Mensuel : Edition de mars 2009
Rubrique : Banques/Fonds
Titre : Le retour de l’épargnant
Article : Face à la crise, nous devons utiliser nos atouts traditionnels pour faire progresser les fonds d’investissement comme principal produit d’épargne en Europe et à travers le monde.

Face à la crise…

Chute des marchés, crise des sub-primes, crise de liquidité: le moins que l’on puisse dire est que l’année 2008 n’a pas été facile. Pas étonnant que le secteur des fonds en Europe ait accusé le coup et que le Luxembourg, leader européen ait subi cette tendance mondiale. Le bilan chiffré de l’année 2008 nous permet cependant de confirmer que la crise n’a pas affecté la confiance que les épargnants placent dans nos produits. Certes les avoirs sous gestion ont baissé de 25% mais 85% de cette baisse est due à l’évolution négative des marchés, et surtout la baisse substantielle des marchés boursiers. Sans les mois de septembre et d’octobre 2008, où un manque exceptionnel de liquidités dans les marchés a forcé les investisseurs à des rachats massifs, nous aurions terminé l’année avec, une fois de plus, des ventes nettes positives, alors que la plupart de nos concurrents européens faisaient déjà dès l’été 2007 face à des rachats massifs.

Même en tenant compte des évènements exceptionnels de l’année 2008, l’évolution à moyen terme de notre secteur reste impressionnante: sur les 5 dernières années, les avoirs sous gestion des fonds luxembourgeois ont augmenté de 63,5%, le nombre de fonds luxembourgeois de 80% et les ventes nettes s’élevaient en moyenne à 140 milliards par an. Notre secteur a donc plutôt bien résisté à la crise et il n’existe aucune indication que l’affaire Madoff vienne changer la donne. Avec 17 unités de fonds touchés (sur plus de 12300) et 1.7 milliards investis chez Madoff (sur 1560 milliards d’actifs sous gestion en fonds luxembourgeois), l’effet en terme de chiffres reste marginal. Le fait que nous ayons néanmoins pris cette affaire très au sérieux prouve notre volonté à placer la protection de l’investisseur avant toute autre considération. Comment est-ce possible qu’un petit épargnant qui voulait gérer ses avoirs en bon père de famille et n’avait jamais entendu le nom de Madoff de sa vie se retrouve victime d’une escroquerie aux dimensions planétaires? Faute de certains acteurs? L’enquête de la CSSF nous le dira, du moins pour ce qui est des intervenants luxembourgeois. Faille dans la législation? La task force spéciale de l’ALFI, présidée par notre directeur général Camille Thommes a pour vocation de tirer tous les enseignements de cette affaire. Cette réflexion d’avenir ne devrait cependant pas occulter qu’aujourd’hui déjà, les fonds luxembourgeois bénéficient de nombreux mécanismes de protection des investisseurs et que les attaques d’ordre politique plutôt que juridique venues de France sont totalement dénouées de substance. Finalement, il convient de ne pas oublier que l’affaire Madoff est tout d’abord une affaire américaine où le système de contrôle des autorités publiques a indubitablement failli.

…nos atouts traditionnels…

L’ensemble des crises de 2008 ont incité les gouvernants à réfléchir sur le cadre réglementaire mondial en matière financière et nous devons nous attendre à de profondes mutations. Les atouts traditionnels du Luxembourg nous permettront d’accompagner, voire d’anticiper ces changements. Après tout, les fonds luxembourgeois sont déjà maintenant fortement réglementés et font preuve de modèle dans bien des parties du monde. De l’Asie à l’Amérique latine, nos produits sont reconnus comme étant des produits sûrs, munis de nombreux mécanismes de protection des investisseurs et donc particulièrement adaptés à la distribution aux épargnants.

Ce rôle, nous le devons à notre expérience et aux compétences reconnues de professionnels de haut rang. Nous le devons à notre attitude internationale, à notre multilinguisme. Nous le devons à notre stabilité législative et réglementaire, à un régulateur strict et consciencieux, au soutien proactif de nos Gouvernements successifs de ces dernières 20 années. Et à notre capacité d’apprendre et de nous adapter rapidement, d’anticiper de nouveaux trends et de nouveaux produits.

…au profit des épargnants

Les fonds d’investissement sont depuis longtemps un produit très apprécié des épargnants et des investisseurs en général: transparence, accessibilité, diversification des risques, liquidité, sécurité. Cela ne risque pas de changer. L’angle de notre action le devra cependant. Pendant longtemps, et face à une forte demande de la part de promoteurs venus du monde entier, nous nous sommes concentrés sur l’offre. Désormais, nous devons également nous préoccuper davantage de la demande. Dans un contexte de remise en cause de certains fondements, l’investisseur fait aujourd’hui place à l’épargnant. Ce complément d’optique doit s’accompagner d’un plan d’action: mieux comprendre ce que l’épargnant veut et attend de nous, mieux lui expliquer ce que nous faisons.

Un exemple concret: Depuis les débuts du cadre OPCVM (UCITS), la Commission Européenne a eu pour souci de rendre ces produits facilement compréhensibles et comparables pour les investisseurs. La création d’un prospectus simplifié a cependant échoué, ce document étant souvent tout aussi rébarbatif à la lecture que le prospectus complet. Dans le cadre de UCITS IV, une nouvelle tentative sera lancée avec la création du KID, le Key Information Document, une page recto-verso présentant de manière harmonisée les principales caractéristiques d’un fonds.

Le Luxembourg est actuellement le leader mondial incontesté de la distribution transfrontalière: 75% des fonds distribués dans au moins 3 pays proviennent du Grand-Duché. Certains fonds sont distribués dans près de 40 pays différents. Qui, mieux que nous, peut savoir ce que veulent les épargnants à travers le monde, ce qu’ils comprennent et ce qu’ils attendent, en terme de rendement mais avant tout aussi en terme de sécurité? La transposition de UCITS 4 constituera une bonne opportunité pour nous de démontrer la manière dont nous intégrons la protection de l’épargnant dans nos propositions au secteur.

Charles Muller
Maître en Droit (LLM)
Deputy Director General
ALFI (Association Luxembourgeoise des Fonds d'Investissement)
www.alfi.lu

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