Mensuel : Edition de avril 2007
Rubrique : Ressources humaines
Titre : Phantom stock : une perspective nouvelle pour revitaliser la participation des salariés au capital
Article : Les plans de stock options classiques souffrent depuis quelques années d’une désaffection importante de la part des entreprises, liée notamment au raffermissement du contexte réglementaire américain. Face à ce constat, de nouvelles formes de rémunérations visant à intéresser les salariés au capital voient le jour. Le phantom stock plan et le phantom stock option plan constituent des alternatives d’un grand intérêt pour les participants et d’une grande flexibilité pour les employeurs, notamment dans le cadre d’une société ou d’un groupe dont l’actionnariat est fermé ou réglementé. En quoi consistent ces structures et quels sont leurs atouts?

Le phantom stock plan est un plan qui permet aux salariés de bénéficier de la plupart des avantages liés au statut d’actionnaire, et notamment de l’augmentation de valeur de la société ou du groupe qui les emploie, sans qu’ils en soient pour autant réellement actionnaires. Le participant reçoit des actions virtuelles, généralement appelées units. Dans certains cas, les units sont attribuées "gratuitement", c’est-à-dire qu’aucune valeur ne leur est attachée lors de l’attribution. Dans d’autres cas, les units sont attribuées avec un prix d’achat notionnel qui correspond généralement à la valeur de l’action de la société ou du groupe au moment de l’attribution. Dans les deux cas, le participant ne verse aucune somme à son employeur au moment de l’attribution des units.

L’octroi des units est suivi d’une période d’attente, ou vesting period, durant laquelle certaines conditions doivent être remplies pour que les units parviennent à maturité. La plus connue de ces conditions est la continuation de la relation de travail pendant toute la période d’attente. A ce titre, le plan peut prévoir que les units sont perdus quelle que soit la cause de la rupture du contrat de travail, ou que les units ne sont perdus que dans certains cas de rupture, pour faute grave ou du fait de la démission du salarié par exemple. D’autres conditions peuvent également être utilisées en fonction de l’objectif que la société souhaite poursuivre avec la mise en place du plan. Ainsi, la pérennité des units peut notamment dépendre de la réalisation de certains objectifs de performance, liés par exemple à l’évolution du cours du bourse de l’action sous-jacente ou à l’évolution du chiffre d’affaires du groupe. De même, la période d’attente peut être structurée de différentes manières. Il peut s’agir d’une période fixe pour l’ensemble des units, généralement entre deux et cinq ans, ou d’une période échelonnée où les units arrivent à maturité par tranches, par exemple à hauteur de vingt pour cent chaque année pendant cinq ans. Il peut encore s’agir d’une période glissante dans le cas d’octrois successifs : chaque lot de units arrive dans ce cas à échéance x années après l’octroi.

L’ensemble de ces caractéristiques –durée et structure de la période d’attente, conditions de conservation des units- est élaboré en fonction des objectifs que la société s’est assignée lors de la mise en place du plan: rétention, encouragement de la performance, etc. A l’expiration de la période d’attente, lorsque les units arrivent à maturité, le participant perçoit une somme en cash basée sur la valeur de l’action sous-jacente à ce moment. Dans le cas où les units ont été attribués "gratuitement", le montant versé est égal à la valeur de l’action sous-jacente à la maturité, multiplié par le nombre de units. Dans le cas où les units ont été attribués avec un prix d’achat notionnel correspondant au cours de l’action sous-jacente à l’octroi, le montant versé correspond à la différence entre le cours de l’action à l’octroi et à la maturité, multiplié par le nombre de units. Ces deux cas de figure conduisent à des résultats radicalement différents. Dans le premier cas, qui sert essentiellement un objectif de rétention pure, le participant est assuré de percevoir un revenu même si le cours de l’action baisse. Dans le second cas, le participant ne perçoit un revenu que si l’action s’apprécie, ce qui répond plutôt à un objectif combiné de rétention et d’encouragement de la performance. Ce second schéma correspond également à un autre type d’instrument utilisé dans le cadre de la participation virtuelle des salariés au capital et communément nommé stock appreciation right, ou droit à l’appréciation de la valeur de l’action.

L’attribution de dividendes et les changements dans la structure du capital peuvent, dans une certaine mesure, être reflétés dans un phantom stock plan. Ainsi le mécanisme du divident equivalent permet, lorsque les actionnaires du groupe perçoivent un dividende, d’attribuer aux porteurs de units un dividende virtuel égal au dividende réel multiplié par le nombre de units. De même, un éventuel changement dans le nombre des actions composant le capital de la société, suite à une division des actions par exemple, peut être reflété par un ajustement du nombre de units détenus par chaque participant. Sur le plan fiscal, l’attribution des units ne représente pas un événement imposable du fait des conditions attachées à la période d’attente.

