AGEFI Luxembourg - juin 2025

AGEFI Luxembourg 22 Juin 2025 Conseil / RSE By Nessym Jules TIR, Avocat/Partner, Global Compliance & Investigations, Wolff & Partners SCS, Attorneys at law T heGroup of States against Cor- ruption (“GRECO”) was establi- shed in 1999 by theCouncil of Europe tomonitor States’ compliance with the organisation’s anti-cor- ruption standards. (1) Its mission is to ensure that peers complywithCoun- cil of Europe anti-corrup- tion standards. It helps to identify gaps innational anti-corruptionpolicies and thus encourages States to carry out what are considered to be necessary legislative, institutional, and practical reforms through evaluation cycles. In its annual report, published on 5 June 2025, GRECOshares its latest findings and particularly enlightening trends. First, GRECOPresident DavidMeyer believes that, over the past year, geopolitical developments, eco- nomic instability, and rapid technological ad- vances have reshaped corruption risks and governance dynamics. In 2024, GRECO adopted 19 compliance reports and interim compliance reports during the 4th Round on the prevention of corruption of parlia- mentarians, judges, and prosecutors. GRECO believes that Member States need to strengthenpublicaccesstoMPs’assetdeclara- tions and improvemonitoringmechanisms. In addition, GRECO welcomed the progressmade in the regulationof lobbying activities, including improvements to exist- ing provisions and measures taken to estab- lish or improve lobbyists’ registers. However, the transparency of lob- bying activities remains insuffi- cient and theprovisions ongifts, hospitality, and other benefits need to be improved. GRECO’s annual report also un- derlinesGRECO’sconcernwithre- spect to the threats to the independence of judges and the weaknessesofthestructurespromotingthe separationofpowers.Newcodesofethicsorguidance for judges and prosecutors have been adopted or re- vised. In addition, GRECOwelcomed the measures takenbyseveralMemberStatesrequiringjudgesand prosecutors to submit declarations of assets, income, and financial interests, while strengthening verifica- tion and control by an independent body (2) . GRECO’s 5th Evaluation Round covers two cate- gories:personsholdingseniorexecutivepositions,and lawenforcement authorities. Althoughpositivetrendshavebeenobserved,impor- tantstepsstillneedtobetakenwithregardtothosein seniorexecutivepositions.Accordingtotheannualre- port, people in high executive positions should serve as a reference and set an example in terms of probity. GRECO recommended that several countries take further steps for codes of conduct, in order to ensure that all integrity-related issues are comprehensively addressedand toprovide clearer guidanceonkey is- sues, including conflicts of interest, post-termination restrictions, and lawenforcementmechanisms. Regular integrity training is essential to raise aware- ness among persons holding senior executive posi- tions, as is the establishment of confidential advice specificallydedicatedtointegrity,conflictsofinterest, and corruption prevention. GRECO recommended improving the management of conflicts of interest, whetherregularoradhoc,byclearlydefiningtheap- plicable provisions and procedures. The implemen- tationofcodesofconductshouldbeensuredthrough effective monitoring mechanisms, accompanied by appropriate sanctions (3) . In this context, GRECOhas stressed to several coun- triestheimportanceofriskassessmentwhendefining anti-corruptionpolicies,strategieswithinlawenforce- ment authorities, and the need to carry out compre- hensive risk assessments in order to identify areas exposed to corruptionandnewthreats. It is clear that sustainable steps need to be taken to establish inde- pendent and well-structured confidential advisory mechanisms. Newchallenges… In its latest “Corruptionperceptions Index 2024” re- port published last February, (4) Transparency Inter- national stressed that