AGEFI Luxembourg - septembre 2025
Septembre 2025 13 AGEFI Luxembourg Economie Par Jean-Pierre SCHAEKEN WILLEMAERS, directeur de recherche, Institut Thomas More* L e monde connaît une dépen- dance croissante aux métaux rares, dont les terres rares, no- tamment dans les secteurs de l’élec- tronique grand public et de l’informatique (les plus grands consommateurs) ainsi qu’industriels dans le cadre de la politique de décarbonation (no- tamment, pour la fabrica- tion des éoliennes, des panneaux photovoltaïques, des batteries de stockage d’énergie et équipant les voitures électriques). Pareille dépendance se décline essentiellement en trois types de risques : - Pénurie demétaux rares, en raison de la très forte augmentation de leur utilisation, mais également, en Europe, de matériaux qui jusqu’à présent ne posaient pas de problème de disponibilité, mais qui deviendront critiques du fait de l’électrification accélérée du système énergétique dans le cadre de la politique bas carbone et donc de l’épuisement beaucoup plus rapide de leurs gisements ; - tensions géopolitiques et économiques, un nom- bre restreint de pays disposant de gisements im- portants de minerais contenant ces métaux ; - dommages environnementaux. La pénurie est un risque d’autant plus élevé que la part des productions renouvelables intermit- tentes ainsi que, par voie de conséquence, du stockage d’énergie par batteries est importante dans le mix électrique et que l’électrification du système énergétique est plus soutenue. Lesmétaux rares sont présents, entre autres, dans : - les éoliennes. Le moteur de la plupart d’entre elles est constitué d’un aimant à base de néodyme (terre rare), de fer et de bore (métal rare) ; - les cellules des panneaux solaires contenant gal- lium, silicium et terres rares ; - les cathodes des batteries des voitures électriques et de stockage d’énergie ; le cobalt en est un com- posant important, permettant une plus grande ca- pacité de stockage. Il présente toutefois des risques majeurs dont il sera question ci-dessous. D’autre part, certainsmatériaux très largement uti- lisés dans l’industrie de l’électronique et de l’infor- matique sont susceptibles d’être remplacés par d’autres nettement plus performants. C’est le cas du silicium dans les semi-conducteurs, compo- sants de base de la technologie des puces. En effet, l’oxyde de gallium est cinq fois plus conducteur que ce dernier. Toutefois, une telle substitution est soumise à des contraintes géopolitiques similaires à celles du silicium (dont la production du brut est dominée par la Chine). Quant au germanium, il requiert un raffinage complexe et coûteux, dont la production de pla- quettes dominée par la Corée du Sud et le Japon. Il permet la transmission de données à haut débit dans les fibres optiques (essentielle à l’IA) et est devenu de plus en plus nécessaire vu la demande croissante de réseaux de données à haute performance. Selon cer- taines estimations, la demande globale de germanium devrait augmenter de 60 % d’ici à 2034. Parmi les métaux qui deviennent cri- tiques dans le contexte de la po- litique de décarbonation, le cuivre en offre une belle illustra- tion. Ainsi, selon l’IFP Energies nouvelles (IFPEN) (projet GE- NERATE, Emmanuel Hache), 20 kg de cuivre sont nécessaires pour fabriquer un véhicule ther- mique, 40 kg pour un hybride et environ 80 kg pour un véhicule électrique. En outre, 90 % des ressources en cuivre connues aujourd’hui seront extraites d’ici à 2050, dont en- viron un tiers de la consommation globale dans les réseaux électriques et le transport. L’AIE (Agence internationale de l’énergie) a signalé une pénurie potentielle, prévoyant que les projets mi- niers actuels et prévus ne répondront qu’à 80 % des besoins en cuivre en 2030. Les mines améri- caines prévoient que l’augmentation de la produc- tion en 2024 n’est pas suffisante pour soutenir la forte demande, notamment de l’IA. L’aluminium et plus particulièrement l’alumine de haute qualité (HPA) en est un autre exemple. Cette dernière est utilisée notamment dans la production d’énergie renouvelable, les applica- tions militaires, les batteries LI-ion. Sa pureté chi- mique remarquable (après traitement), sa résistance mécanique et sa stabilité thermique sont des caractéristiques essentielles aux tech- niques basées sur l’IA. Les contraintes géopolitiques Les pays qui détiennent dans leur sous-sol des gi- sements dematériaux rares font l’objet de convoi- tise. Celles-ci se traduisent par des alliances pour en partager l’exploitation, d’accords d’achat, voire par des agressions pour en acquérir la propriété. L’Ukraine est, entre autres, l’objet de telles convoi- tises tant de la part des Américains que des Russes. Les premiers ont signé un accord portant sur l’accès à ses richesses minérales en échange d’une aidemilitaire (mais pas la propriété), tandis que les seconds ont annexé ses territoires orien- taux, notamment, pour s’approprier ses gisements locaux de lithium (deux des quatre principaux du pays, les plus riches de l’Europe) ainsi que desmi- nerais rares tels que le niobium