Agefi Luxembourg - octobre 2025

Octobre 2025 31 AGEFI Luxembourg Fonds d’investissement Par Leïla KAMARA, Kamara Advisory* L ’investissement socialement res- ponsable n’a cessé de prendre de l’ampleur au cours de la dernière décennie (Ferrat, 2023) et la littérature académique accorde une importance croissante à ce thème depuis les années 2000 (Capelle-Blancard & Petit, 2013). Selon Kordsachia et al. (2022), les investisseurs institution- nels durables en Europe favo- risent la performance envi- ronnementale et leur conscience, dans ce domaine, va en augmentant du fait des réglementations européennes. Les dernières données du marché financier indi- quent plusieurs tendances. D’abord, nous noterons une progression de 8 % des actifs gérés par les fonds durables sur le plan mondial, s’établissant à $3,2 trillions en 2024. Ensuite, sur le plan régional, avec une part de 84%, l’Europe domine largement le marché en gérant $2,7 trillions (United Nations, World Investment Report 2025). Les fonds d’investissements durables relevant des articles 8 et 9 de la réglementation SFDRont atteint un volume total de €114,7 milliards en 2024, soit une augmentation annuelle de 15,7 % et un enre- gistrement d’entrées nettes de €3,3 milliards (EFAMA, Fact Book 2025). Ces données indiquent une appétence pour les fonds durables, lesquels, par leur terminologie, rappellent de façon symbolique la performance d’un investissement à long terme, comme l’indique Déjean (2006). La notionde performance des fonds durables nous amène à nous interroger sur les dif- férentes stratégies dont les gestionnaires disposent pour parvenir à générer à la fois un impact sur la performance financière, condition sinequanone de tout investissement, et sur la performance environ- nementale. Les techniques de screening positif (sélection) auront davantage tendance à chercher à réaliser une per- formance financière en comparaison au screening négatif (exclusion) (Revelli, 2012). Le choix de ges- tion actif ou passif relève là-aussi des objectifs de performance. Selon une étude réalisée par Yaci (2025), les fonds durables passifs offrent une meil- leure performance nette grâce à des frais plus fai- bles, tandis que les fonds durables actifs présentent unemeilleure intégration ESGet un enga- gement actionnarial plus poussé. Dans le passé, l ’engagement était caractérisé par l’influence que l’actionnaire exer- çait sur les dirigeants des entreprises par le biais des droits de vote (Revelli, 2012). Aujourd’hui, l’ engagement est un processus qui se caractérise par undialogue continuel, instauré dans la durée, basé sur la confiance et la connaissance mutuelle, et qui in- clut des processus d’escalades pouvant être activés par les investisseurs et terminer par un désinvestissement. L’ engagement se pratique avec les entreprises listées et les entreprises privées ( Pri- vate Equity ), néanmoins l’ap- proche diffère selon la taille de la société et de l’actionna- riat. En l’occurrence, les sociétés de gestion ont compris l’importance de l’influence qu’elles peu- vent exercer sur les firmes et ont créée, en 2017, une initiative appelée ClimateAction 100+ leur per- mettant de parler d’une seule voix aux dirigeants dont elles sont communément actionnaires. En 2023, l’initiative regroupait plus de 700 investis- seurs représentant $68 trillions d’actifs engagés sur des objectifs climatiques. Les rapports publiés an- nuellement sur leur site internet présentent des exemples concrets de réussites, illustrant l’impact de leurs actions auprès de dirigeants de grands groupes internationaux. En tant qu’investisseur, prendre conscience et agir, c’est déjà une prise de contrôle. Le récent rapport de l’OCDE ( Panorama de la Gouvernance d’entreprise 2025 ) indique que les investisseurs institutionnels détiennent près de la moitié des sociétés cotées en bourse dans lemonde représentant une capitalisa- tion boursière de $125 trillions. Avoir lamainmise sur le capital, c’est concrétiser une prise de contrôle. En effet, à mesure que le nombre d’investisseurs durables augmente et que leur participation dans le capital des entreprises croît, les équipes diri- geantes doivent aligner leur politique de gouver- nance à leurs exigences. D’après une étude réalisée par KPMG et publiée en 2025, sur un échantillon de 375 grandes entre- prises cotées à travers 15 pays, 78 % des entre- prises prennent désormais en compte des critères ESG dans la rémunération de leurs dirigeants. Par ailleurs, bien que les droits de vote ne soient pas de rigueur dans toutes les juridictions, ils se démo- cratisent dans un nombre grandissant de pays at- teignant 60 % de juridictions contre 44 % en 2020 (OCDE, 2025). Ce sont autant de signes qui prou- vent que les actions menées par les investisseurs durables génèrent des impacts concrets et qu’elles ont de plus en plus de chance d’en réaliser. Bien que, par ailleurs, la Commission Européenne ait pris la décision de simplifier plusieurs aspects de ses réglementations