Agefi Luxembourg - décembre 2025

AGEFI Luxembourg 36 Décembre 2025 Droit / Emploi L e 4 septembre 2025, la Cour de justice de l’union euro- péenne (« CJUE » ou « la Cour ») a rendu sa décision dans l’affaire SCArcomet Towercranes STL (C-726/23) relative aux consé- quences TVA d’un ajustement de prix de transfert réalisé enmatière d’impôts directs. ParCédricTUSSIOTetTomasPAPOUSEK, Partner, et Michel LAMBION, Managing Director, Deloitte Tax&Consulting Le groupeArcomet est actif dans la vente etlalocationdegrues (1) .Danscecadre,Ar- cometBelgiumrenduncertainnombrede services aux autres sociétés du groupe dontArcometRoumanie.Leprincipalser- vice est de trouver auprès de fournis- seurs tiers les grues nécessaires. Le prix prévu dans le contrat conclu entre Arco- met Belgique et Arcomet Roumanie est basé sur une étude de prix de transfert réaliséepar un expert pour le comptedu groupe Arcomet et conduite selon les lé- gislationsnationalesetleslignesdirectrices del’OCDEenmatièredeprixdetransfert. Lebutdecesrèglesestdes’assurerqueles prixconvenusentrepartiesliéessoient« at arm’s lenght », donc, comparables à ceux qui seraient pratiqués entre personnes in- dépendantes et de prévenir d’éventuels ajustements de ces prix par les autorités fiscalesnationales.Cetteétudeaétablique, compte tenu des rôles et responsabilités d’Arcomet Belgique et Roumanie, la marge commerciale de cette dernière de- vrait se situer entre moins 0,71% et plus 2,74% de son chiffre d’affaires. Il s’agit ici d’une application de la méthode de la margenettetransactionnelle(“ transactional net marginmethod” (TNMM) ). Arcomet Roumanie qui a réalisé une marge supérieure aumaximumde 2,74% reçoit trois factures émises par Arcomet Belgiquecorrespondantauxmontantsqui luisontdus,notammentenapplicationde la politique susmentionnée de prix de transfert.Arcomet paye laTVAroumaine sur deux des factures et considère que la troisièmeconcernedesopérationshorsdu champs’applicationdelaTVA.Elledéduit laTVAqu’elleapayéepuisquesesactivités de vente et de location sont entièrement soumises à laTVAet lui ouvrent, enprin- cipe,undroitàdéductiontotal.L’adminis- trationroumainetoutencollectantlaTVA payéesurlesdeuxpremièresfactureseten exigeantlepaiementdelaTVAsurlatroi- sième refuse ladéductionenamont dede cette TVA au motif qu’Arcomet n’aurait pas démontré la nécessité de ces services pour ses opérations imposables (2) . Arcomet porte l’affaire devant la justice roumaine qui décide de poser la question àlaCJUEdesavoirsiuntelajustementde prix de transfert constitue ou non une prestationde services soumise à la TVA. La Cour rappelle tout d’abord qu’il ne peutexisteruneprestationdeserviceréa- lisée à titre onéreux que s’il existe un rap- port juridique, qui est ici le contrat, et un lien direct entre le service rendu et la contre-valeur reçue, qu’elle estime exister même si le contrat ne détermine pas le prix en tant que tel, mais qu’il fournit les éléments permettant de le déterminer. Elledécidedoncque«(…) larémunération deservicesintragroupe ,(…) etcorrespondàla partie de la marge d’exploitation supérieure à 2,74 % réalisée par ladite filiale, constitue la contrepartie d’une prestationde services effec- tuéeàtitreonéreuxrelevantduchampd’appli- cation de la taxe sur la valeur ajoutée . ». Decepointdevue,laCourreprendledis- positif suggéré par l’avocat général dans ses conclusions. En revanche, elle ne re- prend pas à son compte les développe- ments que celui-ci avait consacré à l’hypothèse d’une marge inférieure à - 0,71% qui aboutirait à un paiement par Arcomet Belgique àArcomet Roumanie. Il avait, en effet, considéré quedans cette hypothèse d’une marge négative infé- rieure,Arcomet Roumanie émettrait une facture. Or, utiliser le terme de « factu- rer » laisse supposer, tant dans le langage courant que celui de la TVA, qu’il existe uneventedebiens, ou, ici, de services. Ici, il yaurait donc, selon l’avocat général, un service rendu par Arcomet Belgique à Arcomet Roumanie. Or, comme indiqué dans notre article du mois de juillet consacré aux conclusions de l’avocat général, il est assez difficile d’envisager, sur la base des informations disponibles, à savoir les conclusions et le texte de la demande de décisionpréjudi- cielle,quelpourraitbienêtreleservicequi serait rendu par Arcomet Roumanie à Arcomet Belgiquedansun tel cas. Il nous semblaitdoncqu’untelpaiements’inscrit dansunmécanismed’ajustement duprix du service d’Arcomet Belgique : la mai- son-mère supporte laperte lorsqu’elleex- cèdeuncertainmontant (margenégative excédant 0,71%) parceque le servicen’est pas efficace, comme