L
’économiemondiale évolue dans une
environnement demoins enmoins
confortable avec lamontée des
craintes pour la croissance sur fond d’incer-
titudes politiques grandissantes, selon
WilliamDe Vijlder, chef économiste de
BNP Paribas. Si les fondamentaux, bien
quemoins robustes, demeurent satisfai-
sants et si les grandes banques centrales
sont clairement disposées à soutenir l’acti-
vité, le climat est loin d’être serein, a dit
jeudi 4 juillet l’expert de la banque françai-
se lors d’un point de presse à Paris.
“Il yaunebaissedeconfiancedans lesperspectives
de croissance, ce qui entraîne de la prudence et
pourrait peser notamment sur les décisions d’in-
vestissement des entreprises”, a-t-il dit.Aux Etats-
Unis, où le cycle d’expansion économique vient
d’entrer dans son 121
e
mois, ce qui en fait le plus
longdel’histoire,laplupartdesindicateursavancés
signalantunrisquede récessionsont encoreauvert
maiscertainssontpassésàl’orange,notammentdu
côté des courbes de taux, a-t-il ajouté.
“Aladifférenced’un cycle classique, le cycle actuel
se caractérise par des chocs de nature exogène qui
créent des incertitudes”, a-t-il dit en citant les ten-
sions entre les Etats-Unis et leurs principauxparte-
naires commerciaux, ainsi que la menace d’un
Brexitsansaccord.Cehautniveaud’incertitudeliée
à des facteurs exogènes explique pourquoi la poli-
tique monétaire a un impact limité, malgré la
volontéaffichéeparlaRéservefédéralecommepar
laBanquecentraleeuropéennedemettreenoeuvre
les mesures de stimulation nécessaires, a-t-il pour-
suivi. “La synchronisation des politiques moné-
taires reflète une problématique partagée, à savoir
uneinflationinférieureàl’objectifvisé,etdespréoc-
cupations communes, laprincipaleétant lamontée
des incertitudes”, a-t-il dit. “Si ces incertitudes
devaient perdurer, cela pourrait
pesersurl’efficacitédel’assouplis-
sementmonétaire”, a-t-il ajouté.
Lagarde face à un
“défi considérable”
Dans ce contexte, Christine
Lagarde, qui vient d’être choisie
par lesdirigeants européenspour
succéder àMarioDraghi à la tête
de la BCE, se retrouvera “face à
un défi considérable”, a-t-il dit.
Comme la Fed, la BCE peine à
résoudre lemystèrede l’inflation,
qui refuse de décoller malgré un
marché du travail tendu et des
salaires en augmentation, a-t-il
argumenté.
L’institution de Francfort dispo-
se en outre d’une marge de
manoeuvre limitée, cequi l’oblige
à déterminer avec soin le calen-
drier des mesures de soutien
qu’elle souhaitemettre enoeuvre,
a-t-il dit. “La situation n’est pas
plus brillante pour les économies
émergentes, confrontées elles
aussi à un ralentissement de la
croissance”, a déclaré pour sa
part François Faure, responsable du risque pays
chez BNP Paribas, lors dumême point de presse.
“On observe une certaine complaisance financiè-
re vis-à-vis de la situation des économies émer-
gentes”, a-t-il dit en citant notamment les diffi-
cultés rencontrées par les poids lourds de cet uni-
vers que sont laChine, l’Indeouencore leBrésil.A
la différence des pays développés, les pays émer-
gents tardent à proposer des solutions enmatière
de politiquemonétaire, a-t-il dit.
Source : Reuters
AGEFI Luxembourg
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Juillet / Août 2019
Economie
«
La digitalisation ne doit pas faire peur. Utilisée
de manière intelligente, elle contribuera à
un système financier plus efficace, moins
cher, moins vulnérable et plus inclusif
»
Claude MARX (cf. portrait)
À
l’occasion de la publication
de son rapport d’activités
2018, Claude Marx, direc-
teur général de la Commission
de Surveillance du Secteur
Financier (CSSF) a présenté à la
presse, le jeudi 4 juillet, en présence
du comité de direction, les chiffres
clés de la place, ainsi que les
faits ayant marqué l’année
écoulée dans les diffé-
rents domaines sur-
veillés. Les respon-
sables de la CSSF
ont également
abordé les défis
rencontrés par leurs
équipes et les initia-
tives et moyens mis en
œuvre pour y répondre. Enfin,
cet exercice a été l’occasion d’évoquer
l’avenir de la surveillance prudentielle
dans le contexte d’une industrie en pleine
mutation.