ESG, il n’en reste pasmoins que les investisseurs durables disposent d’unnom- bre important de leviers pour réussir leur parcours d’investissement. Dès l’étape de définition des ob- jectifs, l’utilisation du Target-Setting Protocol (TSP) développé par les Nations Unies dans le cadre de l’alliance Net-Zero Asset Owner (NZAO), leur per- met d’établir des cibles transparentes, cohérentes et mesurables. Il est non seulement essentiel de fixer des objectifs dès le lancement du fonds mais il est primordial de s’y tenir, au risque de pratiquer du greenwashing , et plus précisément du greenrin- sing qui désigne la modification régulière des ob- jectifs ESG avant même de les atteindre. Parmi les quatre volets de cette méthodologie de définition d’objectifs, l’un concerne la stratégie d’engagement qui exige de l’investisseur qu’il dé- finisse au moins deux indicateurs parmi quatre types d’engagement : (1) S’engager auprès de 20 entreprises à fortes émissions de carbone, (2) Par- ticiper à des initiatives d’engagement menées par NZAO, (3) Contribuer à des publications, et (4) Participer à des actions sectorielles d’engage- ment aux côtés de NZAO. Ces objectifs d’engage- ment sont parfaitement alignés avec les recommandations de la TCFD et le pilier IFRS S2, qui nécessitent une transparence sur la gouvernance afin de permettre aux investisseurs d’évaluer les risques et opportunités liés au climat. Lors de la sélection d’un actif, le gestionnaire de fonds devrait appliquer le processus Measuring, Re- porting, Verification (MRV), consistant à mesurer, rapporter et vérifier l’empreinte carbone de l’entre- prise, afin de quantifier l’exposition financière liée à son impact climatique. End’autres termes, il s’agit d’évaluer le coût de ses émissions. En effet, les risques climatiques constituent un risque financier pour tout actif susceptible d’être endommagé ou détruit par des événements climatiques tels que les inondations, les ouragans ou les sécheresses. Dans ce cadre, les investisseurs sont invités à don- ner la priorité aux entreprises à fortes émissions de carbone, facilement identifiables grâce à la recon- naissance des secteurs polluants, largement har- monisée entre les différents cadres d’évaluation (les recommandations de la TCFD (transférées à la fon- dation IFRS en 2023), les objectifs de réduction des émissions fondés sur la science définis par le SBTi, la Taxonomie européenne ou encore lemarché eu- ropéen d’échange de carbone EU ETS). Ces sec- teurs incluent principalement : l’extractionde char- bon, le pétrole et le gaz, les services publics d’électricité, l’automobile, l’aviation, le transport maritime, l’acier, le ciment, le papier, l’aluminium ou les produits chimiques. Dans lamesure où la stratégie d’ adaptation est plus pérenne que la stratégie de mitigation , car elle im- plique une anticipationdu changement climatique en déployant des solutions qui minimisent les dommages environnementaux, il serait judicieux d’orienter ses investissements vers des actifs pol- luants capables d’innover leurs modèles de pro- duction avec des solutions d’ adaptation . Cela est d’autant plus vrai que l’image des entreprises dîtes polluantes est dévalorisée aboutissant à une dépré- ciation de leurs cours boursiers, car les investis- seurs s’en détournent (Nekhili & Bidet, 2020). L’investisseur dispose de trois types d’approches pour évaluer le plan de transition d’une entre- prise : (1) De manière autonome, (2) En le compa- rant à un benchmark sectoriel (par exemple, Net Zero Company Benchmark développé par Investor Action 100+ ), (3) Ou en l’évaluant par rapport à un benchmark dirigé par des investisseurs (par exem- ple, Transition Pathway Initiative (TPI) , un outil en libre accès permettant aux investisseurs de déve- lopper leurs propres modèles). Pour un gérant de portefeuille engagé dans l’inves- tissement durable, démontrer sa capacité à sélec- tionner des actifs prometteurs sur le plan financier tout en étant en mesure d’expliquer clairement l’impact non-financier généré par son fonds consti- tue à la fois une preuve de sa performance et un gage de crédibilité. Dans un contexte où le niveau de technicité est élevé, cela implique également de savoir vulgariser le discours afin de le rendre ac- cessible à un large public d’investisseurs. Le véritable défi consiste à expliciter les risques et opportunités identifiés au sein des entreprises, des secteurs et des zones géographiques, puis de les traduire en données financières aisément exploita- bles et compréhensibles. S’agissant d’impact envi- ronnemental, les résultats ne peuvent être évalués que dans le temps. Dans ce contexte, l’ engagement, au sein de sa propre organisation, vis-à-vis des in- vestisseurs et des entreprises constitue un levier stratégique que les gestionnaires de fonds durables doivent pleinement s’approprier en vue de générer un impact environnemental. * Leïla Kamara est docteur en administration des affaires, chercheur associé au Business