et le tantale. La Chine, à elle seule, contrôle plus 60%des terres rares extraites (sa production s’élève à environ 170 000 tonnes, loin devant celle des États-Unis), 93 % de la production de l’oxyde de gallium et plus de 90 % de la production d’aimants perma- nents, selon une publication en mai 2025 de Gilles Lepesant, directeur de recherche au CNRS. La Chine en possède aussi les plus grandes ré- serves. EnMongolie intérieure, le district de Bayan Obo abrite le gisement de terres rares le plus im- portant aumonde, associé à un énorme complexe industriel de traitement. La Chine contrôle égale- ment la principale réservemondiale de galliumet produit plus de lamoitié du germaniummondial. La position dominante de la Chine dans ce do- maine est extrêmement inquiétante, car elle lui confère une capacité de nuisance démesurée. Il est urgent que les démocratiesmettent tout enœuvre pour développer leur propre production de mé- taux et terres rares, moyennant des importations provenant de pays de confiance, leur permettant d’assurer leur autonomie en la matière. On est encore très loin de cet objectif même si des pays comme l’Australie, la Suède et les États-Unis disposent de gisements de ces matériaux, dont certains sont déjà exploités. Les dommages environnementaux L’exploitation de métaux rares et de minerais contenant des terres rares n’est pas à l’abri de pro- blèmes de rentabilité, ni de danger pour l’environ- nement et la santé. L’extraction et le traitement de ces derniers sont très coûteux en énergie, en eau et en produits chi- miques. Généralement, les gisements ne contien- nent que 1%de terres rares. Il faut par conséquent extraire d’énormes quantités de minerais pour fi- nalement ne récupérer que peu de terres rares en fin de processus. En outre, celles-ci sont souvent associées à des déchets radioactifs puisqu’ils ont quasi le même rayon ionique. L’extraction est réa- lisée en déversant des alcalis toxiques dans le sol afin de dégager les terres rares de l’argile. La solution chimique est libérée dans le sol et col- lectée dans des bassins avec les terres rares ex- traites. Après des années de pollution causée par l’ex- ploitation illégale de nombreuses petites mines dans la région minière du Jiangxi (l’une des plus importantes du monde), les autorités chinoises ont enfin décidé de réparer les dommages envi- ronnementaux. Malheureusement, après des an- nées de nettoyage, l’eau de source de toute la région reste contaminée. La plupart de ces mines ont été fermées. Les mil- liers de personnes qui ont perdu de ce fait leur em- ploi ont émigré au Myanmar et au Laos pour extraire leminerai dans lesmines locales. La Chine importe de plus en plus de minerais ainsi extraits dans ces pays pour en séparer ensuite les terres rares, une fois importées. La pollution environne- mentale n’a pas été éliminée, mais déplacée. Aux États-Unis, les minerais extraits de la (princi- pale) mine deMountain Pass étaient expédiés vers la Chine pour traitement. Actuellement, ils sont traités aux États-Unis avec l’aide d’un programme spécifique duministère de la Défense. Ce dernier, selon Gilles Lepesant cité plus haut, a alloué de- puis 2020 près de 500millions US$ pour constituer une filière américaine. De nouveaux projets ont émergé en Caroline du Sud, dans l’Oklahoma, au Texas où s’est implanté le principal acteur industriel australien déjà déten- teur d’une usine de raffinage en Malaisie. En Europe des capacités de raffinage voient le jour au Royaume-Uni, en Norvège, en Suède. En France, le site de La Rochelle a repris ses centrales de raffinage en 2025. Et un projet franco-japonais est initié à Lacq avec un approvisionnement issu du rebut de production. Conclusion L’électrification accélérée de l’économie euro- péenne, dans le cadre de la politique bas carbone imposée par la Commission européenne, entraîne un gonflement de la demande demétaux rares de manière générale et de terres rares en particulier. Selon le Bureau de Recherche Géologique et Mi- nière (BRGM), la consommation de terres rares va croître d’environ 8 % par an dans les années à venir en raison de la forte augmentation de la part des productions éoliennes et photovoltaïques dans lemix électrique et de celle des voitures élec- triques et hybrides dans le parc automobile (pour autant que la croissance de leur parc se confirme durant la prochaine décennie, à voir !). Ces besoins croissants en métaux et terres rares incitent à diversifier l’approvisionnement en mi- nerais contenant ces matériaux (afin de se sous- traire le plus possible de la dépendance à l’égard de la Chine), notamment en les important du Vietnam, du Myanmar, de l’Australie ou de l’In- donésie. Toutefois, les lois et réglementations environne- mentales (parfois, excessives) sur la qualité de l’air, de l’eau, des sols, etc., bref sur la protection de la nature et le bien-être des populations dema- nière générale, sont de nature à freiner l’accès à ces ressources, voire à remettre en question des projets d’extraction et, partant, à ne pas satisfaire la demande croissante de matériaux critiques