Année globalement positive
pour le secteur financier
Concernant le secteur bancaire, la CSSF met en
avant la bonne qualité des actifs, la forte capitalisa-
tion des établissements surveillés, ainsi qu’une
situation de liquidités adéquate.
«Si le secteur bancaire a connu une activité soute-
nue– la sommedebilanaaugmentéde3%en2018
par rapport à l’exercice précédent – certaines ten-
dances lourdes se confirment néanmoins. Le
nombre de banques a ainsi légèrement baissé (-4
entités). De plus en plus de banques se transfor-
ment en succursales ; un mouvement qui devrait
continuer dans les années à venir. Leur résultat net
a connu une baisse de 3,2%. Cette perte de rentabi-
lité est à mettre en relation avec la croissance per-
sistante des frais généraux, due, d’une part, à la
nécessité d’opérer des investissements technolo-
giques importants, et de l’autre, à une pression
réglementaireaccrueàlaquellelesbanquesdoivent
se conformer. Un constat similaire a pu être établi
pour les autres acteurs de la place, notamment les
fonds d’investissement, les PSF, ainsi que les éta-
blissements de paiement ou de monnaie électro-
nique. La rentabilité des entités surveillées reste
ainsi un des principaux points d’attention pour la
CSSF», déclare ClaudeMarx.
Dans le domaine des fonds d’investissement, le
Luxembourg a conforté sa position de leader au
niveau européen en matière de fonds UCITS. «Le
secteur reste un pilier important de l’économie
luxembourgeoise. Le nombre de sociétés de ges-
tion de fonds d’investissement autorisés est passé
de 306 de 2017 à 314 en 2018. Le
nombre total des organismes
de placement collectif (OPC)
inscrits sur la liste officielle a
légèrement baissé à 3.908,
alorsque lenombredecom-
partiments a légèrement
augmenté à 14.898. Le patri-
moine net des OPC luxem-
bourgeois a diminué de
2,3% à 4.065 milliards
€
fin
2018, comparé à fin 2017, dû
à un effet de marché négatif
supérieur à l’afflux positif de
nouveaux capitaux», ajoute
ClaudeMarx.
Des bons résultats ont également
pu être enregistrés au niveau des
établissements depaiement dont
le nombre est en augmen-
tation d’une unité et la
sommedebilande
37,65%
pour
atteindre 819 mil-
lions
€
, ainsi
qu’auprès des éta-
blissements de
monnaie élec-
tronique (+1 unité
; somme de bilan :
+40,65%à 1,3milliard
€
).
Entre continuité et adaptation constante
La CSSF a continué de porter une attention parti-
culière à la résilience du système financier, au res-
pect des réglementations en vigueur et aux ques-
tions de gouvernance. «En matière de stabilité
financière, un de nos principaux points d’attention
reste la situation du marché immobilier luxem-
bourgeois», souligne Claude Wampach, directeur
en charge de la surveillance du domaine bancaire.
Face à l’accélération de la hausse des prix des loge-
ments au Grand-Duché (+9,3% en 2018), et à la
baisse des standards d’octroi de crédits, l’endette-
ment des ménages progresse. Pour Claude
Wampach : «Le rôle de la CSSF en tant qu’autorité
macroprudentielle est de veiller à circonscrire ce
risque ensemble avec ses partenaires au sein du
Comité du risque systémique.»
La CSSF reste particulièrement vigilante quant au
risque de non-conformité, ainsi que par rapport
aux risques juridique et de réputation et qui y sont
liés. Le nombre de contrôles
off-site
, à savoir les
contrôles faits sur base de données standardisées
transmises par les entités surveillées, ainsi que
on-
site
(réalisés sur place) ont été renforcés. Ils ont
révélé qu’en cas de non-conformité, celle-ci a prin-
cipalement trait à l’absence de gouvernance adé-
quate ou de définition claire par le conseil d’admi-
nistration de l’appétence au risque et de lamise en
œuvre des principes de gouvernance par la direc-
tion, mais également à des fonctions de contrôle
interne et de conformité inadéquates ou parfois
trop dépendantes de la direction.
En matière de gouvernance, l’année 2018 a égale-
ment été marquée par la publication de la circulai-
re 18/698 portant sur l’agrément et l’organisation
des gestionnaires de fonds d’investissement de
droit luxembourgeois. Le texte comporte égale-
ment des dispositions spécifiques en matière de
lutte contre le blanchiment de capitaux et le finan-
cement du terrorisme. «Cette circulaire a été une
avancéemajeure, dans le sens où elle codifie lapra-
tique administrative de la CSSF, qu’elle unit dans
un texte les règles en vigueur pour l’ensemble de
l’industrie des fonds d’investissement et qu’elle
permet au Luxembourg de prendre une longueur
d’avance sur les autres pays européens. Le texte a
ainsi favorablement été accueilli par les acteurs de
la place», souligneMarcoZwick, directeur en char-
ge de la supervision de l’industrie des fonds d’in-
vestissement et des professionnels du secteur
financier spécialisés.
