Mensuel : Edition de juin 2010
Rubrique : Informatique Bancaire/IT
Titre : 3% de PIB mondial en plus si les CEO vainquaient leur phobie de l’IT
Article : Altran, leader européen du conseil en innovation et nouvelles technologies, a organisé, le mercredi 19 mai à “La Loge” à Bruxelles, une table ronde stratégique consacrée à l’IT Governance. Quelques-uns des défis les plus cruciaux rencontrés par les entreprises dans le domaine de l’IT, de même que la question de sa valeur ajoutée, y ont été abordés par plusieurs spécialistes de renom: Mark Toomey, Thought Leader auprès du ISO (International Organization for Standardization) IT Governance Study Group, Fred van Leeuwen, Managing Consultant chez DCE Consultants (filiale du Groupe Altran), Fabrice Léonard, Managing Director d’Altran CIS Belux, et Rudi Colijn, Program Director ICT Efficiency Improvement chez Alcatel-Lucent. Ce qui suit est un compte-rendu de leur vision surprenante et de leurs réflexions.

Le fait que les entreprises actuelles sont totalement dépendantes des technologies de l’information pour leur fonctionnement quotidien est une évidence depuis longtemps. Le fait que l’IT possède un potentiel énorme de création d’un avantage concurrentiel pour une entreprise coule également de source. Pourquoi, dès lors, les Chief Information Officers (CIO) et leurs équipes semblent-ils si souvent rester en-deçà de ce potentiel? se sont demandés les participants à la table ronde. Il arrive en effet beaucoup trop fréquemment que les coûts des projets explosent, que l’information fournie soit trop obscure, que les risques aient été mal calculés, que le résultat ne corresponde pas (suffisamment) à ce qui avait été demandé, etc.

La recherche a démontré qu’environ quatre projets IT professionnels sur cinq ne parviennent pas à délivrer la valeur ajoutée promise. Ce genre de résultats déplorables ne serait toléré dans aucun autre segment d’activité. Il semble également incompréhensible que, malgré le nombre croissant de fonctionnalités et le raffinement permanent de la technologie, de tels projets ressemblent plus souvent à un “trou noir” qu’à un domaine fertile sur le plan financier. C’est encore plus vrai quand l’on considère que si on parvenait à élever à 85% le taux de réussite des missions IT, le Produit Intérieur Brut (PIB) mondial augmenterait de 1 à 3%.

Une fameuse occasion manquée! D’après le panel d’experts présents à la table ronde, la vraie raison de cet échec ne se trouve pas du côté des spécialistes technologiques eux-mêmes mais plutôt auprès des top-managers: aussi étrange que cela puisse paraître, ceux-ci restent, dans bien des cas, totalement à l’écart de la stratégie IT de leur entreprise, allant jusqu’à faire des déclarations dangereuses telles que “l’IT doit être évoqué en salle du conseil uniquement lorsque survient un problème”. Une simple comparaison: aucun chef d’entreprise n’aurait l’idée de confier aveuglément tout ce qui touche aux finances à son CFO, alors que c’est précisément ce qui arrive très couramment aujourd’hui avec les CIO (voir des experts expérimentés externes) qui se retrouvent seuls en charge de l’ensemble de l’IT. Le résultat de cette apparente phobie du CEO par rapport à l’IT est que celui-ci n’a plus de vision globale sur son organisation. De plus, la division ‘technologie de l’information’ devient souvent une sorte d’île exotique isolée au sein de l’entreprise, avec quelques “techies” qui se plaignent entre eux de ne pas être suffisamment entendus par le management.

Le manque d’“alignment” – c’est-à-dire le fait de mettre sur la même ligne l’IT et le business – n’est par ailleurs plus un secret depuis des années. Cependant, la réflexion qui est faite à ce sujet est hélas trop souvent que le département IT devrait travailler mieux, plus intelligemment et plus efficacement. Autrement dit, on pense trop souvent que comme le problème est lié à l’IT, la solution devrait l’être aussi. “Faux”, répondent les orateurs de la table ronde d’Altran. Cette affirmation est d’ailleurs confirmée par l’effet d’amélioration particulièrement faible qu’ont des standards tels que Prince 2 et ITIL sur cette situation. Il s’agit effectivement de normes établies par des spécialistes technologiques eux-mêmes.

Par conséquent, ceux-ci ont tendance à se focaliser sur leurs chevaux de bataille – les processus et les structures – alors qu’ils devraient au moins consacrer autant d’attention à des valeurs davantage liées à l’entreprise, telles que les relations internes et l’avantage concurrentiel. C’est aussi pour cette raison que l’IT Governance ne fonctionne pas toujours de manière très optimale, malgré ses intentions très prometteuses: parce que jusqu’ici, elle s’est trop concentrée sur l’IT d’un point de vue “offre” alors qu’elle devrait raisonner davantage à partir de la “demande”.

La seule véritable manière de permettre à l’IT de déployer totalement son potentiel dans des environnements business est de retirer le pouvoir de décision des mains du CIO et de le mettre là où il doit se trouver: chez le CEO, le directeur général, le patron de l’entreprise... En effet, personne d’autre ne connaît mieux qu’eux leur secteur d’activité et leur entreprise. En outre, les CEO sont les mieux placés pour veiller à un bon équilibre entre les intérêts des “stakeholders” de l’entreprise et l’IT. C’est dès lors à eux de faire en sorte d’utiliser l’IT comme un “outil” pour exécuter la stratégie de leur entreprise et s’assurer ainsi du succès futur de celle-ci.

Le rôle des spécialistes IT et des CIO doit, lui aussi, être redéfini: plutôt que des ‘décideurs au nom du business’, ils doivent devenir des ‘conseillers’ et des ‘régisseurs au sein de la Chaîne de Valeur de l’Information’. Il faut donc des personnalités “hybrides” au sommet des entreprises, qui se sentent à l’aise aussi bien dans le monde des affaires que dans le monde IT. Ceci ne signifie pas que ceux qui prennent les décisions doivent forcément comprendre la technologie, mais ils doivent savoir comment agir avec les “technologues” ainsi que connaître et contrôler l’impact de l’IT sur leurs entreprises et les possibilités qu’offre la technologie. C’est pour cette raison qu’il a été proposé, lors de la table ronde, de ne plus parler désormais d’IT Governance mais plutôt d’Information Governance: de cette façon, il est évident que la “governance” ne doit pas concerner que les spécialistes de l’IT, mais qu’elle doit être menée par l’ensemble de l’entreprise.

La bonne nouvelle est qu’il existe aujourd’hui un standard ISO qui aide les patrons d’entreprise dans la gestion de leur stratégie et de leur personnel IT. Ce standard ISO/IEC 38500, qui a le grand avantage d’être à la fois concis et efficace, fournit des directives pratiques aux dirigeants de toutes sortes d’entreprises, afin qu’ils puissent en permanence évaluer, ajuster et vérifier l’utilisation de l’IT au sein de leur organisation. Mieux encore: d’ici 2011, le ISO IT Governance Study Group fournira une nouvelle version de ces normes, avec encore plus d’explications pratiques et une directive d’implémentation particulièrement claire.

Le nouveau standard ISO/DIS 26000 en matière de Responsabilité Sociétale des Entreprises est prévu pour fin octobre. Il définira les directives sur le plan de la responsabilité sociale en général et, plus particulièrement, en termes de responsabilité civile, de transparence, de comportement éthique, de respect des intérêts des personnes, d’observation de la loi et des normes internationales en matière de conduite et, enfin, du respect des droits de l’homme.

Pour plus d’information: www.altran.be

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