L’imposition intervient à la maturité, c’est-à-dire au moment où le participant perçoit en cash le montant auquel les units lui donnent droit. L’impôt et les charges sociales sont calculés sur le montant perçu par le participant et dans les conditions du droit commun: pour peu que le plafond de sécurité sociale soit dépassé, le prélèvement total sera de 40,35%, soit 38,95% au titre de l’impôt sur le revenu et 1,4% au titre de la contribution dépendance. Les éventuels dividendes virtuels sont imposés lors de leur paiement suivant les mêmes modalités. Dans le chef de l’employeur, les charges patronales sont également dues dans les conditions de droit commun, et donc réduites à zéro si le plafond de sécurité sociale est atteint. Le phantom stock option plan fonctionne pour sa part de manière identique à un plan de stock options classique, mais tout comme le phantom stock plan il est entièrement virtuel. Il donne au participant l’opportunité de bénéficier de l’appréciation des actions de la société ou du groupe, sans pour autant en devenir à aucun moment actionnaire. Lors de l’attribution, le participant reçoit un certain nombre d’options virtuelles qui pourront être exercées dans le futur, à des dates ou à des périodes fixées par le plan. Un prix d’exercice notionnel est attaché à ces options. Il correspond généralement à la valeur de l’action de la société ou du groupe au moment de l’octroi des options, éventuellement diminuée d’une décote. L’octroi des options virtuelles est la plupart du temps suivi d’une période d’attente pendant laquelle elles ne peuvent pas être exercées et peuvent être perdues si certains événements surviennent… ou ne surviennent pas. Ainsi, la rupture du contrat de travail ou la non-réalisation de certains objectifs peuvent être des causes d’annulation des options allouées. La durée et les conditions de la période d’attente peuvent être structurées de façon variable en fonction des objectifs du plan, qui consistent généralement en une combinaison de rétention et d’encouragement de la performance.

Certaines clauses particulières peuvent servir des fins plus spécifiques, par exemple la non-annulation des options en cas d’invalidité ou la faculté d’exercice anticipé en cas de naissance d’un enfant. La période d’attente est suivie d’une ou de plusieurs périodes pendants lesquelles le participant peut exercer ses options. Au moment de l’exercice, le participant n’acquiert pas d’actions de la société ou du groupe. C’est là que réside la différence avec un plan de stock options classique: le participant perçoit à ce moment une somme en cash qui correspond à la différence entre la valeur de l’action sous-jacente au jour de l’exercice et le prix d’exercice notionnel fixé lors de l’octroi. Ce mécanisme est identique à celui d’un plan de stock options classique où le participant lève ses options et vend immédiatement les actions achetées.

En d’autres termes, le participant touche la plus-value générée par l’action entre le moment de l’octroi de l’option et le moment de l’exercice. Bien entendu, si l’action perd de sa valeur entre ces deux dates, le participant n’exerce pas ses options puisqu’il n’en tirerait aucun bénéfice. De ce fait, l’encouragement à la création de valeur de la société ou du groupe est l’objectif essentiel visé par ce type de plan. Du point de vue fiscal, l’imposition de cette structure de rémunération intervient à l’exercice, c’est-à-dire au moment où le participant perçoit le revenu issu des options. L’impôt est calculé dans les conditions de droit commun, soit au taux marginal de 38,95% dans la majorité des cas. Si le plafond de sécurité sociale est dépassé, seule la contribution dépendance de 1,4% est due par le salarié, l’employeur ne supportant dans ce cas aucune charge patronale.

Quels sont les avantages et les inconvénients des phantom stock plans et des phantom stock option plans?

Au premier rang des avantages se situe la possibilité de faire bénéficier les participants de l’accroissement de valeur du capital sans pour autant être confronté aux contraintes liées à sa structure. Un actionnariat fermé -familial par exemple- ou réglementé –parce que la société ou le groupe opère dans un secteur d’activité particulier par exemple- ne constituent plus des obstacles à la participation des salariés. Ceci constitue également un avantage pour les actionnaires, qui peuvent partager la valeur économique du capital sans partager le capital lui-même, et qui trouvent ici un moyen d’éviter la dilution de leurs actifs et de leurs droits de vote. Sur le plan pratique, ces structures présentent l’avantage d’une certaine simplicité, principalement liée à l’absence d’actionnariat réel des salariés, et celui d’une importante flexibilité.

Les importantes sorties de cash qui peuvent être liés à la maturité des plans, et qui requièrent que la société dispose de réserves suffisantes pour y faire face, constituent un des inconvénients principaux de ce type de plans. Pour les sociétés non cotées en bourse, la mise en place de ce type de plans soulève en outre la question de l’évaluation des actions sous-jacentes sur lesquels les bénéfices des participants sont calculés ; cette question peut toutefois être réglée par un accord avec les autorités fiscales. De manière plus générale, et notamment dans un contexte d’actionnariat réglementé et dans un souci de flexibilité, le recours à des structures de type phantom stock permet d’intéresser les salariés à l’accroissement des profits et de la valeur de la société ou du groupe de manière aisée grâce à la caractéristique essentielle de ces plans: leur caractère virtuel. Le contexte législatif luxembourgeois, caractérisé par l’absence de réglementation spécifique à l’actionnariat des salariés, autorise la mise en place de tels plans sans contraintes excessives. Le choix des caractéristiques du plan, capital pour atteindre les objectifs visés, peut ainsi s’opérer dans des conditions de flexibilité maximale.

La réussite de la mise en place d’un plan de type phantom stock ou phantom stock option passe tout d’abord par une définition soignée des objectifs poursuivis : rétention, performance, catégories de salariés visés, etc. Cette détermination des objectifs permet d’élaborer les caractéristiques du plan: type, éligibilité des participants, durée du plan et des périodes d’attente, conditions attachées aux droits des participants, etc. Dans ce cadre, l’environnement législatif doit être considéré, notamment au niveau du droit du travail et du droit des sociétés. L’établissement du plan devra également tenir compte des contraintes financières et comptables pour la société, tout comme de la problématique de l’évaluation pour les sociétés non cotées. Enfin, l’administration et la communication relatives au plan devront être minutieusement préparées afin d’assurer le succès du projet auprès des salariés et par là-même l’atteinte des objectifs fixés.


Joëlle Lyaudet
Directeur, Tax
Deloitte Luxembourg
Tél: +352 451 45 25 82
Email: jlyaudet@deloitte.lu

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