L’évolution rapide et continuelle de la technologie
fait émerger de nouvelles formes de services tou-
chant l’ensemble des activités du secteur financier,
ainsi que des modèles opérationnels plus com-
plexes. «D’un côté, nous constatons que ces mou-
vements exposent les acteurs classiques à de nou-
velles menaces, telles une cybercriminalité de plus
en plus active. De l’autre, nous voyons que les
risques liés à ces modèles intègrent également des
dangers classiques connus, tels que le blanchi-
ment», explique Françoise Kauthen, membre du
comité de direction.
Avec l’utilisation accrue de la technologie par les
entités surveillées, quelque 260 demandes d’avis
ou d’autorisations de projets IT
off-site
ont été
traités, à côté des contrôles
on-site
en nombre crois-
sant. Tenant compte de ces chiffres, la CSSF se
concentre encore d’avantage sur les systèmes IT
matériels sur base d’une
risk based approach
. Le par-
tage de connaissances et le dialogue avec les nou-
veaux acteurs permettent une prise de conscience
supplémentaire des risques IT. LaCSSF a ainsi par-
tagé ses considérations sur l’utilisation de l’intelli-
gence artificielle dans le cadre d’un livre blanc.
Quant au secteur des actifs virtuels, laCSSF entend
continuer et accélérer ses travaux de réflexion
concernant unencadrement desprestatairesde ser-
vices d’actifs virtuels. Son objectif en la matière est
triple : protéger les consommateurs notamment
face aux risques inhérents aux volets sécurité des
systèmes IT, permettre aux nouveaux acteurs de
fournir des services dans un cadre réglementaire
adapté et clair et prendre en compte les nouvelles
recommandations duGAFI.
«newways ofworking»
Afin d’accompagner le secteur financier dans un
contexte d’exigences réglementaires grandissantes,
mais également de produits et de services de plus
en plus innovants et complexes, la CSSF a renforcé
ses effectifs et lancé une importante réflexionquant
à lamodernisationde sesméthodes de travail. Près
de 200 agents ont ainsi été recrutés ces deux der-
nières années. L’effectif atteint 845 agents au 31
décembre 2018. Le recours aux outils technolo-
giques de dernière génération a été étendu dans la
continuité de lamise enœuvre de la stratégieCSSF
4.0. Ils permettront à laCSSFde restituer demaniè-
reproactive,viaunportail,desinformationsqueles
entités surveillées pourront mettre à jour. Par
ailleurs, l’application d’algorithmes de contrôle
renforcera lamise à jour granulairedes risques rap-
portés via les reporting réguliers déjà en place.
Finalement, la CSSF entrevoit d’appliquer des
méthodes de type
machine learning
au processus
d’autorisation.
Dans le cadre de la revue de l’organisation de ses
méthodes de travail et de collaboration, la CSSF
applique notamment la méthodologie du
lean
management
, afin d’accompagner l’optimisation de
ses processus organisationnels en interne, comme
dans l’interaction avec la place financière. «Le bâti-
ment Moonlight, extension de notre siège, inau-
guré à l’issue de la conférence de presse, est ainsi
déjà précurseur des «newways of working» de la
CSSF», a déclaré Jean-Pierre Faber, membre du
comité de direction, en charge notamment de la
réalisation de ces projets.
Double transitionnumérique et écologique
«Enmatière de digitalisation, nous avons deux cer-
titudes», a souligné ClaudeMarx. «La première est
qu’il y aura une transformation profonde des
divers métiers du secteur financier luxembour-
geois. La deuxième est que les ordinateurs ne rem-
placeront pas l’être humain.» L’intelligence humai-
ne devra contrôler l’intelligence artificielle et non
l’inverse. Les clients des établissements financiers,
de même que le régulateur, ne feront jamais entiè-
rementconfianceàlarobotique.Ladigitalisationne
doit pas faire peur. Utilisée demanière intelligente,
elle contribuera, au contraire, à un système finan-
cier plus efficace, moins cher, moins vulnérable et
plus inclusif.
«Néanmoins, la transition numérique entraînera
aussi un changement de certains profils de collabo-
rateurs dont aura besoin la place financière, et tous
lesprofils existantsnepourront être reconvertis aux
métiersdedemain. Il yauradonc, dansunpremier
temps, un impact négatif sur l’emploi du secteur
financier, qui est et restera dans les années à venir
un des moteurs de l’économie luxembourgeoise».
