AGEFI Luxembourg - septembre 2025
Septembre 2025 19 AGEFI Luxembourg Fonds d’investissement ParGuillaumeRIGEADE,Co-directeurdelagestion taux chez Carmignac L es préoccupations liées à l’endet- tement public ont pu être relé- guées au secondplan, tant que le coût du service de la dette restait très fai- ble. L’environnement de taux d’in- térêt ultra-bas (voire négatifs) rendait la dette « indolore » pour les États.Mais après deux décennies d’assouplis- sement des taux et de désin- flation, le nouveauparadigme économique a fait renaître la notionde coût de l’endette- ment. Pour autant, le besoinde financement n’a jamais été aussi fort pour les différents États cherchant davantage d’autonomie et de croissance, défiant de ce fait les lois de la gravité sur les niveaux d’en- dettement et les lois de l’offre et la demande en obligations. Le déficit, toujours plus haut, toujours plus fort La croissance démographique s’essouffle dans les puissances développées et les gains de productivité serarifient.Danscemonde,lerecoursàl’endettement pour stimuler les économies est devenu endémique. Cette tendance a été encouragée par un environne- ment où les politiques monétaires furent particuliè- rementaccommodantesdurantlesdeuxprécédentes décennies. Cela les a ainsi largement encouragés à déployer des politiques budgétaires dispendieuses. L’endettement d’un pays comme le Japon a transité de 70% au début des années 90 à 255% fin 2023 ; le plaçant sur le podiumdes plus mauvais élèves avec le Soudan (256%) et le Liban (283%). Grisé par un environnement de taux d’intérêts négatifs et une banque centrale qui a procédé à des achats massifs d’obligations, le Japonaainsi pupendant des années emprunter enabondancepour pallier l’absenced’in- flation et une croissance aux abois. La remontée des taux sur l’archipel a resserré les marges de manœu- vres budgétaires pour le gouvernement nip- pon. Il doitmaintenant lutter pour conserver une croissance positive dans un environne- mentrelativementinflationnistesuscitantde ce fait uneméfianceaccruedes investisseurs en obligations. Les États-Unis sont également à l’épicentre des craintes, alors que lepays évoluedéjà avec un niveau d’endettement conséquent (124% du PIB) et dont les échéances sont rela- tivement courtes, nécessitant un refinancement d’un tiers de sa dette dans les douze mois àvenir. De ce fait, chaque jour, la dette étasunienne s’ac- croit de +$850Mn. La fuite en avant est loin d’être révolue avec les nouvelles annonces de stimulus budgétaire dans le « One Big Beautiful Bill Act », dont l’impact déficitaire ne pourra être que partiellement compensé par la mise en place de droits de douanes, suite à la capitulation du plan d’efficacité gouvernementale (DOGE) voulu par ElonMusk il y a quelques mois. La zone euro se retrouve dans un schéma similaire avec des annonces de plan d’investissement records afin d’assurer une souveraineté sur les aspects de défensemais aussi demoderniser des infrastructures pour relancer la croissance de la zone jusqu’alors atone. Toutefois ce surplus de recours à la dette comme levier de croissance fait émerger des craintes certainesquantàunesurabondanced’offreàl’avenir. La plupart des états ayant renoncé à toute forme de discipline sur leurs niveaux d’endettement, Allemagne en première ligne avec le nouveau plan du chancelier Merz qui rompt le pacte de stabilité et decroissanceapprouvéen1997etle« schwartzeNull » (frein à la dette) inscrit à la constitution en 2009. L’endettement, générateur de croissance... jusqu’à un certainpoint Si la théorie keynésienne met en lumière le bénéfice delacroissancedel’endettementpublicpourfinancer des projets à forte intensité de main-d’œuvre (infra- structures entre autres), nous observons certaines limites à cela. La première causalité est qu’une poli- tique d’endettement inefficace peut résulter dans un déficit commercial chronique, auquel cas le recours à l’emprunt alimente un cercle non-vertueux de dés- équilibres extérieurs. Le cas de la France semble particulièrement intéres- sant à cet égard. Le pays enregistre un fort accroisse- ment de son déficit malgré les tentatives répétées de mesures d’austérité, tout en affichant une croissance à peine positive. De plus certaines forces telluriques ne font qu’aggraver ladynamiqued’endettement des États, et notamment la charge d’intérêt de la dette. Dansunenvironnementoùlestauxdirecteursontété orientés à lahausse cesdernières années, chaque