es- sentiels, entre autres, aux secteurs de l’informa- tique, des communications, des technologies de pointe et de l’énergie. Tôt ou tard, les États européens ne se verront-ils pas contraints d’offrir aux entreprises des voies de contournement pour leur permettre de rester compétitives au niveau international ? Des propositions de suppression de certaines exigences ont également émergé aux États-Unis, entre autres, pour les projets essentiels à la sécu- rité nationale ou à la résilience économique (Ro- bert A. James & Asleigh Myers, « AI Needs Critical Materials, Fast! But FromWhere? », Gra- vel2Gavel , 6 January 2025). Quoiqu’il en soit, les projets de développement de terres rares nécessitent un soutien public. Leur rentabilité est loin d’être immédiate en raison non seulement du coût des projets, mais également, entre autres, du coût de la mise en conformité avec les exigences aléatoires de contraintes envi- ronnementales et de la volatilité des prix des im- portations en provenance de pays de confiance. * publié une première fois le 22 août 2025 dans Techniques de l’Ingénieur. L’économie mondiale à la merci des métaux rares ? T he PwCBusiness Barometer slipped to -5 inAugust, fol- lowing a rebound to -1 in July, asweak economic growth, political uncertainty, and rising concerns overmilitary conflict es- calations continue toweigh onbu- siness confidence. Business confidence in Luxembourg remains subdued, with little sign of a rebound. The economy grew by just 0.6% in the second quarter, a slowdown fromthe 0.7%recorded inQ1anda0.2% contraction compared with the same period last year. Looking ahead, global trade tensions could further complicate matters. While thenewtariffsintroducedbyWashington are expected to have only a marginal direct effect on Luxembourg, just 3% of its exports head to the United States, the Grand Duchy is exposed to potential knock-on effects if its European partners suffer a sharper blow,warnedSTATEC’s director. The low growth is mirrored by weak jobmarket data. Employment rose 0.3% in Q2, slightly better than the 0.2% in the first quarter, but still weak by his- torical standards. Much of the increase came fromthepublic sector,whichalone accounted for two-thirds of job creation. In the private sector, transport and busi- ness services provided modest support, while construction dragged growth downwith a 0.1%decline. Confidence also remains sluggish at the EuroArealevel.InAugust,strongerman- ufacturing output failed to compensate for weaker services activity. New orders rose for the first time since May 2024, though only marginally, as resilient domesticdemandoffsetthesteepestdrop inexportorderssinceMarch.Theoutlook is increasingly challenged by trade and political headwinds. TheEU–USdealagreedattheendofJuly imposes a 15% tariff on all EU goods exported to the US, excluding steel, cop- per and aluminium, subject to a 50% tar- iff. At the same time, political instability inFrance, nowon its fifthprimeminister inlessthantwoyears,raisesdoubtsabout the country’s ability to remain a driving force within the bloc. These strains are compounded by mounting tensions on the EU’s eastern border. The latest esca- lation sawRussian drones breach Polish airspace, prompting Warsaw to invoke NATO’s Article 4 and fuelling concerns over a potential escalation of the conflict in Europe. In the US, concerns over the strength of the economy have intensified following asharpdownwardrevisiontolabormar- ket figures. The Labor Department revealed that the economy created 911,000 fewer jobs in the year through Marchthanpreviouslyestimated.Thelat- est report only deepened worries: in August,employersaddedjust22,000jobs, far below the 75,000 expected, while the unemploymentrateedgedupfrom4.2% to 4.3%. The softer numbers increase the likelihood of a Fed rate cut at its September meeting, a step the President has been demanding for months. Diverging opinion between the White House and the Fed led President Trump to adopt drastic measures in recent months, fromattempting to fireFedgov- ernor Lisa Cook to appointing conserva- tive economist E.J. Antoni as head of the Bureau of Labor Statistics, undermining the bureau’s long-standing nonpartisan credibility. The monthly PwC barometer, in collaboration with AGEFI Luxembourg, is an economic confidence indi- cator that is intended to be a simple and pragmatic tool aimed at capturing the economic atmosphere of the GrandDuchy eachmonth. The indicator is based on a number of sentiment indices published monthly by Eurostat and Sentix, which are based on surveys (businesses, consumers or investors/ analysts). The indicators used are: consumer confidence (EA for euroareaandLUXforLuxembourg),industrialconfi- dence(EAandLUX),constructionconfidence(EAand LUX),financialconfidence(EA),retailconfidence(EA), services confidence (EA) and the Sentix Index (EA). The evolution of the barometer over the past four years is displayed on the graph below. PwCMarketResearchCentre, IHSMarkit,Sentix,STATEC The monthly PwC Barometer
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