Mensuel : Edition de juin 2009
Rubrique : Finance/Conseil
Titre : Value at Risk : Un airbag qui marche finalement ?
Article : Depuis la crise financière qui a commencé mi-2007, le Comité de Bâle a constaté que la majorité des pertes avaient eu lieu dans le portefeuille de négociation. Plusieurs raisons peuvent expliquer ces pertes mais les enjeux essentiels sont de comprendre en quoi la réglementation actuelle a-t-elle failli et surtout comment le régulateur a t-il réagi ces derniers mois? A l’origine, Tout d’abord une dépendance excessive sur la Value at Risk (VaR) a souvent été pointée du doigt par beaucoup comme étant la cause de ces pertes dans le portefeuille de négociation. Pour certains, cette méthode de calcul n’a pas permis aux banques d’anticiper la crise.

Une citation d’Aaron Brown reprise maintes fois, compare la VaR à un "airbag qui fonctionne tout le temps, sauf le jour où l’on a vraiment un accident de voiture".(1) En effet, il affirme que la VaR est trop souvent axée sur la gestion des risques au centre de la distribution et qu’elle ignore les événements rares créant ainsi un faux sentiment de sécurité. De plus, la VaR est souvent citée comme pro-cyclique ce qui signifie que les exigences en fonds propres sont moins élevées pendant une conjoncture favorable et sont plus élevées pendant une période défavorable. Le régulateur a proposé des règles plus précises en début d’année. En effet, les dernières recommandations, datant de janvier 2009(2), mettent l’accent sur la "stressed" VaR". Le calcul actuel pour déterminer l’exigence en capital réglementaire prend le maximum entre la dernière VaR et la moyenne des soixante derniers jours avec en plus le risque spécifique.

La nouvelle proposition ajoute une "stressed VaR" qui a des données calibrées aux données historiques d'une période de crise. Les portefeuilles de la société devront tenir compte d’une période de 12 mois relatif à des pertes importantes comme en 2007/2008.Les premières simulations indiquent que cette "stressed VaR" va certainement augmenter les exigences en capital et aussi freiner la pro-cyclicité.

Néanmoins, il y a plusieurs remarques autour de cette référence statique comme l’intégration des nouveaux types de risques et l’adaptation de la structure du portefeuille dans le temps. Depuis la mise en œuvre de l’Amendement de 1996 du Comité de Bâle, concernant le risque de marché, on constate que la composition du portefeuille de négociation a changé dans la mesure ou le risque de crédit s’y est considérablement accru. L'inclusion dans le portefeuille de négociation de certains produits (CDS, produits structurés, exotiques…) a conduit à une augmentation du risque de migration et du risque de liquidité, qui sont censés être capturés dans des modèles de risque, mais qui se sont avérés difficiles à capturer de manière adéquate par la VaR. Les régulateurs ont proposé une charge additionnelle pour couvrir ce risque, l’Incrémental Risk Charge (IRC). L’IRC, qui avait déjà été proposé en 2005, met l’accent sur les risques qui ne sont pas capturés dans la modélisation de la VaR. Au début de l’année 2009(3), les recommandations du régulateur sont principalement axées sur deux types de risques: le risque de défaut et le risque lié au changement de notation. Le risque de défaut représente le potentiel de pertes directes ou indirectes en raison d'une défaillance du débiteur et le risque de migration des notations signifie le potentiel de pertes directes ou indirectes suite aux changements de rating internes ou externes.

L’IRC ne s'applique qu'aux banques qui sont soumises à l’Amendement risque de marché et qui souhaite modéliser leur risque spécifique. Pour éviter l’arbitrage réglementaire des banques, les régulateurs ont proposé des paramètres en ligne avec la méthode du risque de crédit avancée (IRB) au niveau du portefeuille bancaire: période de détention d’un an et seuil de confiance de 99.9%. Cela signifie qu’une banque devra maintenant prendre en compte plusieurs types de risques pour calculer le risque de marché: le risque général, le risque spécifique et la "stressed VaR" (VaR 10 jours, 95%) et en plus l’IRC si elle veut modéliser le risque spécifique. Les banques doivent également développer leurs propres modèles internes fondés sur des principes économiques et mathématiques de la gestion des risques. L’implémentation de l’IRC présente certains défis non négligeables. Dans un premier temps, le principe de niveau constant du risque, qui implique que les positions peuvent être dynamiquement remplacées par des positions similaires afin d'assurer l’équilibre du portefeuille au cours des douze mois, est difficile à mettre en place. Le niveau constant du risque est plutôt une concession faite par le régulateur parce que la période de détention d’un an est irréaliste pour la plupart des portefeuilles de négociation. Dans un deuxième temps, il y a aussi un impact au niveau des performances des systèmes, un intervalle de confiance à 99,9% veut dire qu’il faudra un grand nombre de scénarios de simulation pour avoir des résultats statistiquement significatifs. Le nombre de simulations sera de 100.000 à plusieurs millions en fonction de la composition du portefeuille.

Les concepts de "stressed VaR" et d’IRC démontrent la réelle volonté du régulateur de renforcer les dispositifs pour le calcul du risque de marché afin de mieux se protéger en période de crise. Cependant, il reste encore du travail pour trouver le bon équilibre entre cette régulation proposée et une gestion optimale du risque.

Michel Dorval, Product Manager Enterprise-wide risk EMEA West, Thomson reuters
Michel.Dorval@thomsonreuters.com

1) Aaron Brown, in David Einhorn and Aaron Brown, Private Profits and Socialized Risk. GARP Risk Review (June/July 2008).
2) BIS, Revisions to the Basel II market risk framework, january 2009
3) BIS, Guidelines for computing capital for incremental risk in the trading book, january 2009

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