Science Institute, spécialisée en investissement durable à impact environnemental, fondatrice de KamaraAdvisory, la S.I.S. du Grand-Duché de Luxembourg dédiée à la promotion de l’investissement durable. « L’engagement », un véritable levier de l’investissement durable pour générer un impact environnemental By Yindong HU, Legal Officer & Francois-Xavier Le CORRE, Senior Manager, MC Square S.A. O n 29 September 2025, theGo- vernment approved a bill to transposeDirective (EU) 2024/927 (“AIFMDII / UCITSupdate”) and filed it on 3October 2025. The bill amends the 2010UCI Lawand the 2013AIFMLaw. Its direction is clear: preserve the European delegationmodel, streng- then liquidity governance, clarify custody chains, ex- pand reporting, and crucially create a harmonized frame- work for loan-originatingAIFs. Within that commonEU framework, Luxembourg also exercises certain national discretions to reflect local policy choices and market practice. These changes are material and warrant close attention frommanagers and service providers. Regulatory Background and Transposition Luxembourg builds its fund rules by transposing EU directives into national law. This ensures EU compliance and, where the directive allows, leaves room for limited national options. The 2010 UCI Law transposed UCITS IV (2009/65/EC) and was aligned with UCITS V (2014/91/EU) in 2016, setting the retail fund frame- work on liquidity and depositarymatters. The 2013 AIFMLaw transposedAIFMD (2011/61/EU), intro- ducing authorizationofAIFMs, delegation controls, depositary duties, supervisory reporting, and in- vestordisclosure.Inthelastdecade,cross-borderdel- egation became standard, liquidity stress exposed gaps, andprivate credit grewquickly.AIFMDII up- dates UCITS and AIFMD. Its transposition allows Member States to make targeted implementing choices without undermining EUobjectives. Luxembourg’s national options This section focuses on how Luxembourg uses the transposition to inject country-specific considera- tions, with several flexibilities further underlined in the bill’s commentary. - Luxembourg exercises the option under AIFMD II to ban AIFs from granting loans to consumers on Luxembourg ter- ritory and from managing such loans. This appears as new Article 4-1 of the AIFM Law. A point for AIFMs to note: the decisive test is whether the borrower is a consumer in Luxembourg, not where theAIF/AIFM is established. The com- mentary also clarifies that, where the FR/EN versions diverge, the English reading pre- vails. This provision is a cornerstone of the new law: it draws a clear con- sumer-protection peri- meter and loan funds with retail-like exposure must ring-fence LU con- sumers or structure servic- ing outside Luxembourg. - The full transitional regime for legacy loan funds deserves attention. Under Article 58(7), loan-origi- natingAIFs set upbefore 15April 2024 are deemed compliant with the new caps during the transition and may not increase exposures above those caps. Managers may opt in early by notifying the CSSF and adhering to the new requirements. - Beyond theAIFMDII “minimumtoolbox” for liq- uidity, Luxembourg specifies notification duties and empowers the CSSF—in exceptional circum- stances—to require activation or deactivation of suspensions and other Liquidity Management Tools in the interest of investors and financial sta- bility. This comes via Article 27 of the bill, amend- ing UCITS LawArticle 12 and introducing Annex III. The result is a codified supervisory override: managers should formalise governance, escalation paths andmarket-wide coordination expectations. - The bill introduces an auditor-report derogation for in-kind subscriptions by SICAVs. NewUCITS LawArticle 26(5) uses an EU company-lawoption to exempt certain in-kind share issues from a mandatory réviseur report, and the commentary invites alignment of FCP practice for symmetry. Market feedback is broadly positive: the change is expected to enhance UCITS competitiveness and increase Luxembourg’s appeal for ETFs, given that UCITS can operate as ETFs and, where con- ditions are met, in-kind creations can proceed without the prior audit report. Next Steps The bill is now subject to the legislative process and may therefore evolve before final adoption. Once approved by the Luxembourg Parliament, it is expected to enter into force inApril 2026, except for the reporting provisions, whichwill apply only fromApril 2027. ForAIFMproviders, Luxembourg’s transposition can be seen as pragmatic and balanced. It fully em- braces EUharmonisationwhilemakingmeasured use of national discretions — setting a clear con- sumer-lending boundary, granting loan funds a stable transition, formalising CSSF oversight on liquidity tools, and modernising SICAV in-kind mechanics. Reference: Dossiers parlementaires | Chambre des Députés du Grand- DuchédeLuxembourg Latest Luxembourg National transposition: Key Impacts underAIFMD II &UCITS

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