refi- nancement de la dette française se solde par un accroissement de cette charge. Les projectionnistes de la commission des finances s’attendent à une évolution rapide de cette dernière qui devrait atteindre les 72milliards d’euros à l’hori- zon 2027 - devenant ainsi le second poste budgétaire derrière celui alloué à l’éducation. Signe que le pays est - de l’aveu de ses propres dirigeants - accro à la dette. Cet excédent de dépenses semble difficile à réconcilierdanslebudget,alorsqueleproduitdel’im- pôtsurlerevenus’élèveàunpeuplusde100milliards d’euros et que les plans de réduction des dépenses semblent bien difficiles à mettre en œuvre dans un environnement politique fragmenté. La résultantede cetteéquationdevrait donc aboutir à unfinancementdecettechargeparunaccroissement du déficit, qui gravite déjà à 5,8%du PIB fin 2024. Et ainsi une « stratégie » du toujours plus d’émissions dans un environnement où l’endettement a un coût etoùlestockdedettecomptedéjàpour114%duPIB. La liquidité de la dette, un enjeu de fluidité pour lesmarchés Une autre conséquence majeure d’un endettement excessifestlaspiralenégativepouvantrebuterl’appétit desmarchés;lesinvestisseursdemandantunerému- nération excédentaire pour pallier à la dégradation desfondamentaux.Silaplupartdesbanquescentrales permettent de réconcilier les troubles qui pourraient intervenirentreuneoffrededettetoujoursplusconsé- quenteetunedemandedesinvestisseursquiresteelle contenue,nousobservonsd’oresetdéjàcertainesper- turbations. Certaines adjudications au Japon ou aux États-Unisdernièrementontrencontréunedemande timorée : les investisseurs deviennent de plus enplus critiques à l’égard des instabilités budgétaires. Ainsi, il a suffi d’un revirement concernant un plan d’éco- nomie de £5 milliards (0,2% du PIB anglais) sur les prestationssocialesoutre-Manchepourengendrerun brutalsursauthaussiersurlestauxbritanniques. C’est une très mauvaise nouvelle pour le UK Debt Management Office alors que les rendements des échéances à 20 ans, et plus, gravitent au-dessus des niveauxobservésaupicdelacrisedeconfianceenvers le gouvernement de Liz Truss de 2022. De surcroît, il convient de ne pas négliger l’impact négatif d’une hausse des taux longs sur le reste de l’économie, avec unpotentiel de contagion élevé sur les autres actifs financiers et réels. Si l’avenir semble relativement sombre à la lecture de ces errances budgétaires, d’où la lumière peut- elle surgir ? Le poids dupassé, le prix du futur Trois scénarios principaux émergent. Certains plai- dent pour une sortie par le haut : « growyourway out of it » dit le secrétaire au Trésor américain, Scott Bessent. C’est-à-dire stimuler suffisamment la crois- sance nominale pour diluer le poids de la dette. D’autres, plus interventionnistes, misent sur l’idée de « print yourway out of it » ; poursuivant unemonétisa- tion implicite ou explicite des déficits via les bilans des banques centrales. Mais ces stratégies se heurtent à un environnement deplusenplusinstable.LeJapon,longtempsérigéen laboratoiredelasoutenabilitéd’unedetteélevéegrâce à des taux réelsmassivement négatifs, démontre que cemodèle ne tient que tant que les taux longs restent ancrés – et que des acheteurs naturels persistent. Or, le véritable risque réside dans un décollage des taux longs, amplifié par une demande structurellement plusfaible.Danscecontexte,lalumièrepourraitaussi venir d’une gestion active et opportuniste des porte- feuilles obligataires. Celle-ci permet non seulement d’implémenterdespositions vendeuses sur les extré- mitéslonguesdescourbesdetaux–dontlatrajectoire haussière semble inévitable – mais aussi de saisir les opportunités ponctuelles sur d’autres segments, potentiellement soutenus par des injections de liqui- dités ciblées des banques centrales. Sortie de route budgétaire : le réveil des marchés White & Case is trusted by the world’s leading companies, governments and financial institutions to solve their most complex legal challenges. In Luxembourg, we support leading private capital clients with top-tier legal services in investment funds, tax, banking and finance, corporate and M&A, and litigation. Our strengths span from structuring funds and acquisitions to providing sound tax advice and navigating complex regulations. Clients trust us for comprehensive, pragmatic solutions and skilled guidance throughout every transaction. whitecase.com
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