lorsqu’une entre- prise accorde un rabais lorsque le client est déçu du service reçu, et qui reçoit les profits jugés excédentaires lorsque le ser- vice est, aucontraire, particulièrement ef- ficace, par exemple lorsqu’un prestataire reçoit un « success fee ». Ceci nous semble cohérent avec la répartition des risques assumés par les parties et donc de la ré- partition des bénéfices qui en découlent, ce qui est l’essence même des règles de prix de transfert : Arcomet Roumanie ne gagnera jamais beaucoup mais est assu- rée voir ses pertes limitées. Le fait que la Cour ne reprenne pas les développements de l’avocat général sur la marge négative et se tienne à une ap- proche stricte du lien entre la prestation et la rémunérationnous semble conforter cette analyse. Comme nous l’avions indiqué, ceci n’est nullementthéorique.Eneffet,reconnaître qu’un ajustement de prix de transfert constitue à lui seul un service distinct au- rait un impact financier pour les entre- prises qui n’ont pas de droit à déduction ou un droit limité, comme celles du sec- teur financier, des assurances, de la ges- tion de fonds, immobilier, etc. Par ailleurs, la Cour confirme que le droit àdéductionnepeut être soumis àunexa- mendelanécessitédeladépense.Comme indiqué dans notre article de mai, cette conditionavait déjà été rejetéepar laCour dans l’affaireWeatherfordAtlasGrip (3) . La Cour confirme aussi que les autorités fis- calespeuventdemanderdesinformations autresquelesfacturespourprouverlelien entre les dépenses engagées par les assu- jettisetleursopérationsouvrantdroitàdé- duction pour autant que ces demandes soient nécessaires et non disproportion- nées, et, que si une facture valide est une des conditions de la déduction, l’absence de certaines mentions formelles n’est pas suffisantequepourrefuserladéductionsi elle dispose de toutes les conditions pour vérifier que les conditions relatives à ce droit sont satisfaites. En conclusion, la décision de la Cour a le méritedenepasreprendrelesdéveloppe- ments de l’avocat général sur la situation dans laquelle le prestataire doit payer un ajustement de prix au bénéficiaire du ser- vicelorsquecedernierréaliseuneperteex- cédantleniveauconvenudemoins0,71%. En revanche, elle ne tranche pas cette question qui pourrait revenir un jour de- vant les juridictions européennes. De même,laCourn’aabordéqu’unedesmé- thodes utilisées en matière de prix de transfert, celle de la marge nette transac- tionnelle. Il n’est donc pas certain que la même analyse puisse s’appliquer aux au- tresméthodesàsavoircellesduprixcom- parable non contrôlé (« uncontrolled price (CUP) method »), du prix de revente (« re- sale price ») , du coût majoré (« cost plus ») et dupartagedes bénéfices (« transactional profit split »). Cette absence de solution unique, de « One size fit all » et donc de la nécessité d’une approche au cas par cas avait d’ailleurs étémise enévidencepar la Commission européenne dans sondocu- ment de travail 923 (« Possible Implications of Transfer pricin g » du 28 février 2017, 923 - VAT Implications of Transfer Pricing.pdf ). Enfin,lesrappelsenmatièrededroitàdé- duction sont aussi les bienvenus. Cettedécisionapportedonssapierresans pourautantréglertouteslesquestionsliées aux implications du transfer pricing en matière de TVA. Espérons qu’elle appor- teraunenouvellepierredanslaprochaine affaire qu’elle aura à traiter en la matière, Stellantis Portugal SA (4) et gageons que d’autresaffairescompléterontl’édifice.En- tretemps, les entreprises concernées doi- vent rester plus vigilantes que jamais. 1) Nous reprenons ici les éléments factuels déjà in- clusdansl’articledejuilletconsacréauxconclusions del’avocatgénéral. 2)Cetteargumentationestprochedecellequecette même administration dans l’affaire Weatherford Atlas Grip SA (WAG) (notre article de mai) et qui futrejetéeparlaCJUE. 3)C-527/23,12décembre2024. 4) L’affaire Stellantis Portugal SA (C-603-24) a été introduite auprès de la Cour le 16 septembre 2024, cequi,comptetenudesdélaishabituelsdelaCour, permet d’espérer une décision 2026 (fin de l’an- née).StellantisPortugalachètedesvoituresauprès desusinesdugroupeetlesrevendauxconcession- naires locaux. Dans le cadre de la garantie accordé aux clients, les concessionnaires facturent les répa- rations à Stellantis Portugal qui, sur la base des contratsconclusaveclesusinesprocède,àunajus- tementduprixd’achatdesvoituresquiluigarantit sa marge bénéficiaire. La Cour devra décider si, à l’instar de l’administration fiscale portugaise, cet ajustementconstitueuneprestationdeservices. Traitement TVAd’un ajustement de prix de