Mensuel : Edition de mars 2001
Rubrique : La Place
Titre : Lussi (Clearstream): “nous n’avons rien à nous reprocher”
Article : La publication, fin février, assortie de la diffusion d’un film documentaire sur la chaîne cryptée française Canal +, mettant en cause Clearstream dans le cadre d’un mécanisme de compensation financière pouvant servir au blanchiment d’argent, a incité les dirigeants de l’établissement à convoquer en urgence, le lundi 26 février, une conférence de presse au cours de laquelle André Lussi, Chief Executive Officer; David Cowan, Director Public Affairs et Douglas Reeves, Managing Director & Chief of staff, ont brièvement mais clairement réfuté toutes les accusations dont ils sont l’objet.

Ce jour là, “l’affaire” avait éclaté dans les colonnes du Figaro, qui, sur deux pages, étalait les grandes révélations de cette enquête menée conjointement par le journaliste français Denis Robert et le financier luxembourgeois Ernest Backes, ancien employé de Cedel, un des instigateurs du système de clearing tel qu’il existe, mais qui avait été licencié en 1983.
“Que ce soit sous l’appellation Cedel ou Clearstream, nous avons toujours implémenté des procédures strictes en matière de lutte contre le blanchiment d’argent a insisté M. Lussi. L’un de nos principes fondamentaux est de connaître parfaitement nos clients, qui sont tous parfaitement reconnus sur les marchés financiers. Si nous ne disposons pas d’informations sur le client, nous ne négocions pas avec lui”.
L’enquête montrerait l’existence d’un système parallèle à celui de compensation actuellement en fonctionnement, et qui permettrait de dissimuler des pratiques frauduleuses au travers de comptes dits “non publiés”. Une véritable “lessiveuse” pour reprendre les propres termes des auteurs.
“Ces comptes non publiés sont une pratique normale a expliqué M. Reeves. Il appartient au client de choisir s’il veut ou pas que soit publié un résumé de ses comptes”.
“Nous sommes apparemment accusés de blanchiment à travers les comptes non publiés. C’est un non-sens complet. Nous ne faisons pas circuler d’argent, mais uniquement des titres”, a déclaré, pour sa part au journal Le Monde David Cowan, directeur de la communication de Clearstream.
Les dirigeants de Clearstream n’ont apporté aucun autre commentaire, refusant d’évoquer un livre et un documentaire qu’ils n’ont pas visionné. Mais ils ont indiqué se réserver le droit d’intenter des actions en justice contre ses auteurs et la maison d’édition.
“Nous n’avons rien à nous reprocher et nous avons toujours fait correctement notre métier, en agissant en toute légalité a insisté M. Lussi. Nous sommes choqués par ce qui a été écrit. Ce sont des mensonges”.
Selon les auteurs de l’enquête, les circuits parallèles des sociétés de clearing représentent la “face cachée du capitalisme”, “Un point névralgique où se rencontrent des fonds de toute nature et où se nouent des comptabilités invisibles de l’extérieur”.
Outre des institutions financières, des groupes “non financiers” sont cités dans l’enquête comme possédant des comptes “non publiés”, sans pour autant posséder des comptes “publiés”. De même, ils montreraient que la BCCI a continué, grâce à Clearstream, à effectuer des opérations même après sa mise en faillite en juillet 1991.
Clearstream avait publié, parallèlement à cette conférence de presse, un très bref communiqué, se contentant de réfuter les soupçons de blanchiment, rappelant la constitution de son actionnariat et les différents ratings dont bénéficie l’institution, et concluant sur le fait que ses comptes sont audités, “depuis longtemps” par KPMG, “un des Big 5”.
Tout aussi laconique a été le communiqué publié par la Banque centrale du Luxembourg: “En date du 26 février 2001, la Banque centrale du Luxembourg, avec la participation du Ministère des Finances, a organisé une réunion avec la direction de Clearstream.
Les autorités ont été informées que Clearstream prendra toutes les mesures appropriées pour réfuter les allégations contenues dans certains articles de presse.
Les autorités continueront à assurer leur mission de contrôle prudentiel et de surveillance des systèmes de paiement et de règlement des opérations sur titres”.
Il est encore trop tôt pour mesurer la portée du séisme, si séisme il y a... Le Parquet annonce avoir ouvert “une enquête d’usage”, mais la sortie du livre et la diffusion du documentaire, hors de nos délais de bouclage, pourraient bien provoquer quelques remous supplémentaires et, sans nul doute, de nouvelles réactions de la part de Clearstream. Affaire(s) à suivre...

Retour début de page