Unautreimpactcollatéraldeladigitalisationserala
diminution des recettes fiscales générées par le sec-
teur financier, qu’il faudra compenser par d’autres
sources de revenus.
Concernant la transformation écologique, celle-ci
revêt un caractère urgent en raisondu changement
climatique et de la dégradation de notre environ-
nement qu’il faut contrecarrer rapidement. Cette
transformation doit s’inscrire dans le cadre de la
réalisation des objectifs de la COP21, d’un côté, et
des 17 objectifs de développement durable de
l’ONU, d’un autre côté. LaCommission européen-
ne a présenté enmars 2018 une stratégie ambitieu-
se enmatière de finance durable.
D’après ClaudeMarx : «La transition vers une éco-
nomie à faible émission de carbone ne pourra se
faire sans financement du secteur privé». La feuille
de route y assortie comprendun système de classi-
fication unifié des investissements «durables», des
labels UE, l’obligation pour les gestionnaires d’ac-
tifs et les investisseurs institutionnels de tenir
compte des aspects de durabilité dans le processus
d’investissement, l’intégrationde ladurabilitédans
les exigences prudentielles et lapublicationd’infor-
mations non financières relatives au climat. «Le
Grand-Duché, avec quelque 4.500milliards
€
d’ac-
tifs sous gestion, devrait avoir comme ambition
qu’au moins 10% de ces actifs soient investis dans
des investissements durables à court terme, et de
devenir un leader dans ce domaine», a-t-il conclu.
Un secteur financier en bonne santé
L'inconfort grandit dans l'économie mondiale
Le Baromètre Mensuel PwC, en collaboration avec AGEFI
Luxembourg, est un indicateur de confiance économique qui se
veut être un outil simple et pragmatique visant à capter chaque
mois l’atmosphère économique du Grand-Duché.
Cet indicateur combine les résultats de l’enquête de conjoncture
réalisée par le STATEC sur les perspectives d’évolution de la
production industrielle au Luxembourg avec ceux de l’institut de
recherche allemand ZEW sur le sentiment économique des
analystes et investisseurs pour la zone euro.
L’évolution du baromètre au cours des quatre dernières années est
représentée par le graphique ci-dessous.
Le Baromètre Mensuel PwC
en collaboration avec AGEFI Luxembourg
www.pwc.lu
Sources: STATEC, ZEW, PwC Market Research Centre
Le baromètre mensuel PwC perd 8 points suite à l’incertitude qui plane encore
sur la conjoncture internationale. La zone euro subit le ralentissement de
l’économie mondiale renforcé par la guerre commerciale Sino-Américaine.
Au sein du Grand-Duché, le PIB croit de 0.3% par rapport au trimestre
dernier, à peine moins que le niveau relevé en zone euro de 0.4%. L’activité
économique est soutenue par un rebond du secteur financier ainsi qu’un
maintien du secteur de la construction. Le secteur du logement maintien des
perspectives de croissance favorables et voit ses prix à la vente augmenter de
6.9% par rapport à l’année précédente. En répondant à la demande de
logement en augmentation constante, les constructeurs luxembourgeois
bénéficient de conditions de marché favorables. Par ailleurs, sur le marché du
travail, les créations d’emploi continuent de s’accroitre sur une base constante
en enregistrant un taux de croissance de 1% ce trimestre. Selon le STATEC, la
gratuité des transports ainsi que la hausse de la taxation sur les hydrocarbures
ont également participé à l’amélioration du PIB ainsi que de l’emploi.
Au sein de la zone euro, la BCE a annoncé que les taux directeurs resteraient
stables jusqu’à la fin du premier semestre de l’année 2020. Ceci, dans le but
d’assurer les perspectives de croissance et de faire tendre l’inflation vers la
cible des 2%. Le secteur industriel européen se contracte dans le contexte de
ralentissement de l’économie mondiale et de guerre commerciale entre les
Etats-Unis et la Chine. Notamment, la production manufacturière allemande
subit la décélération du commerce international. En effet, le volume des
commandes a chuté de 2.2% par rapport au mois précédent et de 8.6% par
rapport à mai 2018. Face à cet environnement économique complexe, le
président de la BCE Mario Draghi a évoqué la possibilité de la mise en place
d’une nouvelle politique de stimulation monétaire si la situation économique
et politique actuelle venait à persister. Enfin, les marchés financiers ont réagi
positivement à la nomination de Christine Lagarde pour succéder à Mario
Draghi, en anticipant la poursuite d’une politique monétaire accommodante.
Le Baromètre Mensuel PwC