transfert L a cérémonie duPrix de l’Environne- ment de la FEDIL 2025 s’est tenue le 27 novembre à laBanque de Luxembourg, enprésence duministre SergeWilmes, des membres du jury et des lauréats. Pour cette 19 e édition, 16 projets étaient en compétition et quatre prix ont été attribués, reflétant l’en- gagement du tissu économique luxembour- geois en faveur de la transition écologique. Catégorie «Gestion » – Carrières Feidt : «Renaturationdes carrières » CarrièresFeidt, exploitant plusieurs sites auLuxem- bourget enAllemagne, aétédistinguéepour sa stra- tégie exemplaire de renaturation. Dès les premières étapes d’exploitation, l’entreprise planifie la seconde vie des carrières, avec pour objectif de restituer des habitats naturels fonctionnels. Deux approches sont menées : la création d’écosys- tèmes variés (lacs, zones humides, haies, biotopes) favorisant une biodiversité riche, et la régénération spontanéede lanature, notamment via laplantation de 500 arbres fruitiers et l’installation de structures de niche pour espèces rares. Chaque site bénéficie d’un projet de restauration adapté, garantissant un héritage écologique durable. Catégorie « Procédé » – PaulWurth : « EASyMelt » PaulWurth a développé EASyMelt, une technologie innovante destinée à décarboniser la production d’acier. Elle convertit les gaz résiduels des aciéries en gazdesynthèseetutiliseunchauffageélectriqueren- forcé par des torches plasma, permettant de réduire lesémissionsdeCO₂deplusde50%,voirejusqu’à70 %. Flexible, évolutive et compatible avec différentes sources d’énergie dont les renouvelables et l’hydro- gène, EASyMelt modernise les installations exis- tantes sans nécessiter de nouvelles infrastructures lourdes. En diminuant la dépendance au charbon et en améliorant les coûts d’exploitation, cette solu- tion renforce la compétitivité du secteur tout en ac- compagnant sa transitionvers la neutralité carbone. Catégorie « Produit » – HuskyTechnologies : « PETClosure » Husky amis aupoint un bouchonpour boissons en PET compatible avec des bouteilles également en PET, créant ainsi unemballagemonomatériauentiè- rement recyclable. Fabriqué en PET vierge, recyclé oumixte, ce bouchon améliore le rendement du re- cyclage, réduit le tri et diminue la quantité totale de matériau utilisée. Ses propriétés rigides permettent aussi un allègement significatif. Grâce à la technologie HyCAP SecuRE+, il offre une inviolabilitérenforcée,avecunedéformationcontrôlée de la bague d’ouverture et un retour sensoriel amé- lioré. Cette innovation établit une nouvelle norme pour l’emballage durable des boissons. Catégorie « Produit » - ArcelorMittal : « XCarb®Recycled and renewably produced steel » ArcelorMittal a été récompensée pour son acier XCarb®, produit à partir d’une proportion élevée de ferrailledansdesfoursàarcélectriquealimentésà100 % par des énergies renouvelables. L’empreinte car- bone peut descendre à 300 kg CO₂ par tonne d’acier fini, contre unemoyennemondiale de 2,3 tonnes. Certifiée via garanties d’origine et répondant à des standards élevés de qualité, cette gamme répond à la fortedemanded’acierbascarboneenEurope.Plusde 500000tonnesontdéjàétélivréesdanslemonde.To- talement recyclable, cet acier contribue à l’économie circulaire et à l’améliorationde la qualité de l’air. Unprix ancré dans une stratégie durable Les quatre projets primés satisfont aux critères de la FEDIL : innovation, intérêt écologique, faisabilité et contribution au développement durable. Les lau- réatsont reçu leursdistinctions accompagnéesdevi- déos mettant en lumière leurs initiatives. Dans son discours, Georges Rassel, président de la FEDIL, a rappelé la vocation du prix : encourager des solu- tions concrètes soutenant la transition écologique toutenassurantunetransitionjuste,préservantcom- pétitivité, emploi et viabilité économique. Il a salué laqualitédesprojets, illustrant l’engagement des en- treprises luxembourgeoises. La soirée a également accueilli une conférence de Domenico Franceschino (Axpo Benelux) sur la du- rabilité économique de la transition énergétique. Il a insisté sur la nécessité demodèles financiers solides pourdéployer les énergies renouvelables et sur l’im- portance du rôle des fournisseurs d’énergie dans la gestion des risques demarché. Créé en 1987, puis organisé en alternance biennale avec le Prix de l’Innovation, le Prix de l’Environnement de la FEDIL s’affirme comme un vecteur essentiel de promotion de pratiques industrielles responsables au Luxembourg. Remise du Prix de l’Environnement de la FEDIL2025 ©FEDIL

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