaie d’échange, le savoir être perçu est désormais aussi important que le savoir faire. L’image profession- nelleagit commeun langagede leadership : elle tra- duitlavision,laconstanceetlamaturitéd’uneorga- nisation. Investir dans cette dimension, c’est investir dans la qualité du lien – celui qui relie les individus entre eux et l’entreprise à son environnement. Parce qu’avant d’être jugée sur ses résultats, toute entre- prise l’est sur ce qu’elle dégage et sur sa capacité à investir dans des domaines strategiques. LaurenceCLAUDE, FondatricedeWonderExecutiveImage laurence@wonderexecutiveimage.com www.wonderexecutiveimage.com Former à l’image, c’est former à la performance Allure, Leadership, Influence Par BéatrixCHARLIER* D epuis plus de vingt ans, j’analyse les générations en entreprise : leurs valeurs, leursmoteurs, leurs freins inconscients, leur rapport aumonde. Et aujourd’hui, un constat s’impose : ce que beaucoupnomment “choc des générations” est en réalité un sujet de gouvernance. Les tensions ne viennent pas de l’âge. Elles émer- gent parce que les organisations peinent à orchestrer des cultures, des attentes et des niveaux de conscience différents. Onne gère pas une génération : ongouverne un collectif. Trois générations façonnées par des rupturesmajeures Même si les générations X, Y et Z cohabitent aujourd’hui dans l’entreprise, elles ont été structurées par deux secousses historiques : - Les ruptures historiques : crisesfinancières, sociales, climatiques, sanitaires. Elles ont redéfini la confiance, la stabilité, le rapport au travail. -Lesrupturestechnologiques:digitalisation,IA,nou- velles formes de collaboration. Elles ont bouleversé les repères, les rythmes et lesmodes d’apprentissage. Cedoublechoccréedeslecturesdumondetrèsdiffé- rentes. LaGenX : laWiseGeneration Élevéedansl’idéequel’entrepriseétaitunlieudecar- rière et de sécurité, elle a vu ce contratmoral se briser en 2008. Elle apporte aujourd’huimémoire organisa- tionnelle, résilience et stabilité. LaGenY : laNowGeneration Elle a imposé la quête de sens, l’équilibre de vie, l’agi- lité.Cesvaleurs,longtempsincomprises,sesontrévé- lées vitales pendant le Covid. Elle apporte transfor- mation, collaboration et fluidité. LaGenZ : laNextGeneration Elle grandit dans l’éco-anxiété et les tensions géopoli- tiques. Sa grille de lecture n’est plus “carrière”, mais “impact”.Elleoscilleentre Fight (engagement), Freeze (sidération)et Flight (retrait).Elleapporteluciditééco- logique et exigence de cohérence. À travers mes échanges sur le terrain, notamment avec des jeunes leaders engagés comme Nikita Colas, une constante émerge : Pour la Z, l’entreprise doit être une partie de la solution, pas duproblème. Mais l’intergénérationnel n’est pas une affaire d’âge Au-delàdes étiquettes : une questionde valeurs et de conscience.Réduirelesindividusàunesimpleappar- tenance générationnelle serait une erreur. Dès 2016, notreenquêtesur LeturnoverdelaGénérationY amon- tré qu’à peine 30 % d’entre eux portaient réellement les « valeurs Y ». Sur plus de 5 000 données récoltées en vingt ans, mes analyses montrent que 82 % des tensions attribuées aux générations proviennent de divergences de valeurs et de niveaux de conscience, et nond’écarts d’âge. Autrement dit : ceque l’onappelle « choc des géné- rations » est d’abordun choc de lectures dumonde. Pourquoi la collaboration intergénérationnelle devient vitale Nous vivons une urgence darwinienne. Les entre- prisesquisurvivrontneserontpascellesquiopposent leurs générations, mais celles qui les font dialoguer. L’intergénérationnel n’est donc pas un sujet de jeu- nesse : c’est un sujet de gouvernance, de valeurs et de modèle organisationnel. Les enquêtes présentent un réel basculement sur les enjeux en entreprise. - 73% des employés déclarent rencontrer réguliè- rement des difficultés à collaborer avec des col- lègues d’autres générations selon l’étude “Multigenerational Workforce” de PwC - 89 % des Gen Z et 92 % des Millennials estiment qu’un travail porteur de sens est essentiel. - 57%des Gen Z utilisent déjà l’IAgénérative dans leur quotidien professionnel. - 48 %des Gen Z et 46 %des Millennials ne se sen- tent pas financièrement en sécurité. Ces chiffres ne traduisent pas un caprice. Ils révèlent un basculement profondde nos sociétés. La jeunesse ne “pose pas problème”. Elle révèle ce qui dysfonc- tionne déjà. Les entreprises qui s’adapteront seront celles qui saventmultiplier les forces de leurs généra- tions, pas simplement les additionner. Cinq leviers pour activer l’intelligence intergénérationnelle 1. Cartographier les compétences & créer des convergences de talents Chaquegénérationapporteuncapitalinvisible(tech- nique, relationnel, sociétal) souvent sous-utilisé. Action : réaliser des cartographies de talents pour identifier les compétences émergentes (écologie, numérique,softskills).Encroisantlesgénérations,on crée des équipes hybrides dont le match des talents devient un levier direct d’innovationdurable. 2. Instaurer du mentorat inversé & des dialogues croisés Les Gen Z veulent être entendus. Leur voix est pré- cieuse pour actualiser les pratiquesmanagériales. Action : mettre en place des binômes intergénéra- tionnels où les jeunes accompagnent lesplus expéri- mentés sur le digital, l’écologie ou la transformation sociétale. 3. Remplacer les entretiens d’évaluation par des entretiens d’évolution Le contrôle démotive ; le développement fidélise. Action : transformer les entretiens annuels en ren- dez-vous centrés sur les aspirations, les valeurs et l’impact. Cela répond aux attentes de sens : près de 90%des jeunes générations placent le sens au cœur de leur satisfaction professionnelle (Deloitte 2025). 4. Renforcer le sens, l’engagement et l’alignement des valeurs Les nouvelles générations quittent une entreprise si elles jugent sonengagement superficiel. IsaacGetzl’a montré : une “entreprise altruiste” attire car elle incarne réellement ses valeurs. Action : clarifier la raison d’être, rendre visibles les engagements,impliquertouteslesstrates–dirigeants, managers, employés – dans des projets à impact concret. 5. Flexibilité&bien-êtremental Moinsde60%desGenZetMillennialsestimentavoir unebonnesantémentale,etl’anxiétéestuneconstante (Deloitte 2025). Action : développer la flexibilité (télétravail, horaires aménagés),formerlesmanagersàl’écouteetàlabien- veillance, reconnaître les efforts au-delà des résultats chiffrés. Conclusion Ce que révèlent les comportements des nouvelles générationsn’a riend’unchocdes âges. Ils expriment autre chose : - le refus de l’épuisement, - la quête de sens, - l’exigence de cohérence, - la justice organisationnelle, - le respect du temps humain, - le désir d’impact. Cesnouveauxcritèresdeperformancedurabledépas- sent les cycles générationnels : ils révèlent la capacité d’une organisation à faire converger ses valeurs, à reconnaître la pluralité des intelligences et à transfor- mer cette diversité en force opérationnelle. L’entreprise de demain ne gagnera pas parce qu’elle comptera plus de jeunes ou plus de seniors, mais parce qu’elle aura développé une gouvernance suffi- sammentmaturepourorchestrerl’interculturalité,les talentsetlesrythmesd’évolutiondechacun.C’estcette maturité,mesurable,cultivableetstratégique,quifera ladifférenceentrelesorganisationsquisubissentl’ave- nir et celles qui le construisent. * Béatrix Charlier, Chercheuse en intelligences multiples | Experte en collaborationintergénérationnelle|FondatriceTemp’Operandi&P’OP |Auteurede«Activezlestalentsdevotreentreprise»,2021-«Réveillez vostalents»,2024|J’aidedirigeants,équipesetétudiantsàactiverleurs talentsetcréerdesorganisationsdurables.Vo irsurhttps://p-op.lu L’intergénérationnel, un enjeu de gouvernance pour l’entreprise, pas un choc des âges

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