governments, international organisations, andcompaniesmust prioritise the in- tegrationof robust anti-corruptionmeasures intocli- mate finance, policies, and projects. Indeed, close collaboration between climate and anti-corruption actors is essential, with the UN Convention against Corruption providing a critical framework to sup- port this work. Anti-corruptionmeasures canstrengthena country’s capacitytomitigatetheclimatecrisis.Inaddition,local communities must have access to grievance mecha- nisms, and those who speak out – climate, land and environmentaldefenders,andwhistleblowers–must be protected fromany formof reprisals. The creation of mechanisms for detecting andmanaging conflicts of interest, including through lobbying registers and declarations of interests, is essential. FCPA is back… After several months of uncertainty, on June 9, 2025, Deputy Attorney General Todd Blanche’s “White Memo”providedaclearindicationoftheFCPA’slat- est priorities, includingpriorityareas forU.S. compa- niesthatwouldbedeniedbusinessopportunitiesdue to bribery of foreign public officials by foreign com- petitors,particularlyinthedefensesectorsorincritical infrastructure. (5) The top priority also remains the bribery of foreign publicofficials linked tocartelsor transnational crim- inal organizations. Theobjective is to focus federal re- sources on matters with a high strategic impact alignedwithAmerican foreignpolicy. 1 )https://urlr.me/KSFerj 2 )https://urlr.me/DMrFHz 3 )https://urlr.me/KMtzj9 4 )https://lc.cx/b7jaIl 5 )https://lc.cx/bkNktB An overview of the fight against corruption at the transnational level C e 6mars, Madame J. Kokott, avocat général auprès de la Cour de justice de l’Union européenne (« CJUE » ou « la Cour »), a délivré ses conclusions dans l’affaireHögkullenAB, C- 808/23. Cette affaire concerne l’éva- luationduprix de services intra- groupe et particulièrement l’appli- cationdu concept de la valeur nor- male enmatière deTVA. Ses conclusions sont très intéressantes, même si elles doivent, bien évi- demment, être confirmées ou infir- mées par laCour. Par Cédric T USSIOT , Tomas P APOUSEK , Partners, et Michel L AMBION , Managing Director, Deloitte Tax & Consulting Après notre article relatif à l’arrêt WeatherfordAtlas Grip SA (WAG) rela- tif aux conditions dans lesquelles une société peut déduire la TVA sur des ser- vices intragroupes, nous examinerons maintenant leur valorisation enmatière de TVA (1) . Högkullen AB est une société suédoise qui rend un certain nombre de services à ses filiales actives dans le secteur immobilier et n’ayant qu’un droit à déduction partiel de la TVA encourue sur leurs charges. HögkullenAB facture ses services avec TVA et dispose d’un droit à déduction total de la TVA sur ses charges. Les services couvrent cinq sec- teurs différents : la gouvernance, le financement, la gestion immobilière, la gestion informatique et la gestion de personnel (2) . Un prix unique est réclamé et calculé sur la base de certains coûts majorés d’une marge bénéficiaire. Une telle situation, est très fréquente au Luxembourg : une holding qui renddes services àdes filiales nepouvant déduire que partiellement, voire pas du tout, la TVA. Cette affaire a donc un intérêt direct pour la place luxembourgeoise. L’administration TVA suédoise a consi- déré que le prix demandé aux filiales était inférieur à leur valeur réelle. Elle a donc invoqué l’Article 80 de la directive TVAqui est transposédans l’Article 28.3. de la loi TVA luxembourgeoise : cet arti- cle prévoit que l’administration peut substituer au prix demandé pour un bien ou un service la valeur « normale » qu’elle considère applicable à la transac- tion. Cette disposition ne s’applique en principe qu’aux transactions réalisées entre parties liées (3) , lorsqu’aumoins une de ces parties ne peut pas déduire entiè- rement la TVA et qu’elle estime que le prix demandé est inférieur ou supérieur à la valeur normale (4) , ceci afin de lutter contre la fraude et l’évasion TVA. Cette valeur normale (5) est en principe, déterminée selon la méthode « compa- rative », c’est-à-dire le prix qui devrait être payé aumême stadede commercia- lisation par des personnes tierces pour des services comparables. A défaut de services comparables, la valeur normale des services est calculée selon laméthode des « coûts » et ne peut être inférieure aux coûts engagés pour les rendre. L’administration suédoise argumenta tout d’abord que les services rendus par HögkullenAB constituaient une presta- tion unique pour laquelle il n’existe pas de services comparables, ce qui lui per- met alors d’invoquer la règle subsidiaire qui est celle des coûts engagés. L’avocat général rappelle tout d’abord que selon la jurisprudence constante de la Cour, différents composants consti- tuent une prestation complexe unique lorsqu’ils sont si étroitement liés et qu’ils forment objectivement une seule pres- tation économique. Ce qui selon elle n’est pas le cas des cinq services de HögkullenAB qui ont chacun un carac- tère propre. En particulier, elle souligne que ces différentes prestations pour- raient être acquises de manière séparée auprès deprestataires tiers. Par exemple, les filiales auraient pu recourir àunpres- tataire informatique tiers et recevoir les quatre autres prestations de Högkullen AB. Enfin, la circonstance qu’un prix unique est facturé n’est qu’un élément accessoire qui ne remet pas en cause l’existence de prestations séparées. Il est à noter que la Commission européenne dans ses commentaires adressés à la Cour adopte la même position. En conséquence, elle conclut que les ser- vices de Högkullen AB ne constituent pas une prestationunique pour laquelle il n’existerait pas de prix comparable. Ensuite, l’avocat général examine la question des coûts à inclure dans le cal- cul de la valeur normale. HögkullenAB avait utilisé la méthode de la marge bénéficiaire (« cost plus ») appliquée à différents coûts en relation avec les ser- vices rendus, à savoir ceux liés à la gou- vernance d’entreprise, aux locaux, à la téléphonie, à l’informatique, à la repré- sentation et aux déplacements. En revanche, elle n’avait pas inclus ceux relatifs à sa comptabilité, à la vérification de ses comptes, à son assemblée géné- rale, à la mobilisation de capitaux, à l’émission envisagée de nouvelles actions et à son admission en bourse. En effet, elle considérait qu’ils n’étaient pas en rapport direct avec les services ren- dus aux filiales. L’administration s’op- pose à cette approche et considère qu’ils doivent être inclus dans le calcul de la valeur normale. L’avocat général considère que cette inclusion automatique de tous les coûts n’est pas correcte et qu’il convient de cal- culer la valeur normale pour chacune des cinq prestations en tenant compte des coûts qui y sont effectivement liés. Enparticulier, elle souligne que des frais relatifs à l’acquisition future d’une par- ticipation ou à l’entrée en bourse de la holding n’entretiennent aucun rapport avec les services rendus aux filiales. Ici aussi, la Commission européenne a défendu la même position. Par ailleurs, les règles de prix de transfert enmatière d’impôts directs adoptent généralement la même approche. De plus, elle souligne que certaines dépenses sont amorties sur plusieurs années et ne doivent donc pas être inté- grées pour leur totalité dans le calcul de la valeur normale des services de l’année où elles sont supportées. Il s’agissait ici de la construction d’un centre informa- tique destiné à rendre des services aux filiales. L’inclusion du coût total de ce centre aurait introduit une augmenta- tion disproportionnée de la valeur nor- male de l’année en cause. Enfin, l’avocat général estime que seuls les coûts d’HögkullenAB soumis à TVA doivent être intégrés dans le calcul de la valeur normale puisque l’Article 80 de ladirective est unemesure visant à lutter contre la fraude et l’évasion TVA qui ne peut apparaître en l’absence de TVA. Dans le cas d’HögkullenAB, cette inter- prétation entraîne des conséquences importantes puisqu’environ lamoitié de ces coûts ne sont pas grevés de TVA : il s’agit d’éléments comme les assurances, les intérêts et, surtout, les salaires. Ceci, nous semble-t-il, introduit un biais par rapport à la valeur normale « com- parative » : des prestataires tiers neman- queront pas d’inclure ces coûts, en par- ticulier ceux de salaires, dans le calcul de leur prix. La méthode des « coûts » aboutirait alors à unmontant inférieur à la méthode « comparative ». Si la Cour venait à confirmer ce point, ce n’est plus l’administration qui aurait intérêt à défendre l’application de la méthode « comparative », mais l’assujetti ! Par ailleurs, l’exclusion des coûts non grevés de TVA n’existe pas en matière de prix de transfert pour les impôts directs. Elle aboutirait logiquement à une valeur inférieure pour la TVA par rapport à celle retenue en impôts directs, qui peut être non négligeable. Or, comme déjà mentionné, la moitié des coûts d’HögkullenABn’étaient pas gre- vés de TVA. A priori, les conclusions de l’avocat général peuvent être considérées comme favorables aux assujettis même s’il reste à attendre la décision de la Cour. Cette décision, quelle qu’elle soit, devra être examinée avec soin dans la mesure où elle concerne des situations très courantes au Luxembourg. TVA : Quelle est la base taxable des services intragroupe ? 1) Pour rappel, dans la série des affaires relatives auxservicesintragroupes,WeatherfordAtlasGrip, déjà examinée, et HögkullenAB, objet de cet arti- cle,serontsuiviesd’ArcometTowercranesSRL,C- 56/23 et Stellantis Portugal, C-603/24, où la Cour doit examiner le statut TVA d’un ajustement du prixdeservicesopéréentreunemaisonmèreetsa filialepourdesraisonsdeprixdetransfertenma- tière d’impôts directs. Elle devra décider si un tel ajustement est ou non la contrepartie d’une pres- tationdeservicespourlesbesoinsdelaTVA. 2)A titre de comparaison, dans l’affaireWAG, les servicesconcernaientlagestiondesressourceshu- maines,l’informatique,lemarketing,lacomptabi- litéetleconseil,cequiesttrèsproche. 3) La notion de parties liées est définie dematière trèslarge.Ils’agit,eneffet,«desliensfamiliauxou d’autres liens personnels étroits, des liens organi- sationnels,depropriété,d’affiliation,financiersou juridiques », et « les liens juridiques peuvent in- clure la relation établie entre un employeur et un salarié, la famille du salarié oud’autres personnes quiluisontproches». 4) Le cas d’un prix supérieur à la valeur normale peut sembler surprenant. Néanmoins, si une so- ciétéréaliseàlafoisdesservicessoumisàTVAau profitdepersonnesliéesquipeuvententièrement la déduire et des services exonérés au profit des mêmesoudetiers,augmenterleprixdespremiers lui permet d’accroître son droit à déduction sans créer un coût pour leurs bénéficiaires puisqu’ils peuvententièrementdéduirelaTVA. 5)Article72deladirectiveTVAet32delaloiTVA luxembourgeoise. Nous exposons ici les seules règlesapplicablesauxservices.Ilexistedesrègles similaires mais pas identiques pour les biens. A notreconnaissance,la jurisprudenceluxembour- geoise en la matière se limite à un jugement du Tribunal de Luxembourg du 1 er février 2022 confirmé par un arrêt de la Cour d’appel de Luxembourg du 29 novembre 2023. Ces déci- sions acceptent l’application par l’administration TVA de la valeur normale à des ventes de che- vauxréalisésàdestiers.Ils’agitd’uneapplication élargie de la disposition légale et donc, a priori, surprenante. Néanmoins, il peut être considéré quelecaractèregravementlacunairedelacomp- tabilité de l’assujetti qui ne permettait pas de dé- terminer correctement son chiffre d’affaires a conduit à l’utilisation de la valeur normale commeéquivalentàuneprésomptionausensde l’Article 74 de la loi TVA.

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